Dispositif introduit dès la saison 2010-11 pour renforcer le modèle économique des clubs et l’équilibre compétitif de la compétition, le salary cap impose aux formations de TOP 14 de respecter un plafond de 10,7 m€ par saison concernant leur masse salariale « sportive ». Face aux différentes affaires ayant éclaté récemment, la LNR est par ailleurs tentée de renforcer le dispositif et les contrôles afin d’éviter les contournements. Mais le salary cap respecte-t-il le droit français et européen ? Peut-on le renforcer sans contrevenir au droit de l’UE ? On fait le point avec Me Mathias Kuhn, Avocat au sein du cabinet DLA Piper. Entretien.
Quelle est la base légale du salary cap actuellement en vigueur en TOP 14 ? Quelles sont les autorités compétentes pour fixer et contrôler ce plafond salarial (LNR, FFR, autorités administratives) ?
Le salary cap en Top 14 est un dispositif contractuel et réglementaire, mis en place par la Ligue Nationale de Rugby (LNR) depuis la saison 2010-11. Il a pour but d’imposer aux clubs un plafond à la masse salariale totale consacrée aux salaires des joueurs de rugby professionnel et par conséquent d’assurer un équilibre financier pour les différents clubs et de renforcer l’équité des compétitions. En cas de dépassement du plafond, un club peut se voir sanctionner par la commission de discipline de la LNR.
Le salary cap est instauré sur le fondement de l’article L. 132-2 du Code du sport qui impose aux ligues professionnelles de créer un organisme de contrôle administratif, juridique et financier des clubs participant aux compétitions pour « assurer [leur pérennité (…) favoriser le respect de l’équité sportive et (…) contribuer à la régulation économique des compétitions ». Sur ce fondement, la Fédération Française de Rugby et la LNR ont instauré ce plafonnement de la masse salariale au sein des règlements internes de la LNR, auxquels les clubs professionnels adhèrent en participant aux compétitions.
La LNR fixe les règles du salary cap et en assure le suivi par l’intermédiaire du Salary Cap Manager de la LNR en charge de contrôler le respect du plafond dont le montant est déterminé par le Comité Directeur de la LNR. Ce « contrôleur » est un professionnel indépendant choisi pour ses compétences et son expérience. Dans le cadre de son pouvoir de contrôle, il conduit des audits et soumet un rapport à la Commission de Contrôle des Clubs Professionnels de la DNACG (ndlr : devenue depuis l’Autorité de Régulation du Rugby) dont le Conseil Supérieur peut prononcer des sanctions (amende, retrait de point, rétrogradation et/ou interdiction de recruter)
Le salary cap est-il en conformité avec le droit français et notamment avec le principe de liberté contractuelle inscrit dans le Code civil ? Des recours ont-ils déjà été engagés devant les juridictions françaises pour contester le salary cap ?
Le salary cap est compatible avec le droit français. Il a fait l’objet de contestations devant le Conseil d’Etat par certains clubs. Le Conseil d’Etat, par une décision du 11 décembre 2019 a confirmé la validité de ce dispositif qui ne portait « pas d’atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle ni à la liberté d’entreprendre et qui est sans incidence sur la liberté d’association en matière sportive. ». Surtout, cette initiative de la LNR est fondée sur une base légale claire (art. L. 132-2 du Code du sport) qui poursuit des objectifs d’équité sportive et de stabilité financière considérés comme d’intérêt général et dont la poursuite via le salary cap ne porte pas d’atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle.
Par ailleurs, l’application du salary cap résulte d’un accord collectif entre les clubs et la LNR. L’ensemble des parties prenantes y ayant expressément consenti, il ne peut pas être considéré que le plafonnement salarial n’est pas conforme à la liberté contractuelle. A titre d’exemple, les ligues majeures américaines (NBA, NFL, NHL) appliquent un salary cap depuis plusieurs décennies. Ces plafonds sont intégrés dans les conventions collectives (Collective Bargaining Agreements – CBA) entre les ligues et les syndicats de joueurs, et, du fait du consensus, ne font pas l’objet de contestation.
Le salary cap est-il compatible avec le droit européen et notamment les règles en matière de libre circulation des travailleurs ou encore de concurrence ?
