FENIX Toulouse Handball modèle développement
Interview

P. Dallard (FENIX) : « Il est possible de jouer les premiers rôles avec un budget moindre par rapport à nos concurrents »

Photo Icon Sport

Malgré un calendrier très chargé, Philippe Dallard, Président du FENIX Toulouse Handball a pris le temps de nous décrire les singularités caractérisant le modèle performant mis en place ces dernières saisons par le club toulousain tout en revenant plus globalement sur l’évolution économique de la Liqui Moly Starligue. Entretien.

Quel est le budget du FENIX Toulouse Handball en cette saison 2025-26 ? Comment a-t-il évolué par rapport aux saisons précédentes ?

Une fois n’est pas coutume, le budget est en légère hausse par rapport à l’an dernier. On se positionne sur un budget de 4 m€ pour la partie SASP auquel on peut ajouter 300 000 € pour l’association. Le budget du groupement sportif est donc de 4,3 m€ pour cette saison 2025-26.

Le budget moyen en Liqui Moly Starligue pour cette saison est de 5,829 m€ avec une médiane légèrement supérieure à 4,5 m€. On dispose ainsi du 12e budget du championnat mais aussi de la 12e masse salariale. En tête de la hiérarchie, on retrouve le Paris Saint-Germain avec un budget de 17 m€ puis suivent le HBC Nantes et le Montpellier Handball avec un montant oscillant autour de la barre des 10 m€.

Comment est financé votre budget ?

40% de notre budget provient du sponsoring privé. Cela va représenter très exactement une somme de 1,620 m€ sur l’ensemble de cette saison. Ce montant est en nette progression par rapport aux saisons précédentes. Les subventions versées par les collectivités représentent désormais 20% de nos activités.

Le reste du budget est complété par les droits TV reversés par la LNH et les revenus en jour de match dont la billetterie grand public. Concernant la dynamique, les revenus de sponsoring sont en progression constante ces dernières saisons tandis que les subventions sont en repli.

Lors d’une saison classique de Liqui Moly Starligue, combien d’entreprises réunissez-vous dans votre réseau de partenaires ? Certains secteurs d’activité sont-ils davantage représentés ?

On compte environ 150 entreprises dans notre réseau. Parmi les secteurs les mieux représentés, on retrouve le BTP et la promotion immobilière mais aussi l’automobile. Néanmoins, le réseau est bien diversifié et on réunit des entreprises de bon nombre de secteurs.

L’agglomération toulousaine est connue pour son industrie aéronautique florissante. Parvenez-vous à attirer les gros noms de ce secteur dans votre réseau de partenaires ?

Malheureusement, le secteur aéronautique n’investit pas beaucoup dans le handball. Et c’est une énigme à nos yeux. On a pourtant de nombreux atouts à faire valoir. On évolue dans une discipline qui dispose d’une bonne cote de popularité sur de nombreux marchés européens dont évidemment l’Allemagne. Nos bons résultats sportifs permettent aussi d’attirer l’attention.

Forcément, en tant que première industrie sur notre territoire, on aimerait attirer les grands noms de l’aéronautique dans notre réseau de partenaires. Mais, à ce jour, d’autres choix sont effectués par de tels acteurs, qui n’investissent pas dans les sports en salle. On ne désespère pas de les attirer un jour !

Malgré un budget en retrait par rapport aux locomotives du handball professionnel français, le FENIX s’est imposé ces dernières saisons comme la 4e force du championnat. Comment expliquez-vous de tels résultats ?

Vous avez raison de souligner le décalage qui existe entre notre budget et celui des principaux clubs du championnat. Et, à court terme, on aura du mal à infléchir le curseur à ce niveau. Pourtant, au cours des dix dernières années, le FENIX s’est souvent retrouvé en haut de l’affiche, en terminant notamment au 4e rang au cours des deux dernières saisons.

« La culture du travail est impressionnante au FENIX »

Comment obtient-on de tels résultats ? Par le travail, le travail et le travail ! Et ce ne sont pas que des mots. La culture du travail est impressionnante au club. C’est primordial pour qu’on puisse faire la différence. C’est notre manière d’entretenir notre résilience. Nous sommes également curieux. On observe ce qui se fait ailleurs sans jamais oublier les singularités qui caractérisent notre propre modèle.

Notre modèle repose avant tout sur l’alignement. Dans le sport professionnel, on peut parfois retrouver des désalignements entre le président, le coach, les joueurs, les salariés administratifs… Et ce n’est pas anormal. Chacun a ses ambitions, mène sa carrière selon ses aspirations et peut avoir une vision de la vie différente.

Or le désalignement est un danger dans le sport professionnel. Au club, on met tout en place pour combattre tout désalignement. De par notre culture, notre histoire, notre management et notre fonctionnement, il existe au club un alignement clair entre toutes les composantes : salariés administratifs, joueurs, coach et président. On arrive à garder toutes les équipes concentrées sur un objectif commun.

Autre point fort du club : jusqu’à présent, on s’est rarement trompé sur le recrutement. Et c’est très important quand vous disposez de peu de moyens. Le droit à l’erreur est très limité alors que le recrutement n’est pas une science exacte, quel que soit le secteur d’activité. Le recrutement est une activité très difficile à piloter. On essaie au club d’être toujours en pointe à ce sujet en s’intéressant notamment au développement des nouvelles technologies et à l’aide qu’elles peuvent apporter.

Par ailleurs, dans la composition de notre effectif, on cherche toujours à maintenir un bon équilibre entre les anciens, des joueurs plus jeunes et les éléments en devenir provenant de notre centre de formation. On cherche sans cesse à préserver l’ADN du club en intégrant notamment des anciens joueurs à notre staff. Cela permet de définir une vision claire à long terme sans renier notre histoire et culture. Ils s’appuient sur le passé pour construire l’avenir du club.

Enfin, dernier point et non des moindres : nous sommes l’un des clubs les mieux staffés sur le plan sportif de Liqui Moly Starligue. Notre staff technique comprend dix personnes. C’est plutôt rare dans le handball professionnel français.

Que manque-t-il au FENIX Toulouse Handball pour rejoindre le trio de tête au sommet du handball professionnel français ? Cherchez-vous à réduire l’écart sur le plan budgétaire ?

Nous ne sommes pas dans une démarche de réduction de l’écart budgétaire. L’écart avec le trio de tête est désormais énorme et il s’agrandit de saison en saison. D’ailleurs, il faut davantage parler d’abysse plutôt que d’écart ! Néanmoins, le budget ne fait pas tout. C’est avant tout un axe de fonctionnement. On peut exister et même jouer les premiers rôles avec des budgets moindres.

Pour Philippe Dallard, l’écart budgétaire sera très difficile à combler entre le FENIX et le TOP 3 de Liqui Moly Starligue lors des saisons à venir. Photo : Icon Sport

Aujourd’hui, sur le plan sportif, la différence entre le Top 3 de Liqui Moly Starligue et nous se fait essentiellement au niveau de la composition du banc. On travaille avec un effectif plus resserré. On s’interdit certains types de recrutement pour respecter notre propre salary cap et nos règles budgétaires.

Sur quels axes reposera la croissance budgétaire du FENIX Toulouse Handball lors des saisons à venir ?

La stratégie de développement du FENIX va reposer sur trois piliers. Il y a d’abord la formation. On se doit de faire éclore les talents de demain par nous-mêmes. Le rôle des anciens sera déterminant dans l’atteinte de cet objectif. Il se doivent d’accélérer le projet du club en matière de formation.

« On doit impérativement développer nos revenus en-dehors des jours de match »

Au niveau économique, on ne peut plus faire reposer l’essentiel de nos revenus sur l’organisation de deux matchs par mois dans notre salle – même si le calendrier est désormais un peu plus chargé avec les rencontres européennes. On doit impérativement développer nos revenus en-dehors des jours de match. Le challenge n’est pas simple car nous ne sommes pas propriétaires de notre salle. Pour autant, on essaie de l’exploiter au maximum. On vient d’y aménager de nouveaux bureaux, on a créé des salles de réunion. On peut désormais y organiser des séminaires et autres événements B2B en-dehors des jours de match.

Enfin, parmi les gros leviers à développer, il y a aussi la billetterie. A ce jour, nous ne jouons pas toutes nos rencontres à guichets fermés. On doit absolument travailler sur ce point pour développer nos affluences.

Toulouse est une ville au sein de laquelle la concurrence est féroce en termes de sport professionnel. Comment le FENIX parvient-il à trouver sa place face au Stade Toulousain et au Toulouse FC ?

J’ai parlé tout à l’heure de résilience. Il en faut pour affronter une telle concurrence ! Nous évoluons aux côtés du Stade Toulousain qu’on peut considérer comme le Real Madrid du rugby. Mais c’est loin d’être le seul concurrent. Dans notre agglomération, nous comptons une dizaine de clubs professionnels dont évidemment le TFC mais aussi Colomiers qui évolue en PRO D2, le TO XIII, les Spacer’s… Toulouse est sans doute la ville de France où l’offre de spectacle sportif de haut niveau est la plus importante !

Tous ces clubs jouent souvent lors des mêmes week-ends que nous. Cela peut d’ailleurs expliquer les difficultés rencontrées pour remplir nos enceintes. C’est compliqué de remplir sa salle quand on joue en même temps que le Stade Toulousain ! Face à cette intensité concurrentielle, c’est déjà un bel exploit de parvenir à réunir 150 entreprises au sein de notre réseau de partenaires, d’autant que le contexte économique n’est pas facile.

En revanche, il y a une très bonne ambiance entre les différents clubs professionnels de la ville. On s’entend très bien. Nous essayons de trouver des solutions communes tout en liant certains de nos projets de territoire et RSE en prenant en compte les besoins de la Ville ou de la Région. On se réunit régulièrement pour échanger sur nos problématiques et projets.

Êtes-vous soutenu par les collectivités dans votre projet de développement ?

Les collectivités essaient désormais en priorité d’équilibrer leur budget. Et cela se traduit souvent par une baisse des subventions versées aux acteurs du sport. En 10 ans, le poids des collectivités dans notre budget a connu une baisse importante. Et on a la chance de pouvoir compter sur de bons résultats sportifs. Je n’ose pas imaginer quelle aurait été la baisse si nous n’avions pas enregistré de tels résultats…

La Mairie ou encore la Région veulent nous aider dans notre développement. C’est indéniable. Mais les collectivités ne sont également pas aidées par l’instabilité politique. Elles doivent composer avec des budgets successivement présentés par le gouvernement Barnier, puis Bayrou, puis Lecornu et désormais Lecornu II. Cela crée un manque de lisibilité avec, derrière, des répercussions sur le fonctionnement du sport professionnel.

Quel regard portez-vous sur le travail réalisé par la LNH concernant le développement économique et la médiatisation de la Liqui Moly Starligue ? Quels leviers faut-il activer pour accélérer la croissance du championnat français ?

Je porte un regard bienveillant et solidaire sur le travail mené par la LNH mais avec quelques réserves. La LNH est à un tournant crucial pour plusieurs raisons.

Il y a tout d’abord la question des droits TV. Aujourd’hui, les droits TV du handball professionnel français se situent aux alentours de 4 m€ dont 2 m€ directement perçus par la LNH. Les contrats arrivent à échéance à la fin de cette saison 2025-26. Si les futurs droits venaient à baisser – et on ne serait pas le premier sport à connaître une telle situation – la ligue ne pourrait quasiment plus exister. C’est un sujet de préoccupation majeure.

« On a pris du retard pour envisager l’économie du sport professionnel de demain »

Par ailleurs, pendant très longtemps, on n’a pas su assez lier les activités de la Fédération avec celles de la LNH pour des raisons qui ne sont pas très claires. On n’a pas réussi à porter des projets d’envergure en commun. C’est un tort car cela amène de la division dans notre écosystème et cela ne permet pas de créer des synergies pour attirer davantage de grands sponsors ou encore développer les droits TV. Or, on pourrait capitaliser sur nos clubs et les différentes équipes de France pour enclencher ce cercle vertueux.

Enfin, on a pris du retard pour envisager l’économie du sport professionnel de demain. Par exemple, en termes de médiatisation, le handball n’est pas assez présent. L’Equipe ne parle quasiment jamais de handball. Pourtant, on est le sport qui gagne tous les plus grands titres internationaux. On a quelques arguments à mettre en avant mais on ne sait pas les valoriser. C’est pourtant l’un des rôles de la LNH d’exposer médiatiquement nos compétitions et notre discipline.

Globalement, l’économie du sport est en difficulté. Seuls ceux qui sauront anticiper les changements et se remettre en cause réussiront. On a besoin d’une LNH très performante. La réorganisation est en cours avec un nouveau président (ndlr : Fabrice Boutet élu en mars dernier) et un comité directeur renouvelé. Mais il faut impérativement accélérer pour relever les défis qui se dressent devant nous.

P. Dallard (FENIX) : « Il est possible de jouer les premiers rôles avec un budget moindre par rapport à nos concurrents »
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