Interview

OM : le loyer de l’Orange Vélodrome sera-t-il revalorisé ?

Alors que la majorité municipale marseillaise affiche depuis plusieurs mois son intention de renégocier à la hausse le loyer actuellement versé par le club phocéen pour exploiter l’Orange Vélodrome, peu d’informations circulent au sujet des discussions. Ecofoot.fr s’est entretenu avec Laurent Lhardit, Conseiller d’Arrondissement d’opposition (PS) du 3ème secteur de Marseille afin de faire le point sur l’avancée de ce dossier.

Des discussions ont été évoquées dans la presse au sujet d’une renégociation du loyer de l’Orange Vélodrome payé par l’OM. Alors que le club reverse actuellement 4 M€ par saison, la municipalité parviendra-t-elle à obtenir le montant préconisé par la Chambre Régionale des Comptes à hauteur de 8 M€ par exercice ?

C’est toute la question ! Il faut dans un premier temps revenir sur ce rapport de la Chambre Régionale des Comptes, qui a réalisé un travail technique et minutieux au sujet du Partenariat Public Privé (PPP) lié à la rénovation du Vélodrome.

Dans les faits, l’ensemble de l’opération représente un coût total de plus d’un milliard d’euros ! Pour analyser les coûts supportés par la ville, il est nécessaire de retrancher les versements sur recettes réalisés chaque année par Arema, concessionnaire du stade. Au final, la municipalité supporte un coût net aux alentours de 550 M€.

Compte tenu de ce chiffre, la Chambre Régionale des Comptes a préconisé de fixer le loyer payé par l’OM à hauteur de 8 M€ en y ajoutant un système optimisé d’intéressement. Or, aujourd’hui, le compte n’y est pas puisque l’OM verse un loyer à hauteur de 4 M€ par an.

Depuis plusieurs mois, le Maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, affirme publiquement que la municipalité va renégocier le loyer du stade Vélodrome payé par l’OM. Sauf que dans les faits, rien ne semble bouger !

Pourtant Jean-Claude Gaudin avait une occasion idéale de renégocier le loyer du Vélodrome lors du rachat de l’OM par Frank McCourt ! Mais, visiblement, la municipalité n’a pas profité de cette fenêtre de tir idéale pour défendre ses intérêts. Le Maire de Marseille a préféré s’afficher sur la photo de la transaction plutôt que de renégocier le loyer du stade Vélodrome.

Pour répondre plus directement à votre question, je pense qu’il sera aujourd’hui très difficile d’imposer un loyer à hauteur de 8 M€ à l’OM. Etant donné les termes des accords existants avec Arema et avec l’OM, je ne vois pas quels sont les moyens dont dispose la municipalité pour imposer un tel loyer à l’Olympique de Marseille. Jean-Claude Gaudin n’a aujourd’hui ni le pouvoir, ni les moyens d’imposer ses conditions financières à la direction de l’OM concernant l’exploitation du stade Vélodrome.

En quoi la Mairie de Marseille n’est pas en mesure aujourd’hui d’imposer un loyer annuel de 8 M€ à l’OM ?

Aujourd’hui, la direction de l’OM refuse une revalorisation de loyer à hauteur de 8 M€. En tant que chef d’entreprise, je comprends la position adoptée par M. Eyraud. Il défend les intérêts de l’OM et c’est normal !

Le nouveau président de l’OM a d’ailleurs très vite compris certaines subtilités de l’environnement marseillais. Il sait que beaucoup d’élus ont une trouille bleue des supporters de l’OM et il n’hésite pas à laisser entendre que leur colère pourrait être vive si l’augmentation du loyer entravait les moyens du club pour acheter de nouveaux joueurs.

Au-delà des enjeux électoraux, la municipalité est aussi en position de faiblesse à cause des termes contractuels négociés précédemment avec l’Olympique de Marseille concernant l’exploitation du stade Vélodrome. Par exemple, à Bordeaux, les Girondins se sont engagés à exploiter le Matmut Atlantique durant 30 ans. Une telle condition n’a pas été introduite dans le bail signé avec l’OM.

Cela signifie donc que la direction de l’Olympique de Marseille peut brandir à tout moment l’arme de la délocalisation des matchs. Et il ne faut pas prendre cette menace à la légère ! Je pense personnellement que cette alternative est crédible. Elle est même renforcée par le profil du nouvel actionnaire !

laurent lhardit

Pour Laurent Lhardit, un déménagement de l’OM du stade Orange Vélodrome est une hypothèse à ne pas écarter

L’Olympique de Marseille pourrait tout à fait se lancer dans la construction d’un nouveau stade au sein de la métropole marseillaise. Un projet qui offrirait alors beaucoup de libertés au club. Car l’OM est aujourd’hui handicapé dans l’exploitation du Vélodrome par le partenariat public privé signé entre la municipalité et Arema.

Enfin, la municipalité pose des bases de négociation qui sont déjà en recul par rapport aux préconisations de la Chambre Régionale des Comptes. Elle ne demande qu’un loyer fixe de 8 M€ par an alors que la Chambre Régionale des Comptes préconisait en plus un système optimisé d’intéressement. C’est ce qu’on appelle se tirer une balle dans le pied avant même le départ de la course.

Le nouveau loyer du Vélodrome a-t-il déjà été évoqué au conseil municipal avec les nouveaux dirigeants marseillais ?

Pour information, notre groupe politique au conseil municipal a obtenu la création d’une commission d’enquête élargie. Elle a été réunie pour la première fois il y a un mois. De manière globale, elle enquêtera sur le financement et l’exploitation des équipements sportifs de la ville.

Bien entendu, dans le cadre de cette commission d’enquête, il est certain que nous allons ouvrir le dossier du Vélodrome. Nous avons dans un premier temps des questions à poser sur le PPP conclu avec Arema et sur ses conditions. Et la problématique du loyer facturé à l’OM sera également abordée.

Autre sujet, celui du naming. Pour ma part, en tant qu’élu, je me refuse pour l’instant à ajouter le nom du sponsor quand je parle du stade. Je le ferai le jour où la Ville percevra comme il était prévu une part de la rente du naming, ce qui n’est pas le cas pour l’instant.

En fixant son montant à 8 M€, l’OM supporterait le loyer le plus élevé de Ligue 1. Est-ce bien à l’OM de supporter le coût d’un PPP qui a probablement été mal négocié à la base ?

C’est une bonne question. Personnellement, je pense que le loyer actuellement payé par l’OM  (ndlr : 4 M€ par an) n’est pas le bon prix. Il faut le réajuster, d’autant que ce stade a été rénové pour le club. A Marseille, seul l’OM a besoin d’exploiter une enceinte de 67 000 places. En dehors des rencontres du club, seuls deux ou trois événements par an peuvent justifier l’utilisation d’un tel stade.

Après, il faut être ouvert à la discussion. D’autant que les évolutions mises en place par la nouvelle direction de l’OM dans l’exploitation du stade Vélodrome vont dans le bon sens. Les 8 M€ avec intéressement doivent constituer la position de base de la Ville. Après, c’est une négociation, et une négociation, c’est évidemment des concessions à faire pour trouver un accord.

Il faut aussi comprendre que le partenariat public privé a été mal négocié. Initialement, Jean-Claude Gaudin avait fait voter le projet en annonçant un coût de rénovation du stade à hauteur de 140 M€ (hors frais de PPP). Au final, le montant est plutôt de 320 M€. Il y a eu rapidement une explosion des coûts. Et les termes de l’accord négociés avec Arema ont rarement été en faveur de la municipalité !

Est-il envisageable d’ouvrir de nouvelles discussions à trois – municipalité, concessionnaire, OM – afin de trouver un accord gagnant-gagnant entre les différentes parties ? Des contreparties peuvent-elles être octroyées à l’OM en échange d’une hausse de loyer ?

Vous avancez une excellente idée ! On ne sortira de cette impasse que par un accord gagnant-gagnant. L’OM est le principal utilisateur du Vélodrome. Il est nécessaire d’écouter leurs exigences et leurs propositions afin d’optimiser l’exploitation d’un stade qui coûte cher à la collectivité et qui est inutilisé la plupart du temps. Les débuts de la nouvelle direction ont en tout cas montré qu’ils ont de l’imagination, y compris pour optimiser le remplissage du stade.

L’ouverture de discussions avec toutes les parties prenantes est le meilleur moyen de signer un accord équitable et profitable à tout le monde. Mais le maillon faible dans l’organisation de telles négociations est la Mairie de Marseille. La majorité municipale a tellement peur d’échouer sur ce dossier qu’elle ne souhaite pas prendre de telles initiatives pour le moment. Par conséquent, le dossier n’avance pas.

En cas d’échec des négociations avec l’OM, existe-t-il des solutions alternatives pour aider la municipalité à tirer davantage de recettes via l’exploitation de l’Orange Vélodrome ?

Les alternatives ne sont pas nombreuses. Par exemple, Marseille Consolat a encore une petite chance de monter en Ligue 2. De nouvelles discussions pourraient avoir lieu alors au sujet de l’exploitation du Vélodrome. Mais les experts considèrent qu’il n’est pas possible pour un club comme Consolat d’utiliser le Vélodrome. Le stade est largement surdimensionné pour les besoins du club. Le coût de mise à disposition du stade dépasserait largement les capacités financières de Marseille Consolat.

Au final, il faut trouver une solution pour éviter de faire supporter la surcharge financière représentée par la rénovation du Vélodrome à la ville de Marseille. Notre ville n’a pas les moyens de supporter ce poids financier. Marseille n’est pas une ville riche !

Si on maintient le loyer de l’OM à 4 M€ par an, le manque à gagner pour la municipalité est d’environ 200 M€ sur 30 ans par rapport aux recommandations de la Chambre Régionale des Comptes. Avec une telle somme, on aurait la contribution de la ville pour doubler la longueur des lignes de tramway existantes à Marseille. Cet argent est aujourd’hui perdu et le sujet est donc loin d’être anecdotique !

Sources photos : Wikipedia.org – CC BY-SA 4.0 / Laurent Lhardit

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