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Le fonctionnement du marché des transferts est-il menacé ?

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Pour certains spécialistes, l’arrêt dernièrement rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans l’affaire opposant Lassana Diarra à la FIFA pourrait entrainer des modifications profondes dans le fonctionnement du marché des transferts avec des indemnités revues à la baisse. Ce n’est pas l’avis partagé par Marine Montejo, Avocate au barreau de Paris et de Bruxelles. Entretien – contenu condensé.

Avant d’aborder l’arrêt dernièrement prononcé par la CJUE dans l’affaire opposant Lassana Diarra à la FIFA, pouvez-vous revenir sur les conditions réunies par le football professionnel ayant conduit à l’émergence d’un marché des transferts au cours des dernières décennies ?

C’est une question importante et complexe que je tente de traiter d’un point de vue juridique en trois points essentiels. Le point de départ vient de la professionnalisation, notamment des clubs, qui a commencé dès les années 1970. En termes économiques, les joueurs sont considérés comme des actifs valorisés et valorisables par les clubs. D’un point de vue réglementaire, la fin des années 1980, marque le moment où l’UEFA a modifié sa réglementation internationale afin d’assurer la solvabilité des comptes des clubs et d’éviter des faillites d’équipes financièrement trop fragiles. En caractérisant un joueur comme un actif immatériel, le club peut couvrir ses passifs à travers la valorisation hypothétique de son joueur. Comme n’importe quel bien, un joueur peut être vendu, cédé, à un prix de marché, à travers une indemnité de transfert, généralement supérieure à sa valeur contractuelle. Le club, dit « propriétaire », bénéficie de la valeur du joueur, et peut en tirer profit lors d’une revente.

La deuxième condition a été, sans conteste, les effets de l’arrêt de la Cour de Justice (des Communautés Européennes, à l’époque) dit « Bosman » du 15 décembre 1995. Ce jugement a appliqué le principe de la libre circulation des salariés au sein du marché commun aux joueurs professionnels de football – dans le cas d’espèce, la solution juridique s’applique aussi à l’ensemble des sportifs professionnels salariés. L’un des effets les plus importants de cet arrêt est l’ouverture du marché des transferts. Pour rappel, les règles de la FIFA, à l’époque, imposaient une compensation financière, y compris lorsque les joueurs de football avaient honoré leur contrat de travail dans leur entièreté. Cette obligation a été déclarée non-conforme au droit matériel européen (libre circulation des salariés). Les joueurs de football ont bénéficié de cette liberté de s’engager avec un nouveau club. Cependant, s’est créée une véritable structure de négociation contractuelle pour les joueurs professionnels avec la possibilité de transferts en cours d’exécution d’un contrat de travail, moyennant compensation financière entre le club « vendeur » et le club « acheteur ». Ce système a aussi facilité l’arrivée de nouveaux acteurs, comme les agents sportifs ou autres intermédiaires. Enfin, cette « européanisation » du football professionnel s’est doublée d’une véritable mondialisation – profitant des mêmes règles de libre-circulation une fois au sein du marché commun – qui a accru la concurrence financière entre les clubs de football pour attirer les meilleurs joueurs.

Enfin, la troisième condition qui permet de lier les deux premières, a été l’augmentation des revenus financiers des clubs par l’émergence des contrats de sponsoring mais aussi le développement des droits télévisuels. Il est important ici de noter l’action de la Commission Européenne (Direction Générale de la Concurrence) pour permettre une mise en concurrence de la vente de ces droits, via notamment une mise en vente commune transparente, pour une durée limitée et par lots, entre les diffuseurs. Ces obligations liées à l’attribution des droits ont résisté à l’évolution des médias et ont atteint leur objectif (cf. décisions UEFA Champions League, 2003, Bundesliga, 2005, et, Premier League, 2006). Cette maturation du marché se note aujourd’hui avec des ventes de droits TV qui s’éloignent désormais des obligations que les décisions successives de la Commission Européenne avait imposées au début des années 2000.

L’arrêt dernièrement rendu par la CJUE dans l’affaire opposant Lassana Diarra à la FIFA est-il de nature à remettre en cause en profondeur le fonctionnement du marché des transferts ?

Non. Il s’agit ici de ma propre opinion :l’arrêt FIFA c. BZ a été mal lu. Le cœur du conflit de l’arrêt Diarra réside dans une rupture unilatérale d’un contrat, hors période de transfert, entre un club et un joueur. La Chambre de résolution des litiges (ndlr : CRL) de la FIFA, a considéré cette rupture « sans juste cause » et l’a attribuée au joueur – article 17 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (ndlr : RSTJ).

La Cour s’est prononcée sur cette question ET UNIQUEMENT sur cette question : la rupture unilatérale d’un contrat hors marché des transferts. La formation de jugement a décidé que les obligations imposées au joueur en matière d’indemnités financières à l’ancien club – décidées de manière très nébuleuse par la CRL, alors que si la rupture est du fait du club, le RSTJ prévoit la somme exacte qui doit être versée au joueur c’est-à-dire celle de son contrat – la responsabilité solidaire financière et sportive du club « receveur » et la rétention du Certificat International de Transfert (ndlr : CIT) contraires au droit matériel (libre circulation, article 45 TFUE) ET au droit de la concurrence (article 101 TFUE, sans justification proportionnée) de l’Union Européenne. Cet arrêt ne concerne pas directement le système de transfert. Simplement la rupture « sans juste cause » unilatérale d’un contrat de joueur de football professionnel et ses conséquences. Il faut véritablement remettre cet arrêt à sa place. Est-il aussi disruptif que ‘Bosman’ ? L’avenir nous le dira. A titre personnel je souhaite voir cet arrêt comme ce qu’il est, un problème juridique particulier qui n’a rien à voir de manière directe avec le système des transferts.

Pourquoi est-ce que cet arrêt est mal lu ou interprété ? Il y a un lien indirect entre la situation dans l’affaire Diarra et le système des transferts. Beaucoup de commentateurs veulent y voir une remise en cause profonde du marché des transferts. Personnellement, je m’en tiens au droit et au jugement de la Cour.

Néanmoins, comment la FIFA peut-elle adapter son règlement sans créer de graves secousses économiques pour les clubs ?

Très simplement, sans toucher aux transferts eux-mêmes qui ne sont pas concernés par l’arrêt Diarra. Il faut revoir les articles 16 et 17 du RSTJ. Ce qui a posé problème à la Cour de Justice est la différence entre la situation du club et la situation du joueur dans le cas d’une rupture unilatérale d’un contrat hors période de mercato et « sans juste cause » attribuée au joueur. Il n’y a rien à redire sur le principe du « sans juste cause », il est utilisé de manière trop extensive par la CRL. Le club sait exactement ce qu’il doit s’il rompt le contrat de son joueur « sans juste » cause. Le joueur, lui, doit attendre la décision de la CRL. C’est un système clairement discriminatoire. Un joueur doit savoir ce qu’il doit à son club s’il souhaite rompre son contrat HORS période de mercato et « sans juste cause ». Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. C’est ce qui a posé problème à la Cour. La FIFA doit modifier l’article 17 RSTJ en prévoyant de manière transparente et non-discriminatoire les obligations du club ET du joueur, en cas de rupture unilatérale du contrat de travail « sans juste cause » et hors période de transferts. Encore un fois, remettons cet arrêt à sa place.

Un point important : l’affaire Diarra n’a jamais concerné directement le système des transferts en période de mercato. Ce système a par ailleurs été repris par l’Opinion de l’Avocat Général dans l’affaire CD Tondela dont nous attendons le jugement pour la fin de l’année. Il n’était pas le problème juridique dans l’affaire Diarra. Et n’est toujours pas un problème pour la Cour.

Cependant, plusieurs observateurs ont voulu voir dans l’arrêt Diarra une obligation de réforme structurelle du système FIFA et de son RSTJ. Leur vision est que l’obligation de transparence imposée par la Cour de Justice en matière de rupture unilatérale permet de rééquilibrer les rapports de force entre clubs et joueurs, surtout pour ces derniers qui étaient soumis au bon vouloir de la CRL. Et donc de savoir exactement « ce qu’ils valent ». Indirectement, cette mobilité plus transparente, et donc théoriquement plus aisée, pour les joueurs de football qui devraient savoir exactement combien « coûte » une rupture unilatérale, aurait un effet à la baisse du montant des transferts lors des mercato.

Il faut imaginer une situation où un joueur pourrait éventuellement faire « passer » son indemnité de rupture sur le compte du club d’accueil. Et ainsi créer un second type de ‘transferts’ hors mercato. Je n’y crois guère. Quel joueur souhaite véritablement payer, de sa poche, son départ ? Surtout, ce type d’opération verrait une opposition importante des agents et autres intermédiaires de joueurs, exclus d’une telle opération du fait de l’existence des deux périodes de transferts (note : le FFAR (règlement agent) fait l’objet d’une procédure devant la Cour de Justice). Une autre vision, plutôt celle de FIFPRO Europe, est de considérer que si les joueurs ont une connaissance transparente de leurs obligations financières hors mercato, cela conduira à une baisse des indemnités sur le marché des transferts en période de mercato. En résumé, un joueur devrait savoir « ce qu’il vaut » juste sur la base de son salaire et des bénéfices supplémentaires. Je ne souscris, encore, absolument pas à cette vision.

Encore une fois, de mon strict point de vue, il est relativement aisé pour la FIFA de contrer une telle pratique en prévoyant des interdictions de « débauchage » pour clubs et agents hors période de mercato Les principes de stabilité des compétitions sportives et d’absence de connaissance des résultats sportifs permettent d’assurer le déroulement d’une véritable compétition sportive entre clubs,  donc à l’avantage du consommateur (supporters ou spectateurs). La stabilité contractuelle est ici très spécifique à l’industrie sportive. La FIFA doit également aligner ses obligations pour les joueurs avec celles des clubs en matière de rupture unilatérale des contrats hors période de mercato. Il ne s’agit que d’un article du RSTJ. L’article 17 en l’occurrence. Et revoir le système de CIT. Je vous avoue ne pas comprendre la panique qui a saisi la FIFA lorsque l’arrêt a été rendu public. Des avocats américains étaient très étonnés de ces réactions – ils connaissent ces situations depuis de longues années.

Un dernier point plus pratique – je ne crois pas à un effet à la baisse des transferts en période de mercato. Pour la seule et unique raison que si un club de football veut un joueur particulier, et a les moyens financiers de l’attirer lors d’une période de mercato, l’argent prévaudra. Imaginez-vous une transaction durant la période mercato où le club « acheteur » va négocier à la baisse l’indemnité due parce qu’elle est équivalente à ce que le joueur devrait payer le club « vendeur » s’il provoquait une rupture unilatérale « sans juste cause » ? Sans parler de l’activité des agents. La réalité doit reprendre sa place ici : tant que les clubs de football auront les moyens financiers de payer des indemnités de transferts, quel que soit le montant, ils le feront. Un exemple où le club « acheteur » n’a pas payé d’indemnités au club « vendeur » lors d’un mercato : Kylian Mbappé, très bien conseillé par ses excellents avocats, a fini son obligation contractuelle vis-à-vis du PSG, est parti « libre ». Cependant, le Real Madrid a probablement affecté une partie d’une « indemnité de transfert », qui n’était absolument pas due puisque le contrat était terminé, dans les « bonus » attribués au joueur. Ceci est de la pure technique contractuelle juridique. Magistral, si vous permettez l’expression.

En conclusion, il n’y a aucune secousse à prévoir dans un avenir proche. La panique est surtout liée à une mauvaise lecture de l’arrêt Diarra en oubliant la réalité du marché. Je ne peux, pour autant, vous dire qu’elles seront les conséquences. Si j’étais à la place de la FIFA je modifierais l’article 17, protégerais les périodes de transferts, et laisserais le marché faire son travail.

Certains dirigeants de clubs européens (ou propriétaires) se sont-ils penchés sur les conséquences de l’affaire Diarra sur leurs activités ?

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