Interview

« La pandémie a mis à jour la fragilité financière des clubs français »

Jérôme de Bontin

Alors que bon nombre de clubs hexagonaux ont fait reposer ces dernières années leur modèle économique sur la hausse des droits TV et les plus-values enregistrées sur le marché des transferts ; l’irruption de la pandémie de Covid-19 et la défaillance de Mediapro ont causé d’importants dégâts au sein du football professionnel français. Cette période de turbulences va-t-elle favoriser un turnover des actionnaires à la tête des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 ? Les fonds d’investissement internationaux vont-ils chercher à acquérir des clubs français à un prix devenu très abordable ? Jérôme de Bontin, ex-Président de l’AS Monaco et Partner chez Capricorn Investment Group, société américaine de Private Equity, jette un regard lucide sur la situation du football professionnel français. Tout en prodiguant quelques conseils pour sortir au plus vite de cette situation de crise. Entretien.

Au cours des derniers mois, de nombreux fonds d’investissement américains ont pris des participations dans le capital social de clubs européens. C’est particulièrement vrai en France avec les exemples des Girondins de Bordeaux, du TFC ou encore du SM Caen. Comment expliquez-vous cet intérêt des fonds pour le secteur sportif en général et le football européen en particulier ?

C’est un phénomène qui n’est pas nouveau. Il a démarré il y a une quinzaine d’années avec l’acquisition de Manchester United par les Glazer, une famille fortunée elle-même propriétaire de franchises sportives aux Etats-Unis. Certes, à l’époque, la majorité des acquisitions concernait surtout des clubs anglais – Liverpool, Arsenal, Manchester City, Chelsea… – mais n’oublions pas que le Paris Saint-Germain est passé entre les mains d’un actionnaire américain (ndlr : Colony Capital) avant d’être racheté par QSI. Enfin, d’autres clubs, notamment italiens tels que l’AS Roma, l’AC Milan ou encore l’Inter ont été également achetés soit par des particuliers, soit par des sociétés d’investissement américaines ou asiatiques. Les dernières transactions s’inscrivent donc dans une tendance globale qui n’est pas propre à la France. Ce mouvement puise sa source dans le succès commercial des franchises de sports aux Etats-Unis, la technologie (diffusion TV et digitale dans le monde) et l’apparente facilitée du marché des transferts. Mais on ne peut pas classer tous ces « nouveaux » acheteurs dans une même catégorie. Il y a des différences fondamentales entre les acquéreurs indépendants (Américains et Russes en particulier), les Etats (Qatar et Emirats Arabes Unis), les fonds d’investissement (véhicules d’investissement détenus par des investisseurs/actionnaires) et les sociétés commerciales (américaines, chinoises ou autrichiennes).

Certains veulent se faire plaisir et posséder un actif populaire. D’autres pensent que les valorisations des clubs européens sont sous-estimées car elles ne reflètent pas leur potentiel médiatique et commercial. Ils parient alors sur une plus-value à la revente. Enfin, d’autres acheteurs cherchent à utiliser la portée médiatique de leur nouvelle acquisition pour développer la marque et les produits de leur core-business. Ils estiment alors, sur la durée, qu’il est bien plus abordable de posséder et gérer un club que d’investir régulièrement dans des espaces publicitaires sur le net ou à la télévision.

Quels critères une organisation sportive doit-elle réunir pour attirer des fonds d’investissement à son capital ?

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