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« Le mercato d’hiver annihile la magie de l’incertitude sportive »

interview kertudo
Me Gautier Kertudo

Comment le football professionnel est-il parvenu à créer un système au sein duquel les meilleurs joueurs sont transférés pour plusieurs dizaines de millions d’euros ? Et quels sont les procédés juridiques mis en place permettant de codifier ce marché « atypique » ? Me Gautier Kertudo, Avocat au sein du cabinet Barthélémy Avocats et Membre de l’association Tatane, nous éclaire sur les spécificités juridiques du marché des footballeurs professionnels tout en nous livrant son sentiment sur le mercato hivernal et son intérêt.

D’un point de vue extérieur, l’organisation du marché des transferts des footballeurs professionnels est difficile à comprendre. Peu d’entreprises sont prêtes à débourser plusieurs millions d’euros pour débaucher un collaborateur chez le concurrent. Avec des mouvements qui doivent avoir lieu à des périodes clairement définies. Pouvez-vous nous rappeler les spécificités liées aux contrats des footballeurs professionnels qui permettent l’organisation d’un tel système des transferts ?

Depuis la loi du 27 novembre 2015 , le sportif professionnel salarié doit signer un contrat à durée déterminée « spécifique » d’une durée minimum d’un an et maximum de 5 ans (renouvellement possible). Ce contrat doit respecter les règles de droit commun du contrat à durée déterminée notamment en matière de rupture. Ainsi, le code du travail liste précisément les cas de rupture anticipée du contrat à durée déterminée. Il s’agit des cas suivants :

  •  Accord entre l’employeur et le salarié,
  • Demande du salarié qui justifie d’une embauche en contrat à durée indéterminée,
  • Faute grave (ou faute lourde) du salarié ou de l’employeur
  • Force majeure
  • Inaptitude du salarié.

Plus encore, le code du sport précise à son article L.222-2-7 que « les clauses de rupture unilatérale pure et simple du contrat de travail à durée déterminée du sportif et de l’entraineur professionnel salariés sont nulles et de nul effet ».

En d’autres termes, la rigidité du dispositif de rupture des CDD spécifiques contraint en pratique le club employeur et son salarié à justifier la rupture par un accord commun.

Le salarié et le club employeur rompent le contrat. Le joueur, dans le cadre d’une mutation définitive va alors signer un nouveau contrat de travail avec son nouveau club.

L’indemnité de transfert versée au cours de cette opération est perçue par le club quitté par le joueur de la part du club qui l’accueillera dorénavant.

La rupture du contrat à durée déterminée dans le cadre d’une opération de transfert est pratiquement un mode de rupture indépendant, hybride puisqu’elle s’appuie sur l’accord des deux parties mais le club quitté est toutefois indemnisé.

Le Tribunal Arbitral du sport a, dans une décision en date du 5 mai 2010 (n° 2009/7/1960 ), trouvé certainement la bonne formulation pour décrire la nature de cette indemnité : « le montant de l’indemnité de transfert représente de manière fiable la valeur que l’ex-employeur attribue aux services de son employé ».

Cette particularité est l’illustration même de la cohabitation juridique entre le monde du sport et les règles de droit du travail.

En organisant un tel système – avec seulement deux périodes possibles de mutations – ne contrevient-on pas à la liberté du footballeur professionnel ? Des recours en justice pourraient-ils mettre à mal le système des transferts tel qu’il est organisé au sein du football européen ? 

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