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« La nécessité de réguler globalement le football mondial »

Ugis Riba / Shutterstock.com

La suspension des compétitions liée à propagation du COVID-19 a plongé l’ensemble du football mondial dans une profonde crise économique aux conséquences qui pourraient s’avérer très lourdes à court et moyen terme. Dans un entretien accordé à Ecofoot, trois experts du CDES Limoges – Christophe Lepetit, Jean-François Brocard et Didier Primault – livrent leurs réflexions sur les adaptations à réaliser en matière de régulation pour répondre à l’urgence de la situation tout en posant les bases d’un modèle de développement plus vertueux pour le ballon rond.

Devant l’ampleur de la crise économique à venir, les instances sportives doivent-elles procéder à des ajustements en matière de régulation financière ? Par exemple, l’UEFA doit-elle temporairement assouplir les règles du Fair-Play Financier ?

Pour répondre à cette question, il faut sûrement prendre de la hauteur et analyser – de façon humble – les origines de cette crise. La crise économique à venir est en effet la résultante de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. Cette dernière trouve très certainement ses origines dans les excès d’une mondialisation libérale et financière dans laquelle nous nous inscrivons depuis l’après-guerre mais qui a connu une accélération brusque depuis les années 80. Elle symbolise les effets potentiellement mortifères d’une politique basée sur la libéralisation et la dérégulation à outrance .

C’est donc dans ce contexte économique et sanitaire particulier que les instances sportives sont invitées à réagir. Face à la crise que nous vivons actuellement, il leur faudra être pragmatique afin de répondre aux deux problématiques suivantes : comment, à court terme, contenir les effets négatifs de la crise sur le sport professionnel ? Puis comment renforcer le secteur pour le préparer à affronter des crises futures ? Les réponses à ces deux questions devront s’envisager collectivement et émerger par le dialogue pour favoriser leur acceptation la plus large possible.

C’est pour répondre à la première question – la gestion de la crise à court terme – que l’on s’interroge sur l’assouplissement de certaines modalités de régulation, en particulier financière. Le pragmatisme dont devront faire preuve les institutions sportives les incitera certainement à adoucir les règles qui imposent aux clubs de tendre vers l’équilibre financier au moment où, de manière contrainte, leur exploitation est à l’arrêt. Les instances ne peuvent donc pas rester arc-boutées sur leurs principes au risque de devoir être en situation de sanctionner une majorité de participants. A ce titre, et sans surprise, l’UEFA a déjà annoncé qu’elle suspendait provisoirement le fair-play financier afin de laisser passer l’orage. Dans le même ordre d’idée, les instances de régulation nationale, comme les instances de contrôle de gestion du sport professionnel en France, seront certainement plus conciliantes dans leur analyse des situations financières en fin de saison dans un contexte très particulier.

« Les réponses devront s’envisager collectivement et émerger par le dialogue pour favoriser leur acceptation la plus large possible »

La situation permet de souligner à nouveau le fort besoin de régulation qui s’explique par la nature du secteur. Le spectacle sportif est en effet singulier en cela que les clubs inscrits dans une même compétition, concurrents sportifs, sont également les co-producteurs du spectacle. C’est cette singularité qui incite les organisateurs de la compétition (Fédérations, Ligues professionnelles) à imposer des règles visant à promouvoir l’équilibre compétitif et à s’assurer de la pérennité de l’activité des clubs et ainsi s’assurer de l’équité de leur compétition.

C’est pourquoi si des mesures exceptionnelles assouplissant les règles imposées aux clubs paraissent légitimes temporairement afin de gérer la crise au mieux, il serait dangereux de les maintenir au-delà de ce qui est strictement nécessaire. Il est pourtant certain que les opposants à la régulation, notamment au fair-play financier, vont essayer de saisir cette opportunité pour le remettre en cause plus durablement.

Cette crise sanitaire doublée d’une crise économique risque de mettre en lumière le modèle économique particulièrement fragile adopté par certains clubs européens. Par exemple, si le marché des transferts venait à connaître une période de déflation, cela occasionnerait des difficultés pour de nombreux clubs de Ligue 1, misant sur la cession d’actifs joueurs pour équilibrer leur compte de résultat. L’UEFA ou encore les différentes ligues nationales européennes doivent-elles « profiter » de ce contexte particulier pour imposer des normes plus sévères en matière de régulation financière ?

« La nécessité de réguler globalement le football mondial »
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