Développement Fenix Toulouse Handball
Interview

P. Dallard : « Le Fenix Toulouse Handball n’a pas encore atteint son plafond de verre »

Photo Icon Sport

Ne quittant plus la première partie de tableau de Liqui Moly Starligue au cours des dernières saisons, le Fenix Toulouse Handball joue désormais fréquemment le rôle de trouble-fête au sein du handball professionnel français malgré un budget étriqué. Cela n’empêche pas le club de la Ville Rose de nourrir de nouveaux projets au sein d’un championnat toujours plus compétitif. Philippe Dallard, Président du Fenix Toulouse Handball, nous a accordé un entretien au cours duquel il exprime ses ambitions pour les saisons à venir tout en évoquant les grandes lignes de la stratégie de développement du club.

Quelles seront les ambitions sportives du Fenix Toulouse Handball lors de la saison 2023-24 ?

Commençons par un petit état des lieux. C’est toujours bon de rappeler d’où l’on vient pour savoir où l’on va. Notre club a été créé en 1964 et il est devenu une SASP en 2005. Il évolue dans l’élite du handball professionnel français sans discontinuité depuis 1995. Même si on a connu quelques maintiens dans la douleur, Toulouse a toujours réussi à conserver sa place en première division depuis maintenant près de 30 ans. De mon côté, j’occupe la présidence et je suis propriétaire du Fenix depuis 2012.

Sur la dernière décennie, le Fenix s’est régulièrement classé dans le top 6 de Liqui Moly Starligue avec trois participations à une coupe d’Europe. Normalement, nous aurions dû connaître une quatrième campagne en cette saison 2023-24 car nous avons terminé le championnat à la 6e place l’an dernier. Mais la France a perdu deux tickets européens ces dernières années en raison de son ranking et de la nouvelle formule mise en place par l’EHF. Désormais, seulement 4 clubs hexagonaux sont qualifiés pour les compétitions continentales.

Aujourd’hui, l’objectif du club n’est pas de faire plus mais plutôt de faire mieux dans tous les domaines. Le modèle d’un club ne repose pas uniquement sur le sportif et vous êtes bien placé pour le savoir. Dans un monde du sport professionnel qui bouge beaucoup et subit quelques turbulences – on peut d’ailleurs avoir quelques inquiétudes quant à l’économie de notre industrie post-JO – on veut créer un modèle stable tout en étant ambitieux.

Au Fenix, nous sommes humbles et pragmatiques. On continue de travailler sur notre projet assis sur trois piliers : stratégie, développement et investissement. A travers chacun de ces piliers, on cherche à embarquer tous nos collaborateurs pour que chacun apporte sa pierre à l’édifice et permette au club de continuer à grandir.

Le Fenix peut-il encore progresser dans la hiérarchie sportive en capitalisant sur ses forces ?

Nous avons l’impression que nous n’avons pas encore atteint notre plafond de verre. Certes, au niveau sportif, nous avons obtenu de très bons résultats ces dernières saisons. Ils sont au-dessus de notre potentiel économique actuel. Si on s’en tient au ratio masse salariale / classement, on surperforme largement. Mais ce n’est pas une science exacte ! Si cet indicateur était fiable, le RC Lens n’aurait pas terminé 2e de Ligue 1 à un petit point du Paris Saint-Germain l’an dernier ! (rires)

« Nos résultats sportifs sont au-dessus de notre potentiel économique actuel »

Au Fenix, on veut continuer à être un club dénicheur de talents. Notre savoir-faire est d’aller chercher des joueurs méconnus et de les faire progresser chez nous pour qu’ils puissent ensuite évoluer dans les plus hautes sphères du handball français et européen. Nous voulons être encore plus performants sur la formation. Ces dernières années, nous avons formé des joueurs très talentueux comme Valentin Porte par exemple. Nous sommes aussi capables de recruter malin à l’étranger.

Nous aurons vraiment franchi un cap quand nous parviendrons à conserver bien plus longtemps nos pépites au lieu de les voir partir au bout de quelques saisons. Notre axe de progression est là. Nous sommes très performants sur l’éclosion de talents. Mais dès qu’une grosse écurie s’intéresse à un de nos joueurs, nous n’avons pas les moyens de le retenir.

Quel sera le budget du Fenix pour la saison à venir ? Comment est-il construit ?

Notre budget sera identique à celui des saisons passées c’est-à-dire de l’ordre de 3,5 m€. Nous ne sommes pas encore en capacité de le faire évoluer significativement même si certaines choses vont dans le bon sens. Ce n’est pas facile dans une agglomération comme Toulouse, qui compte 7 clubs professionnels dont une énorme marque comme le Stade Toulousain, de développer sa croissance économique. Le Stade Toulousain travaille de manière très professionnelle et a un vraie faculté à aspirer les partenaires économiques. Pour une entreprise, ce n’est pas toujours évident de participer aux activités de plusieurs clubs. Il faut alors savoir se démarquer.

Aujourd’hui, je suis l’actionnaire de référence et majoritaire du club (ndlr : Philippe Dallard détient environ 80% du capital social de la SASP). J’ai le devoir de maintenir les comptes à flot. Dès qu’il manque un euro dans les caisses, il faut que je couvre personnellement le déficit. Dans ce contexte, on ne peut pas prendre des risques importants et surinvestir dans notre masse salariale.

Par ailleurs, les droits TV ne pèsent pas lourd dans le modèle économique des clubs professionnels de handball. Qu’on termine cinquième, sixième, septième ou huitième ; cela ne changera pas grand-chose en matière de revenus. Cela n’a rien à voir avec le football professionnel. Cela n’a alors pas de sens de se mettre en difficulté en construisant un budget pharaonique pour aller grapiller une place au classement. Mieux vaut construire des fondations stables et solides.

Concernant la construction de notre budget, une grosse partie des revenus est assurée par les partenariats privés. Ils représentent entre 40 et 45% de notre chiffre d’affaires. Les recettes matchday pèsent entre 15 et 20% de nos revenus. Les subventions sont de l’ordre de 20%. Le reste est réparti entre les droits TV et les autres postes de recettes.

Quelles sont les perspectives de croissance de budget pour le Fenix lors des saisons à venir ?

L’an dernier, nous avons accueilli plus de 50 000 spectateurs dans notre salle en jouant notamment 5 rencontres à guichets fermés. A l’année, on réunit un peu plus de 150 partenaires permanents. C’est déjà bien.

Nous espérons tout de même franchir un cap prochainement. Avec la perspective des Jeux Olympiques de Paris 2024, le handball va encore gagner en notoriété. Il y a déjà un gros travail mené par BeIN Sports depuis plusieurs années pour mettre en valeur la Liqui Moly Starligue. Cela va payer. A partir des saisons 2024-25 et 2025-26, nous franchirons de nouvelles étapes au niveau budgétaire. Cela passera essentiellement par une croissance de nos revenus issus des partenariats privés. Notre objectif est de générer rapidement entre 2 et 2,5 m€ de revenus provenant des partenariats par saison.

Le Fenix Toulouse Handball est aujourd’hui installé dans le premier tiers du classement de Liqui Moly Starligue. Peut-il ambitionner d’être un candidat régulier au podium à moyen terme ?

A l’heure actuelle, le top 3 de Liqui Moly Starligue est quasiment intouchable. Le Paris Saint-Germain est champion chaque année. Le club est abonné au Final4. C’est l’une des meilleures équipes du monde avec de très nombreux internationaux. Leur budget équivaut à au moins 5 fois le nôtre. Si ce n’est plus…

Derrière, on retrouve l’équipe du moment, le HBC Nantes. C’est un club qui a réussi à créer un vrai engouement derrière lui pour fidéliser ses spectateurs. Cela nourrit sa croissance. Désormais, le budget du HBC Nantes est supérieur à 8 m€ par saison. La masse salariale du HBCN est supérieure à l’intégralité de notre budget. Enfin, il y a le club historique de Montpellier qui truste toujours les premières places.

Sauf accident industriel, les trois premières places de Liqui Moly Starligue sont verrouillées. Sur la durée, le podium est difficilement atteignable pour le Fenix même si ce n’est pas impossible de l’accrocher sur une saison. Mais il faut savoir raison garder. Tous les spécialistes du handball pronostiqueront un podium PSG-MHB-HBCN en début de saison.

« Le Fenix doit avoir en tête l’objectif d’aller chercher cette quatrième place de Liqui Moly Starligue »

En revanche, il y a un vrai match pour la 4e place ! L’an dernier, jusqu’à 5 journées de la fin, nous étions dans la course pour décrocher cette quatrième place. Bravo à Chambéry qui nous a battus sur les deux matches et qui mérite ce classement. Mais c’est l’objectif que le Fenix doit avoir en tête en début de saison : aller chercher cette quatrième place. On veut tout simplement être le champion de France des pauvres ! (rires)

La montée en puissance sur les partenariats privés sera-t-elle suffisante pour permettre au Fenix de s’installer à la 4e place de Liqui Moly Starligue à terme ?

Attention, la compétition est très rude ! Il y a au moins une dizaine de clubs qui chercheront à obtenir ce ticket européen. Tout le monde a des ambitions. Quand on analyse l’écosystème au sens large, on s’aperçoit que des clubs de Proligue ont aujourd’hui un budget supérieur au Fenix ! (ndlr : Tremblay disposait notamment d’un budget de plus de 4,4 m€ l’an dernier)

Le Fenix espère s’imposer à terme comme le 4e club de Liqui Moly Starligue. Photo : Icon Sport

Pour rehausser encore nos ambitions sportives, nous devons parvenir à accroître significativement notre budget. Cela passe effectivement par les partenariats privés mais aussi l’amélioration de l’expérience spectateur en salle, notre travail sur la formation des jeunes joueurs, le développement de notre politique de mécénat à travers notre fonds de dotation pour renforcer l’ancrage territorial du club….

Enfin, il y a une dernière option possible, celle de procéder à une augmentation de capital en faisant venir un nouvel actionnaire à mes côtés. Mais, à ce jour, cette option n’est pas d’actualité car j’estime que le Fenix n’a pas encore atteint son plafond de verre sous ce modèle.

Commencez-vous déjà à ressentir un frémissement concernant le développement des partenariats commerciaux ?

Oui clairement. On ressent une vraie affection du public local et des partenaires pour le club. On va continuer à annoncer ces prochains jours l’arrivée de gros partenaires nationaux et régionaux. Ce sont les partenaires qui nous manquaient pour continuer à franchir un cap. Jusqu’à présent, nous étions très bons sur les TPE/PME locales. Mais nous avions du mal à convaincre des entreprises de dimension nationale voire internationale.

Or, pour la saison à venir, quelques grandes marques nous rejoignent dans l’aventure. Rien que dans l’univers du BTP, des groupes comme Eiffage, NGE ou encore Demathieu-Bard se sont engagés auprès du club. Dans l’univers automobile, nous venons de conclure un accord avec Edenauto. Et nous sommes actuellement en discussions avec d’autres marques importantes. Les négociations sont avancées.

« Notre objectif est de générer rapidement entre 2 et 2,5 m€ de revenus provenant des partenariats par saison »

C’est important que de telles marques viennent soutenir un club comme le nôtre. C’est nouveau pour nous et cela va nous aider à avancer. Nous avons un beau territoire d’expression. Toulouse, c’est l’un des seuls clubs de handball dans l’élite dans la trajectoire Nantes-Montpellier. Nous avons ainsi la capacité d’aller chercher des entreprises au-delà de notre zone primaire d’influence.

Comment expliquez-vous l’engagement de telles entreprises auprès du Fenix ?

Le handball a besoin de soutien pour poursuivre son développement. C’est le sport collectif qui a rapporté le plus de médailles à la France au niveau international. Les matches de l’équipe de France vont connaître des pics d’audiences lors des Jeux Olympiques de Paris 2024. Tous les acteurs veulent surfer sur cette vague pour consolider le modèle économique du handball professionnel français. Les grandes entreprises nous suivent désormais dans ce projet.

Le Fenix est vraiment en train de franchir une étape dans son développement. Mais nous ne sommes pas le seuls dans le handball français et c’est tant mieux ! Le niveau du championnat ne cesse d’augmenter. Malgré ce contexte post-Covid et la conjoncture économique, les salaires ne baissent pas dans notre discipline. Alors qu’en parallèle, certains secteurs d’activité souffrent de l’inflation et d’une situation économique morose. Il faut alors savoir se montrer convaincant et séduisant pour continuer à attirer les partenaires.

Était-ce essentiel pour le Fenix d’attirer de grandes entreprises dans son portefeuille de partenaires ?

A vrai dire, avant la crise du Covid-19, on pensait avoir adopté au club un modèle très vertueux. Il reposait essentiellement sur le sponsoring d’une multitude de TPE/PME. Le risque était alors dilué. Notre budget ne dépendait pas de l’investissement de quelques grandes marques ou d’importantes subventions des collectivités.

Mais la crise du Covid-19 est passée par là et cela a fait évoluer notre réflexion. Evidemment, l’avenir du sport professionnel ne passe pas par plus de subventions. Néanmoins, quand ça tangue fortement, les clubs sont bien contents d’être soutenus par de gros acteurs et/ou les collectivités, qui sont suffisamment résilients pour supporter de telles secousses et continuer à aider les clubs sportifs.

Face à la concurrence des autres clubs professionnels, existe-t-il à Toulouse une place pour un grand club de handball ?

Le Fenix est clairement identifié comme le troisième club de Toulouse derrière le Stade Toulousain et le TFC. C’est le premier club de sport en salle de la ville. C’est une évidence pour tous les Toulousains. Le handball est un sport attractif et fédérateur. En matière de spectateurs et de téléspectateurs, nous sommes au troisième rang. Et il n’y a aucun débat à ce sujet.

« Le Fenix est clairement identifié comme le troisième club de Toulouse derrière le Stade Toulousain et le TFC »

Ensuite, nous nous entendons très bien avec les autres clubs professionnels de l’agglomération toulousaine. On entretient des liens de proximité. Je suis moi-même né à Toulouse. Très régulièrement, les entraineurs du Stade Toulousain, du TFC, de Colomiers Rugby et du Fenix se réunissent pour échanger sur les bonnes pratiques. On essaie de faire de même au niveau des présidents. On cherche alors des solutions en commun sur certaines problématiques. La cohabitation entre les clubs est très bonne. D’ailleurs, les joueurs du Stade Toulousain assistent, quand ils le peuvent, à nos matches. On en fait de même en se rendant régulièrement à Ernest-Wallon ou au Stadium pour encourager le Stade ou le TFC.

L’entente est saine. Chaque club est à sa place et nous ne sommes pas nécessairement positionnés sur les mêmes publics. D’ailleurs, nous ne jouons pas nos matches au même moment. Le seul vrai sujet de concurrence, c’est celui des partenariats privés. Effectivement, on peut entrer en compétition sur certains dossiers. Nous avons d’ailleurs des partenaires en commun. On doit bosser dur pour faire notre place car, à côté de nous, il y a de véritables mastodontes du sport français. Mais les relations sont très bonnes entre tous les clubs. Il y a de la place pour tout le monde à Toulouse.

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