Interview

« Canal+ a été le plus déstabilisé par l’appel d’offres anticipé de la LFP »

Ecofoot.fr a eu la chance cette semaine de s’entretenir avec Mohamed, fondateur du site Mediasportif.fr. Au cours de cet entretien, nous avons évoqué l’évolution de ce nouveau support digital de référence tout en revenant sur l’actualité des droits TV footballistiques. Plongez dans les coulisses de Mediasportif.fr grâce à son fondateur…

Bonjour Mohamed. Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs d’Ecofoot.fr ?

Je m’appelle Mohamed, j’ai une trentaine d’années et je suis le fondateur de Mediasportif. J’ai un parcours simple, un BAC STI suivi d’un BTS dans le commerce avant de rentrer dans la vie active. Passionné de sports en général et particulièrement de football, j’ai eu l’idée de créer Mediasportif il y a maintenant bientôt 2 ans.

Comment l’idée est-elle venue de lancer un site éditorial dédié aux médias sportifs ? Quand le site Mediasportif.fr a-t-il été lancé ? Quel est le but premier de cette initiative ?

J’ai toujours regardé beaucoup de sport à la TV, que ce soit sur les chaines françaises ou étrangères. En 2011, j’ai suivi le buzz crée par le lancement de beIN SPORTS en France et j’ai pu découvrir les blogs spécialisés BRL TV du Parisien et En Pleine Lucarne, dont j’étais par la suite devenu un fervent lecteur. Ils m’ont permis de m’intéresser plus en détails à cet univers passionnant.

Ensuite, je me suis pris au jeu et j’ai donc réfléchi à l’idée de créer un blog amateur à l’été 2013. J’ai travaillé le site et je l’ai mis en ligne en octobre. C’est un projet sans prétention, dont le but est de relayer certaines informations moins médiatisées et partager l’avis d’un amateur sur le domaine. Le site s’est développé très vite après seulement quelques mois et il a fallu très rapidement trouver des personnes pour m’épauler dans cette aventure.

Combien de personnes contribuent aujourd’hui à l’aventure ?

Nous sommes actuellement huit rédacteurs bénévoles sur le site, salariés pour certains, étudiants pour les autres. La petite anecdote, c’est que le hasard a fait que l’équipe est dispersée aux quatre coins de la France, à Bordeaux, Marseille, Nantes, Rennes, Paris et Strasbourg. Mais cela ne nous empêche pas d’être régulièrement en contact.

L’équipe ne comporte actuellement pas de journalistes, ni de professionnels du secteur, mais nous essayons d’informer nos lecteurs de la façon la plus sérieuse.

Quel est le modèle économique de Mediasportif.fr ? Certaines personnes travaillent-elles à plein temps sur le site ?

C’est un point qui n’a pas encore été étudié étant donné que ce n’était pas le but premier du projet, mais je pense que si l’on souhaite un jour passer un cap et mettre à disposition de l’équipe plus d’outils et de moyens, il faudra y réfléchir. Aujourd’hui, quelques publicités Adsense permettent de payer les frais du site. Pour le moment, on profite vraiment des possibilités que l’on a de traiter des sujets que l’on suit de près, de faire des rencontres et d’ouvrir des portes que nous n’aurions sans doute jamais envisagées.

Aujourd’hui, personne n’est à temps plein sur le site. On discute ensemble quotidiennement de l’actualité et on se partage les sujets, selon les compétences et disponibilités de chacun afin que cela n’empiète pas trop sur nos vies personnelles ou professionnelles. Très souvent, la publication d’un sujet fait suite à un travail d’équipe, à une discussion pour évoquer toutes les infos et être le plus complet possible.

Quelle est l’audience web de Mediasportif.fr ? Quelle est son évolution ? Quelles sont les sources de trafic travaillées ?

Nous sommes actuellement a +/- 50 000 visites par mois, et nous espérons continuer sur cette dynamique pour nous rapprocher de notre record de 85 000 visites obtenu lors de la précédente Coupe du Monde. C’est une satisfaction pour nous de voir que nos sujets intéressent, que notre traitement est apprécié, ça nous motive à continuer dans cette direction.

audience mediasportif

Mediasportif compte aujourd’hui une audience autour de 50 000 visites par mois

Les principales sources de trafic sont les moteurs de recherches et les visites en direct puis suivent les réseaux sociaux et les backlinks. Nous voulons développer un peu plus les réseaux sociaux et notamment Facebook où nous sommes très peu présent.

Comment sourcez-vous vos informations ? Avez-vous noué des contacts privilégiés avec certains médias ?

Nous recevons les communiqués et les programmations des diffuseurs, on réalise également une revue de presse quotidienne des médias spécialisés français et étrangers. Nous avons bien sûr un contact privilégié avec les chaînes pour confirmer certaines infos, détailler des dispositifs ou pour des interviews.

Quels sont les futurs projets de Mediasportif.fr ?

Pour le moment, on se consacre pleinement au contenu, mais on réfléchit à quelques idées comme la création d’un forum ou d’un magazine en ligne entre autres. Mais ces projets sont plutôt à moyen terme, car tout cela nécessite des compétences que nous n’avons pas au sein de l’équipe aujourd’hui.

Trouvez-vous que la LFP a négocié un bon prix concernant les droits TV de la Ligue 1 sur la période 2016-20 ?

Selon moi, oui. Je sais que ce n’est pas forcément un avis très partagé, même au sein de l’équipe Mediasportif, mais la LFP a quand même augmenté et sécurisé ses revenus jusqu’en 2020.

Et il ne faut pas oublier que le contrat actuel a subi une baisse de 60 M€ par rapport à la période 2008-12 et qu’avec ce nouveau contrat, la Ligue1 passera de 607 M€ à 726 M€ de revenus annuels. C’est Canal+ qui a le plus été déstabilisé par cet appel d’offres anticipé et qui a d’ailleurs essayé de le suspendre, et c’est lui qui permet à la Ligue1 d’augmenter ses revenus en proposant plus de 100 M€ supplémentaire pour récupérer le match du vendredi soir. Maintenant que les droits de la Ligue des Champions et du Top14 ont été attribués, je ne suis pas sûr qu’il propose toujours autant.

Il faut aussi tenir compte des droits internationaux de Ligue1 qui passeront également de 31 M€ à 80 M€ pour la période 2018-2024, donc je pense que le football français est sur une bonne dynamique. Il ne faut pas griller les étapes. Il y a quatre ans, la LFP priait pour au moins garder les mêmes recettes et maintenant certains veulent quasiment les doubler…

Pensez-vous que les droits audiovisuels de Ligue 1 possèdent encore une forte marge de croissance de revenus ? Le championnat français peut-il combler son retard sur la Premier League ou la Serie A ?

« En Italie on évoque de trop grosses dépenses de Mediaset »

Je pense que la Ligue 1 peut continuer à se développer et réfléchir à la création de nouvelles sources de revenus d’ici 2020, tout en assurant aux clubs une visibilité sur leurs droits TV. On entend aujourd’hui que les droits de la Ligue 1 sont bradés et qu’ils devraient être de 900 M€ voire 1 milliard, mais qu’est ce qui justifierait ces montants? La seule concurrence entre beIN Sports et Canal+ ? Je ne pense pas qu’ils pourraient, aujourd’hui, aller au-delà des montants actuels. Canal+ déboursera déjà 75% des droits de la Ligue 1 pour 3 matchs quand beIN Sports sera à 25%, il faut quand même qu’ils rentabilisent ces dépenses.

Vous allez me dire de regarder les droits à l’étranger, mais aujourd’hui Sky et BT Sport se demandent comment rentabiliser leurs dépenses pour la Premier League. En Italie on évoque de trop grosses dépenses de Mediaset et des rumeurs sur une possible fusion avec Sky. En Espagne Prisa s’est délesté de Canal+ Espagne en le revendant à Telefonica…dont la rentabilité des droits est remise en question.

La LFP pourra-t-elle lutter efficacement contre les modes de diffusion pirates de rencontres sur le net, à travers le streaming ou des outils comme Vine et Periscope ? Intente-t-elle des actions en justice à l’encontre de ces acteurs?

C’est difficile, je ne sais pas s’il y a des solutions aujourd’hui car le piratage ne touche pas que le sport, vous avez le cinéma, l’informatique, les jeux vidéo etc… Ils protègent toujours plus leurs systèmes mais les pirates trouvent toujours une brèche, c’est le jeu du chat et de la souris. Vous avez toute une économie derrière tout ça, des serveurs payants, des sites de streaming et qui ne sont pas concernés par le droit français.

Concernant Vine, la LFP a menacé Twitter de poursuites judiciaires si son service de vidéo continuait à diffuser des séquences de Ligue 1, et avec l’arrivée de Periscope et d’autres outils, j’imagine que ça va être sa prochaine bataille.

A mon avis, je pense que le fan de foot qui a les moyens de souscrire à un abonnement payant, ne va pas se satisfaire de 6 secondes filmées avec un smartphone.

Quel est le montant des droits de diffusion télévisuelle des autres sports collectifs français ? Pourquoi existe-t-il un tel écart avec le football?

Derrière la Ligue 1 avec 607 M€, suivent le Top 14 avec plus de 70 M€/an et la Pro A de basket à environ 6 M€/an, tous deux détenus par Canal+. La D1 de Handball a, elle, quadruplé ses revenus en passant sur beIN SPORTS avec 4 M€ par an. Plusieurs paramètres peuvent influer sur la valeur de ces droits, comme la popularité du sport, le nombre de licenciés, l’importance pour un diffuseur et ce que privilégie le vendeur, le montant financier ou la visibilité. La Ligue1 par exemple dépend principalement des droits tv et doit continuellement garder une forte concurrence entre les diffuseurs, contrairement au Top 14, pour qui les droits représentent qu’une petite partie des revenus et qui va privilégier l’exposition.

En France, la diffusion du football est actuellement monopolisée par les opérateurs payants au détriment des chaînes gratuites sauf rares exceptions (Coupe de la Ligue, Europa League). Ce phénomène est-il similaire sur les autres marchés européens ? Est-ce un bon calcul à long terme de se priver d’une exposition de masse à travers une diffusion intégrale des compétitions au sein des chaînes payantes ?

Il reste malgré tout, une bonne offre de sport en clair en France dont une partie est protégée par la loi, mais c’est vrai que la tendance va dans le mauvais sens au niveau européen. Dans le football, ça se tient dans les différents pays, à quelques compétitions prés. La particularité de la France est d’être le seul pays où la Ligue des champions, sauf la finale, est entièrement cryptée alors que l’UEFA avait pourtant indiqué privilégier au moins un match en clair dans chaque pays. Je ne sais pas si c’est un bon calcul à long terme, un mix clair/payant comme cela était fait en C1 est la meilleure solution à mon avis, une diffusion en clair pour toucher un large public et un contenu payant pour profiter de la totalité des droits. Le problème est que les chaines en clair ont du mal à rentabiliser ces dépenses et les vendeurs attendent toujours une augmentation des droits.

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