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Neymar : le Fair-Play Financier lui survivra

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Grande attraction de ce mercato d’été, le très probable transfert de Neymar du FC Barcelone vers le Paris Saint-Germain pose un certain nombre de questions, notamment de par les montants annoncés (transfert, salaire…). Le respect du Fair-Play Financier est ainsi évoqué entre autres par Javier Tebas, le patron de la ligue espagnole anticipant un viol de ce règlement par le club parisien. Alors le Fair-Play Financier est-il mort ? Ce serait mal le comprendre. Analyse réalisée par Emmanuel Mériaux.

Apparu en 2011, le Fair-Play Financier a été instauré par l’UEFA pour rationaliser les dépenses des clubs européens. Ces dernières étant de plus en plus déconnectées des niveaux de revenus des clubs, un éclatement de la bulle économique créée était à craindre (1,7 milliard d’euros de pertes en 2011 pour les clubs européens). Ce règlement a donc été adossé à celui existant, concernant l’octroiement des licences nécessaires aux clubs pour participer aux compétitions européennes, afin d’imposer de bonnes pratiques de gestion aux clubs concernés.

Ainsi, en concluant le transfert de Neymar, le Paris Saint-Germain risquerait de se mettre en difficulté en ne respectant pas l’équilibre budgétaire imposé par l’UEFA dans ce même règlement – malgré l’assouplissement de cette règle permettant un déficit de 30 M€ sur une période de trois saisons. En effet, les chiffres annoncés dernièrement – 30 M€ de salaire net pour la star brésilienne, 220 M€ de clause libératoire… sans compter les différentes primes (signature, intermédiaires, etc.) – permettent difficilement d’imaginer un budget parisien affichant un niveau de déficit convenable, quand bien même la règle serait contournée par un habile contrat de sponsoring qatari. Et d’autant plus que les dirigeants parisiens ne compteraient pas s’arrêter là lors de ce mercato (Sanchez ? Mbappé ?) !

Le Fair-Play Financier en rien menacé

Le Fair-Play Financier, que l’UEFA résume comme ayant pour objectif « d’améliorer la santé financière générale du football interclubs européen », a donc notamment pour indicateur l’équilibre budgétaire des clubs. Notamment mais pas uniquement, trois autres indicateurs étant scrutés par l’UEFA :

  • Poursuite de l’exploitation : L’audit des comptes du club ne doit pas émettre de réserves quant à la capacité de ce dernier à poursuivre son activité durablement.
  • Fonds propres négatifs : Le club ne doit pas voir son passif net détérioré d’une année à l’autre.
  • Arriérés de paiement : Le club ne doit pas avoir d’arriérés de paiement que ce soit envers son personnel, un autre club ou même l’Etat.

Ainsi, en ne respectant pas l’indicateur de l’équilibre budgétaire, le PSG ne réduirait pas à néant cette réglementation. Le contrat de Neymar n’étant pas racheté à crédit, le FC Barcelone n’ayant pas à craindre un éventuel retard de paiement de la somme du transfert, etc… la philosophie du Fair-Play Financier ne serait pas piétinée, loin de là. Et l’UEFA n’aurait pas vraiment de raisons de s’inquiéter pour la poursuite d’exploitation du club parisien ! De la même façon, si le PSG venait à dépasser la barre des 70% de ses revenus alloués à sa masse salariale, pas d’inquiétude particulière à avoir, ce seuil n’étant qu’une simple limite conseillée par l’UEFA.

Avant donc d’annoncer la soi-disant mort du Fair-Play Financier, il faut en effectuer un premier bilan. Et lorsque l’on regarde les résultats, celui-ci s’avère être particulièrement positif : les dernières mesures effectuées par l’UEFA montrent ainsi que les pertes des clubs européens sont passées sous la barre des 300 M€. Soit une diminution de plus de 80% depuis la mise en place de ces contrôles.

L’Espagne, puisqu’il en est question, peut également remercier le Fair-Play Financier pour le travail déjà accompli. Suivant le mouvement, c’est en effet en 2011 que la DNCG espagnole a vu le jour, permettant à une grande partie des clubs espagnols de se réorganiser afin de rembourser l’argent dû à l’Etat (650 M€ en 2013, 196 M€ fin 2016), mais également de régler les salaires des joueurs alors non-versés. Alors qu’un certain nombre de clubs menaçaient de déposer le bilan, la situation économique du championnat est maintenant clairement redressée, et pas seulement pour ses deux locomotives.

Enfin, la vision caricaturale du Fair-Play Financier, perçu d’abord comme étant un idéal permettant aux clubs français bien gérés de faire face aux clubs étrangers dépensiers et à la gestion hasardeuse, n’a pas de raison d’être. Pas plus que son image diabolisée véhiculée depuis l’arrivée des qataris au PSG, fantasmant une barrière imposée aux nouveaux entrants, dont les récents investissements du Milan AC prouveront à nouveau l’inexistence. Le système n’a en effet jamais eu pour but de rendre compétitifs les clubs les moins riches, ni d’empêcher le développement rapide de « nouveaux riches ». La dérégulation du marché et l’inflation excessive doivent être évités, et le PSG n’étant pas un club anonyme et sans envergure, il n’est pas insensé de le voir investir lourdement de la sorte. Transfert de Neymar ou non, le Fair-Play Financier continuera donc à remplir son rôle quelle que soit l’image que l’on s’en fera.

PSG : des sanctions de la part de l’UEFA ?

Comme rappelé dernièrement par Andrea Traverso, Responsable des Licences des clubs et du Fair-Play Financier de l’UEFA, la confédération européenne ne peut pas empêcher un éventuel transfert. Les transferts internationaux étant validés par la FIFA et celle-ci n’ayant aucune connexion avec le Fair-Play Financier, rien à craindre de ce côté-là pour les dirigeants du PSG. Ils seront même tranquilles jusqu’à la fin de la saison 2017/2018, puisque l’Instance de Contrôle Financier des Clubs n’agit en effet pas a priori, mais prend toutes ses décisions a posteriori.

Si l’on ne peut donc pas préjuger de la réaction de l’UEFA à un éventuel non-respect des règles de la part du PSG, il est important de rappeler certains points : l’UEFA n’a pas peur de sanctionner les clubs importants (précédemment Monaco, Galatasaray, Manchester City…) et joue sa crédibilité sur ce type de dossiers médiatiques, n’ayant donc pas intérêt à fermer les yeux ; il n’est pas dans l’intérêt économique de l’UEFA de se priver d’un club majeur en l’excluant (sans parler des joueurs représentant ce club) ; si le PSG était sanctionné, il serait récidiviste et s’exposerait donc à une réaction plus lourde de la part de l’UEFA, et l’assouplissement des règles du Fair-Play Financier ne s’applique pas à ce type de club.

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Concernant les sanctions, l’UEFA s’autorise différentes options, allant de la simple mise en garde à l’exclusion pure et simple d’une compétition européenne, voire au retrait d’un titre. A partir de là, on peut imaginer qu’un dépassement conséquent des limites fixées par l’UEFA de la part du PSG exposerait le club parisien à une sanction financière lourde permettant toujours au club de participer aux joutes européennes. La volonté de l’Instance de Contrôle Financier des Clubs d’atteindre les objectifs du Fair-Play Financier « par l’adaptation plutôt que par la sanction » est de nature à renforcer cette idée.

Fair-Play Financier : quelles évolutions pour la règlementation ?

Si des évolutions sont possibles, le Fair-Play Financier va avant tout rester le même et continuer à remplir son rôle, à savoir permettre aux clubs participant aux coupes d’Europe d’évoluer dans un environnement économiquement sain. Aucun assouplissement n’est à prévoir concernant les retards de paiement, qu’il s’agisse d’impôts ou de salaires, la pression exercée sur les clubs mauvais payeurs par ce règlement étant plus qu’efficace.

Alors que de premières évolutions ont déjà eu lieu pour ne pas créer un système fermé ou l’investissement de départ serait bloqué, les regards se tournent à présent plutôt vers les salaires reversés aux joueurs. Plusieurs options sont imaginables : la mise en place formelle de la limite à 70% des revenus d’un club pour sa masse salariale ? La mise en place d’un Salary Cap tel que celui existant en MLS ? Si cette dernière option devait être choisie, elle révolutionnerait à coup sûr la compétitivité au sein des coupes européennes. Mais réformé ou non, le Fair-Play Financier est bien vivant.

Si vous souhaitez prolonger la discussion, n’hésitez pas à suivre le compte Twitter d’Emmanuel Mériaux

Source photo à la Une : Flickr.com (Alex FauCC BY 2.0)

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