Coup de tonnerre dans le sport français : au mois de juin dernier, la Cour d’Appel de Paris a rendu un arrêt requalifiant les contrats d’Adrien Rabiot au Paris Saint-Germain en CDI. Une décision qui ne constitue pas une première mais qui pourrait entrainer de lourdes conséquences juridiques et financières pour l’ensemble du sport professionnel hexagonal. On fait le point sur cette épineuse question avec Me Erwann Mingam, Co-Fondateur et Avocat-Associé du cabinet WM Law. Entretien.
Comment expliquez-vous la décision de la Cour d’Appel de Paris de requalifier les contrats d’Adrien Rabiot au PSG en CDI ? Est-ce une grande première au sein du sport professionnel français ?
Cette affaire est double : d’une part, Adrien Rabiot a contesté sa mise à l’écart du groupe professionnel du PSG fin 2018. Il semble même, d’après les déclarations de son entourage et de son conseil, qu’il s’agisse là de la motivation initiale de son action contre le PSG. Mais, d’autre part, le joueur a également doublé cette action d’une demande de requalification de ses CDD successifs avec le club en CDI. Cette seconde demande, bien que rejetée en première instance par le Conseil de prud’hommes, a finalement prospéré devant la Cour d’appel de Paris.
Il ne s’agit pas d’une « première » ni d’un véritable revirement de jurisprudence, puisqu’il existe plusieurs précédents. Le plus connu d’entre eux, dans le domaine du sport professionnel, est le cas du joueur de rugby Patricio Albacete, l’ayant opposé au Stade Toulousain : la Cour d’appel de Toulouse avait déjà ordonné la requalification en CDI des CDD conclus entre le joueur et le club. Mais il va de soi que, compte tenu de la discipline concernée, en l’occurrence le football, et de la stature et de la notoriété du joueur en question, la décision récente de la Cour d’appel de Paris est appelée à avoir un impact plus important.
Quelles sont les conséquences financières et juridiques d’une requalification en CDI ?
La première est le versement automatique d’une indemnité de requalification, prévue par le Code du Travail. Mais, surtout, les conséquences financières peuvent s’avérer beaucoup plus importantes pour le club : en effet, un CDD, s’il n’est pas renouvelé par les parties, est censé prendre fin à son terme, sans procédure particulière. Le salarié – ici, le sportif – quitte alors le club. Or, en cas de requalification en CDI, une telle rupture sera vraisemblablement qualifiée de licenciement par le club.
Mais, puisque celui-ci n’a pas mis en œuvre une véritable procédure de licenciement (convocation, entretien préalable, préavis, etc.), ni a fortiori adressé au salarié un courrier de licenciement comportant un motif, la rupture du contrat présente des risques d’être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cela ouvre droit pour le joueur à des indemnités ou dommages et intérêts qui peuvent s’avérer élevés.
La loi du 27 novembre 2015 a introduit le CDD spécifique au sport professionnel afin de sécuriser la situation (des clubs). Mais cette disposition est-elle réellement en conformité avec le droit européen ? Un contrat signé post-2015 pourrait-il être à terme requalifié en CDI ?
