Interview

« A mes yeux, la C1 n’a plus de charme depuis des années »

Ecofoot.fr a eu la chance de s’entretenir cette semaine avec Pierre Vuillemot, gérant du site Footballski.fr, spécialisé dans l’actualité du football est-européen. Au cours de cette interview, Pierre nous fait pénétrer au sein des coulisses de Footballski tout en évoquant l’actualité du football est-européen et ses perspectives de développement.

Bonjour Pierre, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs d’Ecofoot.fr ?

Salut à tous. Je m’appelle Pierre, 20 ans, passionné de football slovaque et actuellement en IUT Informatique. Concernant ma fonction au sein du site, je suis dorénavant le seul « gérant » du site suite au départ de Tristan même si nous n’avons pas vraiment de chef à proprement dit.  

Comment l’idée est-elle venue de lancer un site éditorial dédié aux championnats est-européens ? Quand le site Footballski.fr a-t-il été lancé ? Quel est le but premier de cette initiative ?

Le site Footballski s’est créé sous l’impulsion de Tristan Trasca qui avait envoyé quelques messages aux twittos discutant du football de l’est. Ainsi, avec Tristan on a créé le site il y a un peu plus d’un an dans le but de mettre en lumière les championnats d’Europe de l’Est, que ce soit avec des papiers historiques, des portraits de joueurs/clubs ou encore des interviews. Nous ne sommes que des amateurs ayant pour vocation de faire partager une passion commune, un autre football bien loin de ce que l’on peut nous servir à la TV ou dans la plupart des médias français.

Combien de personnes contribuent aujourd’hui à l’aventure ?

Actuellement il y a une dizaine d’auteurs sur le site mais nous pouvons aussi accepter les papiers que certaines personnes nous envoient par mail.

Quel est le modèle économique de Footballski.fr ? Certaines personnes travaillent-elles à plein temps sur le site ?

Il n’y en a pas, comme je l’ai dit auparavant le site est amateur et nous écrivons les articles en plus de nos études/travail. D’ailleurs, avec l’hébergement, le nom de domaine et tout ce qu’implique le bon fonctionnement d’un site, on perd plus d’argent que l’on en gagne.

Quelle est l’audience web de Footballski.fr? Quelle est son évolution ? Quelles sont les sources de trafic travaillées ?

Nous sommes encore assez jeunes et notre audience n’est pas fameuse. Disons que si on a 250 vues sur un article on sera heureux. La principale source de notre trafic reste les réseaux sociaux. Je tiens aussi à remercier les Cahiers du Foot, qui, avec la revue du stress, nous ont souvent permis d’exploser nos vues. N’oublions pas aussi que l’on touche une certaine niche, avec des articles relativement longs qui ne concernant pas forcement le lecteur lambda.

Comment sourcez-vous vos informations ? Avez-vous noué des contacts privilégiés avec certains médias ou dirigeants de clubs est-européens ?

Pour nos sources, on utilise essentiellement les documents de nos pays que l’on traduit sinon on peut aussi toquer aux portes des joueurs ou des clubs. On a eu quelques contacts depuis le temps avec des médias ou des clubs de nos pays. La plupart sont étonnés de voir des Frenchies s’intéresser à eux et parfois en savoir plus qu’eux.

Quels sont les futurs projets de Footballski.fr?

Concernant nos projets, on ne planifie pas forcement ça sur le long terme. Prochainement, on va s’organiser un nouveau « FootballskiTrip » à Praha pour l’été afin d’aller dans les stades, rencontrer directement des dirigeants, des joueurs mais aussi des groupes ultras. Sinon, on essaye de discuter avec des sites ayant la même philosophie que nous comme Hat-Trick, Lucarne Opposée ou encore TLMSF. D’ailleurs, toi qui me lis, va sur ces sites ce sont des gens biens et doués. On essaye aussi de trouver quelques partenaires dans nos pays afin de mixer nos compétences et améliorer notre contenu.

bannière-footballski

Le site Footballski.fr permet de bénéficier d’un contenu de grande qualité en français sur l’ensemble du football est-européen

Dernièrement, Jérôme Champagne, ex-candidat à la présidence de la Fifa, déclarait qu’un rideau de fer économique sépare actuellement le football est-européen de l’élite continentale qui se situe plutôt à l’Ouest. Êtes-vous d’accord avec cette affirmation ?

« L’argent ne fait pas tout et la passion, elle, reste présente dans la majorité de ces nations »

En effet, il existe un rideau économique qui sépare l’Est de l’Ouest. Les moyens financiers ne sont pas les mêmes, même pour des clubs russes ou ukrainiens. La grande majorité des clubs de nos pays ne rivalisent pas avec ceux de l’Ouest, il existe de nombreux problèmes d’argents, de gestions et divers problèmes propres aux différents pays qui rendent le développement et une pratique du football non comparable avec la France, l’Italie, l’Angleterre, etc. Je pense que le football à l’Est est le miroir des pays, on retrouve la représentation de la société et de ses soucis à travers les championnats de nos pays. Cependant, l’argent ne fait pas tout et la passion, elle, reste présente dans la majorité de ces nations.

Quel championnat est-européen possède le plus de chances de placer un de ses clubs en finale de C1 dans les années à venir ? Hormis les clubs russes et ukrainiens, d’autres championnats est-européens sont-ils en train d’émerger ?

Aucun. Même les clubs russes et ukrainiens ne peuvent prétendre à une finale de C1 dans les années à venir. Cette compétition est aujourd’hui complètement fermée, sans surprise et n’est jouée que par les clubs milliardaires. À mes yeux, la C1 n’a plus vraiment de charme depuis des années.  Bien entendu, des clubs comme le Shakhtar, Dynamo Kiev ou Zenit peuvent jouer les trouble-fêtes mais ça n’ira pas plus loin que les 1/4. Concernant les championnats est-européens, je pense que le championnat tchèque est très intéressant, que ce soit dans la course au titre avec les deux mastodontes que sont le Sparta Praha et le Viktoria Plzen mais aussi pour la course à l’Europa League ou au maintien. Cependant, comme dit précédemment, le manque d’argent fait que l’émergence de nos championnats n’est pas exceptionnelle. Si on s’y intéresse, c’est justement pour suivre un football non aseptisé et loin de cette pollution par l’argent comme on le voit en Premier League.

Certains médias français pointent du doigt la hausse de compétitivité du championnat russe, prétextant que cette dernière ne repose que sur les investissements réalisés par des oligarques ou des entreprises proches du pouvoir (ndlr : émission d’Enquêtes de foot diffusée sur Canal Plus par exemple). Etes-vous d’accord avec ce constat ?

On est d’accord, le football russe existe grâce à des entreprises proches du pouvoir. Cependant, il faut clarifier la chose: ce sont bien les entreprises qui investissent de l’argent comme on peut le faire dans de nombreux pays, ce sont Gazprom, Lukoil ou encore VTB qui investissent clairement dans le football et non le pouvoir en lui-même. Par exemple, et c’est regrettable, Gazprom sauve le football russe. Des clubs comme Tomsk, Astrakhan ou Orenburg n’auraient aucun budget sans les entités régionales de Gazprom qui les sponsorisent.  Mais ces investissements, on les retrouve partout. Des entreprises et hommes d’affaires investissent dans le football de l’Ouest sans que ça puisse choquer les gens, non ? D’ailleurs, Gazprom n’investit pas seulement en Russie mais aussi en Allemagne avec Schalke par exemple ou en étant sponsor des compétitions européennes. Après, que veulent  ces médias français ? Que ces entreprises se désengagent ? Que le football russe meurt pour que la Ligue 1 ait moins de pression au coefficient UEFA ? Si on prend le Lokomotiv, c’est la RZhD qui injecte de l’argent et qui est aussi proche du pouvoir mais c’est surtout elle qui a créé le club. On peut aussi prendre l’exemple Krasnodar qui a été créé de toute pièce par un oligarque mais le club en lui-même est très bien structuré, ne dépense pas des millions n’importe comment et au final le travail qui a été réalisé pour structurer ce club porte ses fruits aujourd’hui.

L’interdiction soudaine de la tierce propriété (contrat TPO) ordonnée par la FIFA pose de nombreux problèmes au sein du football latino-américain, région où la pratique était courante. Ce type de pratique est-il également courant dans certains championnats est-européens et comment comptent-ils s’adapter à la nouvelle réglementation ?

Honnêtement, je ne suis pas forcement expert sur le sujet. Je sais que la TPO est complètement interdite en Pologne depuis quelques temps et qu’elle est très peu utilisée par la plupart des pays. Le seul qui l’utilise réellement et chez qui ça pose des problèmes en Europe de l’Est, c’est la Serbie. Je ne sais pas vraiment comme les clubs vont s’adapter, en tout cas ça risque de poser un gros souci au football serbe qui se porte déjà très mal financièrement parlant.

Comment expliquez-vous la qualification pour la finale de C3 du club ukrainien du FK Dnipro ? Quel est le budget de ce club ? Le championnat ukrainien peut-il continuer son ascension malgré les problèmes politiques rencontrés actuellement ?

C’est assez difficile de connaitre le budget du Dnipro étant donné qu’il n’existe pas d’organisme type DNCG au pays. Ce que l’on peut dire en revanche, c’est que le club a énormément de dettes et qu’il n’est même pas certain d’avoir une licence européenne l’année prochaine si son président ne fait rien. Ainsi, l’argent du parcours européen du club sert essentiellement à combler les dettes. Cependant, même si on ne connait pas le budget du club on peut saluer son fonctionnement depuis la venue de Juande Ramos il y a quelques années et maintenant avec Markevych. (Ndlr : Footballski a consacré un dossier intégral au club du FK Dnipro qui est accessible ici : http://www.footballski.fr/semaine-speciale-dnipro-kolomoyskyi-pouvoir-guerre-dnipro/)

finale europa league footballski

La qualification du Dnipro pour la finale de la C3 a constitué un véritable temps fort pour l’équipe de Footballski

« La formation ukrainienne est l’une des meilleures d’Europe de l’Est »

L’Ukraine subit de plein fouet la guerre actuelle et son championnat en pâtit. Quand on voit des clubs comme Chornomorets qui s’est littéralement écroulé avec la situation actuelle on comprend l’impact de cette guerre dans le football. Mais, pour comparer par exemple avec la Russie, la formation ukrainienne est l’une des meilleures d’Europe de l’Est. Le Shakhtar a réussi à atteindre la finale de la Youth League cette saison tandis qu’un club comme le Dynamo Kiev s’appuie dorénavant sur ses meilleurs éléments du centre de formation. Ainsi, je pense que le championnat ukrainien continuera de progresser que ça soit avec ses locomotives comme le Dynamo Kiev ou le Shakhtar Donetsk et le Dnipro mais aussi avec des clubs moins connus comme le Vorskla et Zorya, qui, malgré des moyens limités, peuvent embêter les gros du championnat et se battre pour des places européennes.

Une sélection nationale est-européenne pourra-t-elle prétendre à la victoire lors du prochain mondial disputé en Russie ?

Oui, la Slovaquie ! Sinon plus sérieusement, la Russie a le doux rêve de faire une grosse coupe du monde chez elle mais quand on voit l’état de la sélection actuelle et le travail lamentable de Capello, on a le droit d’être très pessimiste. De nombreuses sélections de l’Est peuvent espérer faire un bon parcours dans la compétition mais de là à la gagner je ne pense pas.

Pour prolonger la discussion sur le football est-européen, n’hésitez pas à vous rendre sur le compte twitter de Footballski

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