Interview Eric Coquerel multipropriété
Interview

E. Coquerel : « Le développement de la multipropriété est problématique pour le football »

Photo Kitetoa - CC BY-SA 4.0 DEED

Pourtant interdite par l’article L122-7 du Code du sport à l’échelle nationale, la multipropriété ne cesse de gagner du terrain dans le football français. Désormais, une vingtaine de formations de haut niveau appartiennent à un réseau européen ou mondial de clubs. Le développement rapide de cette pratique fait-il peser un risque sur la compétitivité et la soutenabilité du football professionnel français ? Certains parlementaires craignent les méfaits de la multipropriété sur l’avenir du football en France et souhaitent agir pour prévenir les dérives d’une financiarisation excessive de la discipline. C’est le cas notamment d’Eric Coquerel, Député NUPES-LFI de la 1e circonscription de Seine-Saint-Denis et Président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Ayant lancé un cycle d’auditions sur la multipropriété l’été dernier, ce dernier nous confie ses pistes de réflexion pour mieux réguler l’économie du football français. Entretien.

La multipropriété a connu un développement important ces dernières saisons dans le football professionnel français. Actuellement, une vingtaine de clubs hexagonaux de L1, L2 ou National appartiennent à un réseau mondial de clubs. En quoi est-ce une dérive inquiétante ? Quels sont les principaux risques liés à la multipropriété ?

Les risques de fausser l’équité sportive des championnats sont grands. Il est difficilement imaginable de voir plusieurs clubs appartenant à un même propriétaire concourir dans une même épreuve.

Ce risque sur l’équité et l’intégrité des compétitions est évident. Mais il y a aussi des effets induits. Les entités à la tête des structures multiclubs ont tendance à hiérarchiser les clubs de manière assez claire. C’est le fonctionnement adopté par City Football Group, propriétaire d’une douzaine de clubs à travers le monde dont notamment Manchester City ou encore l’ESTAC en France. Ce mode de fonctionnement fige une hiérarchie dans le football or c’est contradictoire avec le modèle pyramidal du sport français et européen. Selon notre fonctionnement, n’importe quel club – même si cet idéal est faussé par les différentiels de budget – a une chance de gagner des titres. Les exploits de petits poucets parvenant à éliminer des clubs professionnels font le charme de certaines compétitions comme la Coupe de France. Or, en jouant sur la question des transferts, en mettant en place des systèmes dans lesquels des clubs « formateurs » viennent alimenter des vaisseaux amiraux en jeunes pépites, les propriétaires de réseaux multiclubs viennent imposer leur hiérarchie, avec des clubs condamnés à jouer un rôle de réserve de main d’œuvre.

Enfin, les investisseurs misant sur la multipropriété dans le football sont généralement motivés par des considérations à court terme. Les décisions sont alors prises en fonction du marché ou des objectifs de rendement et peuvent s’opposer aux intérêts du club. Par exemple, un investisseur peut se désengager brusquement, du jour au lendemain, plongeant alors son club dans une situation de crise aigüe. Nous avons pu observer cette situation l’été dernier avec plusieurs clubs de National rattachés à des réseaux multiclubs et rencontrant des difficultés pour satisfaire les exigences de la DNCG.

N’existe-t-il pas également des effets positifs liés à la multipropriété grâce aux synergies créées ? Par exemple, l’arrivée de 777 Partners au Red Star FC ne va-t-elle pas accélérer un retour du club audonien en Ligue 2 ?

E. Coquerel : « Le développement de la multipropriété est problématique pour le football »
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