Interview

« Impulser un mouvement de rationalisation des dépenses »

REUTERS / POOL - stock.adobe.com

Alors que les clubs professionnels français ont souffert du raccourcissement de la saison 2019-20 ; l’exercice 2020-21 pourrait s’avérer également délicat en raison des difficultés économiques traversées par le pays et des restrictions toujours importantes pesant sur les conditions d’accueil des spectateurs au stade. Si la situation est moins alarmante qu’au printemps dernier, les différents acteurs du sport professionnel français doivent poursuivre leurs réflexions communes pour construire un modèle économique plus solide, permettant de faire face à un haut niveau d’incertitude. Lors d’un entretien accordé à Ecofoot, Me Louis Soris, Avocat Associé Fondateur chez Soris Avocats et Mandataire Sportif, nous livre ses analyses sur les conséquences économiques à court et moyen terme de la crise du Covid-19 sur le football et rugby français.

Selon un rapport réalisé par EY au mois de juillet dernier pour le compte du syndicat Première Ligue, la crise du Covid-19 et l’interruption définitive de la saison 2019-20 ont causé une perte de chiffre d’affaires de 1,27 Md€ pour la filière du football professionnel sur l’ensemble de l’exercice, dont 605 M€ pour les seuls clubs de Ligue 1. Et le manque à gagner pourrait être également important pour la saison 2020-21 en fonction des conditions de reprise. Quelles seront les conséquences de cette « catastrophe » économique pour les clubs professionnels français ?

En ce qui concerne les clubs professionnels, je préfère éviter le terme de “catastrophe” économique, même si bien évidemment, et à l’instar de toute l’économie française, le football professionnel a été et sera très touché par la crise sanitaire liée au COVID-19.

L’étude de Première Ligue et EY que vous mentionnez est intéressante mais les premiers chiffres avancés par la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG) le sont tout autant et ne présentent pas un tableau si noir. Lorsque l’étude EY estime la perte de revenus à 605 millions d’euros, la DNCG n’a constaté qu’un montant de 400 millions d’euros avant les multiples aides publiques (chômage partiel, reports de charges…) et les Prêts Garantis par l’Etat (PGE) dont la Ligue et les clubs ont pu bénéficier. C’est ainsi par exemple que le manque à gagner lié au non-versement de l’intégralité des sommes relatives aux droits TV, qui représente en moyenne 35% du budget des clubs de Ligue 1, a été compensé intégralement par la souscription d’un PGE par la Ligue. On observe surtout que les pertes finales liées à la crise, estimées aux alentours de 173 millions d’euros par la DNCG, sont dues à une baisse de l’estimation des revenus liés aux transferts. Les clubs français sont particulièrement sensibles à ces revenus de transferts en ce que, depuis quelques années, de nombreux clubs ont mis en place une stratégie de trading de joueurs. Or, dans le contexte actuel, le volume et les montants des transferts vont inévitablement baisser lors des prochains mercatos quand bien même il restera des mouvements très onéreux, comme celui de Victor Osimhen cette année de Lille à Naples pour plus de 80 millions d’euros (bonus compris). Le risque, d’après moi, est que les clubs français se heurtent au mirage de vouloir à tout prix faire la grosse opération d’un mercato, exposant donc trop rapidement des jeunes voire très jeunes joueurs, non préparés à la pression inhérente au sport professionnel / business.

« C’est surtout l’écosystème en périphérie du football professionnel qui va être touché durement »

D’autre part, et on pourrait parler ici de « catastrophe », c’est surtout l’écosystème en périphérie du football professionnel qui va être touché durement. Ainsi, les entreprises qui vivaient de l’économie dite des « jours de match », boutiques aux abords du stades, personnel stadier ou restaurants ont déjà souffert de l’arrêt de la compétition et appréhendent la saison à venir avec les contraintes qui vont l’accompagner. Le report du match d’ouverture de la saison de Ligue 1 2020-2021 – Olympique de Marseille – AS Saint-Etienne – est le symbole de l’incertitude dans laquelle va se dérouler cette nouvelle saison. L’étude Première Ligue estime ainsi qu’entre 3 400 et 8 000 emplois sont menacés par la crise actuelle. Au-delà du simple impact budgétaire des clubs, ce sont ces chiffres qui me paraissent plus alarmants.

Les clubs de Ligue 1 chercheront-ils pour cette saison 2020-21 à adapter leurs charges opérationnelles à cette baisse de revenus ?

« Impulser un mouvement de rationalisation des dépenses »
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