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JC Cistacq (UNIPAAR) : « Nous travaillons à la durabilité des emplois dans le rugby français »

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Mouvement défendant les intérêts des salariés administratifs et assimilés au sein du rugby français, l’UNIPAAR parvient de mieux en mieux à faire entendre ses propositions auprès des grandes instances du rugby hexagonal. Lors d’un entretien accordé à Ecofoot.fr, son président Jean-Charles Cistacq fait un point sur les dernières avancées obtenues par le syndicat tout en évoquant plus globalement l’état du dialogue social au sein du rugby français.

Quelles sont les principales missions de l’UNIPAAR ? Qui peut adhérer au syndicat ?

Parmi les mouvements représentant les salariés au sein du rugby français, on retrouve Provale qui défend les intérêts des joueurs, Tech XV concernant les entraineurs & éducateurs et l’UNIPAAR. Nous représentons les salariés administratifs et assimilés du rugby français.

Nous accueillons au sein de notre mouvement les salariés des clubs professionnels – TOP 14 et PRO D2 – mais aussi ceux des institutions nationales telles que la LNR et la FFR, des Ligues régionales, ou encore les salariés des associations de clubs de niveau fédéral ou amateur. Nous avons majoritairement des adhérents dans les structures du rugby professionnel, qui constituent le gros des employeurs, mais sommes présents à tous niveaux de pratique.  

Par ailleurs, au sein des personnels administratifs, nous pouvons travailler avec une « population » particulière : nous avons dernièrement par exemple créé une cellule médicale au cœur de notre mouvement puisque les kinés et les médecins du rugby français n’étaient jusqu’à présent pas représentés par un mouvement, et ont des besoins spécifiques (responsabilité personnelle, espaces de travail, temps de travail le week-end…). Tous les salariés des staffs médicaux peuvent désormais adhérer à l’UNIPAAR.

A mon arrivée à la tête de l’UNIPAAR en 2021, j’avais demandé un recensement pour connaître la taille de notre population cible. Environ 1 500 salariés exerçant dans le rugby français sont éligibles à notre mouvement. Aujourd’hui, nous comptons un peu plus de 250 adhérents uniques.

A quels services ont accès les adhérents de l’UNIPAAR ?

Nous avons pour mission d’informer, d’accompagner, de conseiller et de défendre nos adhérents et élus Conseil Social et Economique [1]. Pour diffuser l’information, nous nous appuyons notamment sur une newsletter envoyée tous les mois à l’ensemble de nos adhérents. Dans chaque édition, nous y abordons des thèmes précis concernant la rémunération, des changements de texte de loi, certains points au sujet des droits et devoirs des salariés…

En matière d’accompagnement, de conseil et de défense de nos adhérents, nous mettons à disposition une hotline sous la responsabilité de notre responsable salarié Alex Gerbaud. Il a les compétences juridiques pour les guider dans leurs premières démarches. Dès que nous recevons une demande d’un adhérent, nous y répondons. Le premier audit / conseil est toujours à la charge de l’UNIPAAR, c’est un accompagnement qu’on considère devoir à nos membres, et qui évite un certain « isolement » technique sur des thèmes complexes comme le droit du travail ou le droit social. Ensuite, si le dossier doit aller plus loin, nous mettons en relation nos adhérents avec des personnes compétentes pour approfondir leur cas propre. Nous sommes aussi assistés par deux cabinets d’avocats spécialisés en droit du sport.

Dernièrement, nous avons aussi souhaité mettre l’accent sur la formation. Deux séminaires par an sont ainsi organisés par l’UNIPAAR. Via ces formats organisés sur deux jours, nos membres ont accès à des formateurs aux compétences reconnues. Les thèmes traités touchent principalement au développement personnel avec, par exemple, des sessions sur la gestion des conflits, la prise de parole en public, la bonne maîtrise de son agenda…

Cette mission nous tient vraiment à cœur. A travers cet item, nous cherchons à apporter un vrai plus à nos adhérents. Nous ne sommes pas là uniquement en cas de problème. Nous sommes proactifs pour améliorer la qualité et les conditions de travail de nos adhérents. Par ailleurs, à travers ces événements, les salariés peuvent se rencontrer et échanger entre eux. Cela renforce les liens. C’est important de recueillir les retours d’expérience de ses pairs et de comprendre les problématiques de chacun. Le fait d’échanger entre professionnels du métier, c’est essentiel pour progresser.

L’UNIPAAR est-elle représentée dans les organes de gouvernance de la LNR et/ou de la FFR ?

Notre mission est aussi de représenter les salariés administratifs et assimilés auprès des instances dirigeantes du rugby français. C’est un élément très important. Nous portons leurs voix et propositions. Nous avons consolidé la saison dernière notre partenariat avec la Ligue Nationale de Rugby via un nouvelle convention de 3 ans. Grâce à ce nouvel accord, nous disposons désormais d’un siège à l’Assemblée Générale de la LNR. Nous faisons désormais partie du tour de table à l’image des autres mouvements représentatifs du rugby français. Ce n’était pas le cas par le passé.

« Nous travaillons main dans la main avec les deux principales institutions du rugby tricolore, car l’ADN de l’UNIPAAR est d’être dans la co-construction »

Nous avons également lors de la saison dernière signé une convention avec la Fédération Française de Rugby. Et nous discutons actuellement d’une représentation dans les organes de gouvernance de la FFR. Nous travaillons main dans la main avec les deux principales institutions du rugby tricolore, car l’ADN de l’UNIPAAR est d’être dans la co-construction.

L’UNIPAAR est-elle membre des commissions paritaires du rugby ?

Pour le moment, la Convention collective du rugby professionnel et l’Accord collectif du rugby fédéral ne concernent que les joueurs et staffs sportifs. Mais ce point est  clairement à notre sens la prochaine étape pour la reconnaissance des salariés administratifs et assimilés de la discipline.

Quels sont les principaux sujets sur lesquels planchent actuellement l’UNIPAAR pour améliorer les conditions de travail des salariés administratifs du rugby ?

Avant d’améliorer les conditions d’emplois, il faut d’abord travailler à la préservation de ces emplois ! Trop souvent, l’impression domine que les emplois administratifs et assimilés sont la variable d’ajustement économique, notamment dans les clubs. Ces salariés se retrouvent sans emplois en cas de dépôt de bilan du club – comme à Blagnac récemment –, ce sont souvent les premiers touchés par les licenciements économiques en cas de déséquilibre économique de la structure, et ce sont aussi eux qui subissent le gel des salaires ou l’absence d’embauches, faisant reposer une importante charge de travail sur les présents. Une étude que nous venons de publier indique que 30% des salariés du rugby n’ont jamais eu de revalorisation depuis leur embauche, tout en ayant une charge de travail qui entraine un déséquilibre dans l’équilibre vie professionnelle et vie personnelle.

« Être aux côtés des salariés en cas de crise, c’est l’une des vocations de l’UNIPAAR »

Être aux côtés des salariés en cas de crise, et les exemples existent de l’Atlantique aux Alpes, c’est l’une des vocations de l’UNIPAAR. Mais également leur donner les informations et les outils pour participer à un dialogue social efficace, ce sont des leviers forts pour améliorer les conditions de travail.  

Vous parliez justement de l’étude que l’UNIPAAR a dernièrement sortie sur la rémunération, l’emploi et le bien-être au sein du rugby français. Quel est l’état de santé de l’emploi « administratif » au sein de la discipline ? Quelles sont les principales conclusions de cette étude ?

Tout d’abord, nous sommes fiers de la qualité de cette étude. Nous avons réussi à collecter 443 réponses ce qui correspond à environ 30% de notre population cible. C’est un très bel échantillon. Cela nous a permis de réaliser une étude très précise avec beaucoup de données. D’ailleurs, elle a suscité un grand intérêt auprès de la LNR et de la FFR, et plus généralement des adhérents.

Parmi les chiffres clés à retenir, 88% des salariés administratifs et assimilés du rugby français sont en CDI et 57% ont un diplôme Bac +5 ou supérieur et ont pour plus d’1/3 d’entre eux, entre 31 et 40 ans. 62% des salariés gagnent moins de 3 000 € brut par mois. En matière de reconnaissance, 54% des salariés interrogés n’ont jamais connu d’évolution de poste. Mais 57% d’entre eux reconnaissent malgré tout que leur hiérarchie est attentive au bien-être au travail. La reconnaissance et le bien-être au travail sont deux gros sujets que nous souhaitons porter prochainement.

Cette étude en est à sa deuxième édition, et une troisième version est déjà prévue pour 2025. Ça pourrait devenir un véritable observatoire de l’emploi et la rémunération dans la filière rugby. Et la crédibilité et précision des réponses apportées nous permettent de disposer de données, pour faire en sorte que les salariés administratifs ne soient pas les oubliés du développement économique que connait le rugby depuis 25 ans.  

Comment qualifieriez-vous la qualité du dialogue social au sein du rugby français ?

En France, on a tendance à voir d’un mauvais œil les mouvements représentatifs des salariés. Mais c’est un tort car ce sont des organisations qui permettent d’ouvrir un dialogue et de faire avancer les discussions. Aujourd’hui, à l’UNIPAAR, nous parvenons à bien faire avancer nos sujets. Même si nous aimerions toujours aller plus vite ! La LNR et la FFR sont attentifs à notre démarche, et nous travaillons aussi de mieux en mieux à une échelle plus locale à travers les CSE, dans lesquels siègent des représentants UNIPAAR également salariés de leur structure. Si exercer dans le sport reste un « métier-passion » – ça revient souvent dans les retours de nos adhérents – il est toujours utile de formaliser certains points entre employeurs et employés (temps de travail, formation, progression dans l’entreprise…). Travailler le 1e janvier ou le 1e mai, c’est possible et courant dans le rugby, mais ça donne lieu à discussion et à un cadrage juridique.

« Malheureusement, le personnel administratif, qui fait tourner la machine au quotidien, n’est généralement pas reconnu à sa juste valeur »

Comme je l’ai indiqué précédemment, parmi nos principaux sujets, nous souhaitons encore davantage faire reconnaitre les métiers « supports » du rugby français. Malheureusement, le personnel administratif, qui fait tourner la machine au quotidien, n’est généralement pas reconnu à sa juste valeur. Parce que le cœur du métier est le sportif. Tout est tourné vers la performance sur les terrains. Un gros travail reste à mener pour obtenir une meilleure reconnaissance des métiers administratifs et assimilés. C’est mon cheval de bataille. On veut montrer que ces postes sont essentiels pour la pérennité des clubs.

Quels seront les futurs projets de développement de l’UNIPAAR ?

Le renforcement de notre base d’adhérents est au centre de notre projet, pour que le mouvement pèse encore davantage dans les discussions avec les institutions du rugby français.

Il y a trois types d’adhésion :

  • Une adhésion « par intérêt », qui est la plus immédiate : je veux me former et monter en compétences, ou j’ai un souci professionnel, j’appelle mon syndicat, c’est un réflexe classique ;
  • Mais il existe aussi deux autres types d’adhésion : l’adhésion « par solidarité », dans lequel le salarié considère que tout va bien pour lui mais qu’en s’engageant, il permet l’existence d’une structure représentative qui permet de défendre d’autres salariés.
  • Et enfin l’adhésion « par envie d’engagement », dans lequel le moteur est l’envie de porter un message, représenter ses collègues dans des instances locales, comme un CSE dont nous parlions précédemment.    

Nous comptons embaucher une personne supplémentaire pour aider notre directeur dans la communication et le développement du nombre de nouveaux adhérents. L’un de nos slogans est « nous croyons à la force du collectif » : plus notre mouvement sera connu et reconnu, plus nous pourrons porter des messages structurants. On souhaite également consolider l’organisation des séminaires en tenant le rythme de deux événements par an.

Enfin, nous voulons continuer à travailler avec les institutions sur la reconnaissance des métiers administratifs et assimilés. En ouvrant notamment des débats et discussions sur les conditions de travail et les rémunérations dans le secteur, ou en travaillant sur la notion de « durabilité des emplois », qui prendrait pleinement leur place dans les stratégies RSE des employeurs rugby. Notre étude montre qu’un salarié sur quatre n’est plus épanoui dans sa structure, ça nous attriste d’une part car l’évènementiel sportif est un milieu exigeant mais passionnant. Mais ça nous motive d’autre part, pour faire reconnaitre le rôle moteur et les compétences des salariés administratifs et assimilés, qui, en raison de la « volatilité » des joueurs et des entraineurs, et parfois même des présidents, sont pour partie les vrais porteurs de l’ADN de leurs institutions ou de leur club.

En savoir plus sur l’UNIPAAR : https://www.unipaar.fr/


[1] Un CSE est une instance de représentation du personnel dans la structure. Il est obligatoire dès 7 salariés. Ses prérogatives varient en fonction du nombre de salariés mais touchent principalement à l’amélioration des conditions de travail. Des représentants UNIPAAR siègent dans plus de 50 CSE.

JC Cistacq (UNIPAAR) : « Nous travaillons à la durabilité des emplois dans le rugby français »
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