Annoncé comme un accord salutaire pour le football professionnel français, les conditions du deal conclues entre CVC et la société commerciale ad-hoc montée par la Ligue de Football Professionnel suscitent de nombreuses interrogations et quelques incompréhensions, y compris parmi la classe politique française. Pourtant, ce montage est toujours ardemment défendu par la plupart des dirigeants de Ligue 1 et de Ligue 2. Eclairage.
« Quand CVC vient mettre 1,5 milliard d’euros sur la table pour les clients français, c’est une nouvelle inespérée ! » C’est en ces termes que Joseph Oughourlian, actionnaire majoritaire du RC Lens et financier aguerri, qualifiait au mois de juin dernier le contrat conclu entre la LFP et CVC lors de son audition au sein de la commission d’enquête du Sénat sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français. Et alors que le dirigeant du RC Lens a depuis pris ses distances avec l’action menée par Vincent Labrune à la tête de la LFP, ce dernier défend toujours cette transaction négociée avec le fonds d’investissement luxembourgeois. « Si l’action de la Ligue a été probante à certains égards (le deal CVC), le système de gouvernance actuelle me semble à bout de souffle » écrivait-il en amont de l’élection présidentielle de la LFP dans une lettre ouverte publiée sur LinkedIn.
Au moment de son officialisation, en avril 2022, l’accord conclu entre CVC et la LFP était alors annoncé comme le deal du siècle, celui permettant d’initier un cercle vertueux de croissance au sein du football professionnel français. Contre l’injection de 1,5 milliard d’euros, le fonds d’investissement s’offrait 13% des parts de la nouvelle société commerciale ad-hoc montée par la LFP rassemblant tous les actifs commerciaux centralisés du football professionnel français – dont les précieux droits TV. Condition (particulière) de ce deal : le reversement au fonds d’investissement de… 13% des revenus perçus par la LFP à vie ! Un élément qui, lors de sa révélation, a provoqué une révision du jugement de certains experts financiers habitués à ce genre de transactions.
« Le principal problème de cet accord est son caractère perpétuel. La LFP a vendu 13% de ses revenus advitam aeternam » résume David Gluzman, spécialiste des questions financières et chroniqueur pour de nombreux médias dont After Foot La Revue ou encore 11e Art. « Cet accord a, au départ, été présenté comme une facilité de trésorerie pour les clubs. Or, une entreprise lambda qui connait d’importants problèmes de trésorerie va-t-elle pour autant hypothéquer une partie de ses revenus advitam aeternam ? Peu d’entre elles opteront pour ce choix » poursuit notre expert.
« Ce deal est tout simplement hallucinant ! CVC va ponctionner à vie 13% des revenus de la LFP contre un chèque de 1,5 Md€. Cet accord me fait penser aux concessions autoroutières. Le coût du temps, tout le monde l’a oublié du côté du football professionnel français dans la négociation de cet accord » nous indique un expert financier ayant travaillé sur plusieurs opérations dans le football français mais préférant garder l’anonymat.
Pour défendre les termes de ce contrat, les dirigeants du football français avancent souvent l’état d’urgence dans lequel se trouvait le ballon rond hexagonal à l’époque, alors englué dans des crises exogènes (Covid-19) et endogènes (départ précipité de Mediapro), et appellent à ne pas réécrire l’histoire. Pour nos experts financiers, d’autres options, moins coûteuses à terme, étaient pourtant envisageables pour traverser cette période délicate.