Stéphane Rossetto - Reconversion sportifs
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Reconversion : la vie après le sport de haut niveau

Photo Sirotti / Icon Sport

Ils ont tous connu la lumière et l’exigence du sport professionnel. Après de longues saisons de sacrifices, sur les terrains ou sur les routes, plusieurs anciens champions dont Paoline Ekambi, Stéphane Rossetto, Edouard Choquet et Guillaume Marion se confient sur leur après-carrière et les réflexions menées pour réussir leur projet de reconversion. Par Mathieu Poplimont, Fondateur de Sparring Partner et Animateur du podcast Le Sport Business.

Au coup de sifflet final du championnat de Betclic Elite, le 17 mai 2022, Edouard Choquet, figure du club de Fos-sur-Mer, en déplacement au Portel, a déjà un plan en tête. « J’aurais pu avoir au moins une saison de plus à bon niveau et vadrouiller en Pro B. Avec le recul, tout va bien, la pratique ne me manque pas. J’étais retourné au début voir un match à Limoges, mon ancien club, mais cela a confirmé que j’avais pris la bonne décision. Ma transition a été plus facile car j’avais déjà un projet en cours » explique ce père de deux enfants.

Choquet, 35 ans, voulait de la stabilité. Il est logiquement resté dans le sud de la France où sa famille a ses repères. L’après carrière, c’est aujourd’hui son quotidien : « J’ai lancé Team Quan justement pour préparer ma reconversion. Concrètement, c’est de l’accompagnement de sportifs de haut niveau autour de quatre grandes thématiques : la santé mentale, la performance physique, la communication et la préparation à l’avenir. C’est une boîte à outils avec un panel d’experts composé de psychologues, de conseillers en sommeil, en réseaux sociaux ou sur la gestion administrative et financière. »

Choisir son départ

C’est la même sérénité qui habitait Stéphane Rossetto, ancien coureur cycliste, cinq Tour de France au compteur, au moment de quitter le peloton. Pourtant victime d’une double fracture tibia-péroné après avoir été percuté par une moto de l’organisation lors de Paris-Chauny le 25 septembre dernier, ce n’est même pas cet accident qui l’a poussé à raccrocher. Lui aussi aurait pu continuer encore un peu : « La retraite, c’est toujours un mot un peu fort, c’est plutôt un changement de parcours. J’ai changé de route parce que j’ai eu une opportunité mais la passion est toujours là, le vélo c’est toute ma vie, j’aurais pu courir jusqu’à 40 ans. C’était un accident comme un autre, pas très élégant mais ça arrive. »

L’équipementier français Ekoï lui a proposé au mois de mars 2022, en cours de saison, de prendre en charge le sponsoring de la marque. « Je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire après ma carrière. Lorsqu’on me demandait, je répondais que ça se ferait naturellement, je profitais. J’ai pris cette proposition avec du recul, je voulais prendre le temps. Je n’avais plus trop la possibilité de réintégrer le World Tour alors il fallait prendre une décision. Un cycliste pro n’a pas toujours un gros bagage d’études ou alors s’il en a, cela ne lui garantit pas toujours d’avoir un job. La proposition d’Ekoï était un luxe » raconte l’ancien baroudeur qui avait animé le Tour de France 2019 sous les couleurs de Cofidis.

« La passion est toujours là, le vélo c’est toute ma vie, j’aurais pu courir jusqu’à 40 ans »

Stéphane Rossetto – Ex Cycliste Professionnel

Aujourd’hui, il est en contact direct avec les coureurs, lui qui voulait rester dans l’univers du sport mais ne se voyait pas directeur d’une équipe. « La mission première est de m’occuper de la relation avec les équipes pro et de leurs équipements. Je suis tout le processus de la création d’un maillot par exemple. Je suis à leur écoute. Je m’occupe aussi de tester les produits, notamment en soufflerie. Cela permet à Ekoï d’économiser du temps et de l’argent car je suis encore un athlète. Parfois, je sers aussi de modèle pour des vidéos publicitaires ou des shootings. »

La date de fin de carrière a également été choisie par Guillaume Marion, 42 ans, joueur de volley pro jusqu’en 2015. Il a évolué dans les grosses formations du championnat de France et même porté le maillot tricolore. Déjà titulaire d’un DUT en Gestion et administration des entreprises, une blessure au tendon d’Achille l’a relancé sur le chemin de l’école. « Pour ne pas perdre une année, j’ai repris des études avec l’EM Normandie qui proposait une rentrée décalée et qui a bien voulu me prendre en janvier. L’école proposait une formation à distance, c’était pratique pour la première année de Master. Je me suis relancé sur une saison sportive avec le Plessis-Robinson, tout en ayant mon stage de fin d’année chez BNP Paribas à effectuer. Cela m’a demandé de l’organisation et un club compréhensible, c’était une chance à l’époque. J’ai fait mon Master 2 en alternance chez Capgemini tout en menant ma saison sportive et mes cours en présentiel cette fois, une semaine par mois. Le club comptait sur moi car j’étais encore en forme, le sport m’a appris l’engagement. J’étais en surchauffe à ce moment. On ne m’a pas demandé de partir, c’est moi qui ai fait le choix de ne pas renouveler mon contrat » détaille ce spécialiste des ressources humaines, cadre chez Gan Assurances.

Travailler, une obligation

Paoline Ekambi connaît bien ces sujets et problématiques, elle qui a vécu et observé de près l’évolution du basket depuis près de 40 ans. Légende de la discipline, elle compte 254 sélections avec le maillot de l’équipe de France. « J’ai fait partie de la première promotion sport-étude à l’INSEP. J’avais dans ma classe Guy Forget et Henri Leconte. On est vraiment les pionniers » se souvient Ekambi, première sportive tous sports confondus à faire la couverture de L’Equipe Magazine à seulement 19 ans.

Paoline a connu la transition du monde amateur vers le monde professionnel : « Contrairement à mes aînées, nous percevions de l’argent. On avait des fiches de paie comme salariées du club avec des intitulés de responsable communication par exemple. Le statut de joueuse pro est arrivé dans les années 90. Mon club de l’époque, le Stade Français, était disruptif, à l’image de l’ASVEL aujourd’hui. Nous avions de supers équipements et de bonnes conditions de travail. Certaines collègues et joueuses avaient un emploi à côté. Je pouvais vivre de mon sport mais pas au point d’être rentière. .Les inégalités salariales étaient déjà très présentes à cette époque. »

« Mon club de l’époque, le Stade Français était disruptif, à l’image de l’ASVEL aujourd’hui »

Paoline Ekambi – Ex Internationale Française de Basket

Lorsque Paoline quitte le haut-niveau en 1993 avec les Bleues, elle a déjà préparé sa reconversion. Courageuse et déterminée, elle va réussir à performer sur le terrain et dans les études : « J’avais déjà planifié mon projet professionnel. J’ai intégré l’entreprise tout de suite après ma carrière, j’étais prête. Au basket, on avait une culture un peu américaine. J’ai été sensibilisée très tôt à l’excellence académique, pas uniquement pour se prémunir d’une blessure ou parce qu’on touchait moins d’argent. Les grandes écoles n’adaptaient pas leurs programmes aux contraintes des sportifs de haut niveau. J’ai eu la chance, en 1984, d’avoir une bourse pour évoluer en NCAA et suivre des études sur un campus américain. A mon retour en France, j’ai négocié avec mes clubs pour qu’une partie de la formation soit prise en charge. Lorsque je ne pouvais pas aller en cours, je me débrouillais avec des camarades qui me donnaient les cours. Ce n’était pas une contrainte, les cours me permettaient de voir autre chose, de relativiser, c’était important pour mon équilibre personnel, cela me rendait meilleure. »

En tant que salariés, les joueurs professionnels peuvent bénéficier du chômage à l’issue de leur dernier contrat de travail. Une bouée de secours que les champions n’osent pas toujours utiliser, un peu par fierté. « Je gagnais en moyenne 3 500 euros net par mois, sans frais de loyer ou d’électricité. Pour l’avoir vu, si vous n’anticipez pas un minimum, ça devient compliqué lorsque ça s’arrête. Avec tout ce que j’avais fait, ma carrière, les études, les stages, je n’envisageais pas d’être inactif, je l’aurais mal vécu » avoue Guillaume Marion. « J’aurais pu avoir le chômage, ce n’est pas négligeable. Si le coureur n’a pas fait de connerie, on peut se retourner tranquillement. Mon objectif n’était pas de me reposer » confirme Rossetto.

« Je pensais que ma reconversion serait d’être kiné ou entraîneur mais le fait d’avoir trouvé un projet en dehors du sport m’a donné une identité »

Guillaume Marion – Ex International Français de Volley

Lucide et reconnaissant, Edouard Choquet appelle à la vigilance : « Je ne peux pas vivre de ma nouvelle activité aujourd’hui si on se base sur les salaires que j’ai connus mais il faut rendre à César ce qui appartient à César, la France est un pays bien fait. En fin de carrière, on peut vivre entre un et deux ans de son chômage. Bien gérer ses finances permet d’avoir un peu de marge lorsqu’on s’arrête. C’est très facile de vivre dans le rêve du sport pro, on peut se laisser porter par le système car on prend tout en charge pour vous. La France vous donne une certaine liberté. La Betclic Elite ce n’est pas la NBA mais avec une bonne gestion financière et des investissements, on peut se constituer un patrimoine. La préparation à l’avenir passe par les finances et c’est tout l’intérêt de mon projet. »

Stéphane Rossetto pilote aujourd’hui la stratégie de sponsoring de l’équipementier Ekoï – Crédit photo : Ekoï

En 2015, Paoline Ekambi a lancé Sportail Community, une entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS), agréée Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale (ESUS), pour venir en aide à tous les athlètes. « On ne fait pas de distinction dans les sportifs de haut niveau, on s’occupe de tout le monde. On valorise les compétences transférables auprès des entreprises. Que deviennent ceux qui ne font pas carrière ? Ils ont mis leurs boyaux à terre mais on sait qu’il y a peu d’élus. Ce qui compte, c’est de pouvoir s’appuyer sur un vivier de talents à connecter aux entreprises » argumente l’ancienne ailière.

En juin, au Conseil régional d’Ile de France, elle a organisé une nouvelle édition de son salon, baptisé After Sport, pour “passer la barrière du virtuel”. Le travail réalisé avec ses partenaires, Xavier Barbe, Joëlle Monlouis et Bruno Villacampa, porte ses fruits. « Nous avons aujourd’hui une base de 800 membres sur nos plateformes. En 2015 à notre lancement, il n’y avait pas de marché, il fallait faire de l’évangélisation. Une startup dans l’humain a besoin de temps pour se développer. En 2018, il y a eu un marché qui est devenu lucratif. Nous avons obtenu le statut de l’ESS. Le Covid a finalement été une opportunité pour nous. Manpower s’engage aujourd’hui à nos côtés en tant que partenaire exclusif, c’est un bon signal. »

La formation, une solution

Mickaël Romezy, directeur des programmes Sport et Sportifs de haut niveau (SHN) à l’EM Lyon, une école de commerce et de management, observe une prise de conscience parmi la nouvelle génération

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