Interview

O. Monna : « En 10 ans, le paysage des enceintes sportives en France a été bouleversé ! »

interview olivier monna
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Quel modèle économique permet à un club de football d’optimiser l’exploitation de son enceinte sportive ? Pour répondre à cette question, Ecofoot.fr est parti à la rencontre d’Olivier Monna, Directeur du département Formation au Centre de Droit et d’Economie du Sport de Limoges et co-responsable du DU Stadium Manager. Entretien mené par Pierre Nicouleaud.

Le modèle PPP (partenariat public privé), utilisé pour le financement de la construction/rénovation de certaines enceintes de l’EURO 2016, a subi d’importantes critiques. Un tel modèle est-il adapté au financement d’enceintes sportives ?

Il faut se rappeler qu’au moment où ces modèles ont été utilisés en France, il n’y avait pas d’autres alternatives !

Soit les collectivités mettaient en place des PPP, soit il n’y avait pas de stade. Pour la simple et bonne raison que ni les collectivités, ni les clubs n’avaient les moyens de construire seuls leurs enceintes.

Aujourd’hui, l’OL est à part dans le paysage footballistique français avec son stade privé.

Certes les PPP ne sont pas idéaux, et engendrent des coûts élevés pour les collectivités et les clubs.  Mais avant l’Euro, la France disposait d’un parc d’enceintes sportives dédiées au football dans un état catastrophique. La compétition accueillie en France à l’été 2016 a été un accélérateur et un facilitateur du renouvellement de ce parc. L’utilisation des PPP à l’époque est apparue comme la seule alternative possible pour lancer ces constructions de stades dans des délais très courts et avec des budgets contraints pour les collectivités locales.

La loi Braillard, votée au mois de mars dernier, intègre des dispositifs devant permettre aux clubs de devenir propriétaires plus facilement de leur enceinte sportive. La loi va-t-elle assez loin dans ce domaine ? Provoquera-t-elle un mouvement de « privatisation » des enceintes sportives ?

Cette loi peut être une bonne chose pour les clubs. Mais il y a plusieurs conséquences au fait de devenir propriétaire d’un stade. On peut effectivement bénéficier de l’ensemble des recettes liées à son exploitation, mais on doit aussi faire face à l’ensemble des coûts d’exploitation qui sont souvent aussi très élevés !

Pas sûr que beaucoup de clubs aient les moyens et la volonté d’acheter leur enceinte sportive. La difficulté est essentiellement économique, et certainement que des clubs sont actuellement au travail sur ces questions.

Selon vous, le modèle de la « gestion exclusive » du stade n’est-il pas plus pertinent pour les clubs de football que l’acquisition de la propriété d’une enceinte sportive ?

Avant c’était relativement simple : les clubs payaient une redevance aux collectivités et exploitaient seuls leur stade.  Les recettes étaient directement perçues par les clubs.

Avec les PPP, ce sont des sociétés d’exploitation qui gèrent les stades. C’est le cas à Marseille, Lille, Bordeaux ou Nice.

Le club ne participe pas au financement du stade. Les entreprises de BTP le construisent, et l’exploitent via des filiales, le plus souvent sur 30 ans. Les collectivités sont parties prenantes au contrat car cela leur permet d’avoir un stade sans avoir à financer intégralement l’enceinte.

Ensuite le club devient locataire de son outil de production. C’est la particularité de ce modèle.

Les enjeux à venir sont simples : comment trouver un meilleur équilibre entre les clubs et l’exploitant pour définir un business model viable et optimal pour les deux parties ? Est-ce que prendre des parts au sein de la société d’exploitation serait une bonne option ? Car il est quasi-impossible pour les clubs de racheter les enceintes…

Quel regard portez-vous sur la gestion de l’après Euro 2016 concernant les enceintes sportives ?

En 10 ans, le paysage des enceintes sportives en France a été bouleversé !

Depuis 2007 c’est une révolution complète à laquelle nous avons assisté. En plus des stades construits pour l’Euro, il y a eu d’autres enceintes comme au Havre, Valenciennes, Le Mans ou Grenoble. D’autres ont été modernisés : Saint Etienne et Lens notamment.

Qualitativement, c’est donc une réussite. La difficulté réside dans le fait d’optimiser le remplissage des stades. Et je pense qu’il faut laisser le temps aux clubs de travailler ce sujet en profondeur. À la fois pour le B to C, mais également pour l’offre business. C’est un travail de longue haleine, qui demande de l’investissement en termes de personnel.

Propos recueillis par Pierre Nicouleaud

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