Le modèle social et fiscal français est souvent pointé du doigt pour expliquer le déficit de compétitivité de la Ligue 1 par rapport à ses principaux concurrents européens. Pour autant, les clubs professionnels français sont-ils réellement pénalisés par le taux des prélèvements sociaux ou encore le niveau d’imposition de leurs joueurs ? Faut-il prévoir des mesures spécifiques à un secteur d’activité cumulant les particularités ? Par Antoine Duval, Consultant en stratégie auprès des organisations sportives au sein de Six Sports Management.
Au-delà des enjeux liés à la législation générale, de nombreux pays qui considèrent le sport comme un secteur stratégique pour leur soft power ainsi que l’attractivité de leur économie n’hésitent pas à créer des lois à destination des acteurs de l’industrie. Les (éphémères) lois dites « Beckham » en Espagne ou encore « Ronaldo » en Italie en sont de parfaits exemples.
Un sujet qui revient régulièrement sur le devant de la scène lorsque l’on évoque l’attractivité du sport français à l’international est celui des cotisations salariales et patronales sur les rémunérations des sportifs, généralement mieux payés que les membres du staff et de l’administration des clubs. À ce sujet, tous les États n’adoptent pas la même politique. Dans le cadre d’un marché comme celui de l’Union Européenne avec une forte concurrence pour l’attraction de joueurs de haut niveau entre les championnats et sans possibilité aucune de les retenir dans les entreprises nationales, les contributions sociales peuvent alors avoir une incidence importante sur l’économie globale du sport professionnel. Ce faisant, certains législateurs européens n’hésitent pas à créer des dispositifs permettant de réduire les taux de cotisations sur les hautes rémunérations, régimes qui sont généralement très favorables aux footballeurs professionnels.
On distingue principalement deux approches pour renforcer cette attractivité. Certains pays comme l’Espagne ou l’Allemagne plafonnent les taux de cotisations patronales, permettant aux plus gros salaires d’avoir un revenu net plus élevé en proportion. En Espagne, les taux avoisinent les 31% de cotisations patronales et 6% de cotisations salariales. Mais ces taux deviennent ensuite dégressifs au-delà de 50 000 € bruts annuels, permettant aux plus gros salaires de payer proportionnellement moins de cotisations. En Allemagne, un plafond variant en fonction des Länders, appelé Beitragsbemessungsgrenze, est appliqué aux cotisations patronales.
D’autres pays prennent pour leur part des mesures spécifiques liées au statut de sportif pour se rendre plus attractifs à l’image de la Belgique, de l’Italie ou du Portugal. En Italie, pour la fraction de revenus bruts annuels excédant 751 000 €, les joueurs de football ne sont pas soumis à des cotisations patronales et le taux de cotisations est de seulement 0,6% sur la tranche de revenus allant de 103 000 € à 751 000 €.
En termes de cotisations salariales, les différents dispositifs mis en place par les États créent alors des distorsions dans les rémunérations nettes des joueurs. En moyenne, en France, le salaire net d’un joueur est 10% moins élevé qu’en Allemagne, en Italie ou au Royaume-Uni à salaire brut égal, d’après une étude du cabinet AyacheSalama réalisée pour le compte du syndicat Première Ligue (devenu depuis Foot Unis) en 2019. Une différence qui peut atteindre jusqu’à 21% d’écart pour les joueurs avec les plus gros salaires (12 millions d’euros). En cumulé, un club comme le Paris Saint-Germain paie plus de cotisations sociales que l’ensemble des clubs de Bundesliga (Allemagne), de Serie A (Italie) et de Liga (Espagne) réunis.
« Les chiffres sont parlants. En tant qu’employeurs, les clubs français paient des cotisations, notamment patronales, bien plus importantes que celles de leurs concurrents européens. Mais il s’agit là d’une analyse strictement financière. Les débats sur les prélèvements sociaux sont généralement biaisés. On évoque souvent le montant des cotisations mais on ne s’intéresse pas aux contreparties, c’est-à-dire aux prestations fournies en retour à l’assuré social. Il faudrait aussi comparer ce volet pour évaluer les modèles sociaux dans leur entièreté entre les pays européens » nuance toutefois Me Simon Weber, Avocat en droit fiscal.
Les clubs professionnels français peuvent tout de même bénéficier de quelques dispositifs spécifiques incitatifs pour réduire leur facture sociale.