- Tribune

Raccourcir le mercato estival, une bonne initiative

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Ecofoot.fr

La Ligue de Football Professionnel a-t-elle raison de vouloir raccourcir le mercato estival des clubs professionnels français ? Volonté exprimée hier par son Directeur Général Exécutif, Didier Quillot ; cette mesure est saluée par Pierre Rondeau et Richard Bouigue, Codirecteurs de l’Observatoire Sport et Société à la Fondation Jean Jaurès. Dans cette tribune pour Ecofoot, ils expriment les bienfaits que pourrait susciter une telle mesure.

Mardi 31 juillet, lors de la conférence de presse de la Ligue de Football Professionnel, saison 2018-2019, le directeur Didier Quillot a annoncé sa volonté de raccourcir la fenêtre de transfert estivale, en la calant sur la période non-sportive.

Déjà appliquée en Angleterre, où le mercato cette année s’arrêtera le 9 août, contre le 31 en France, cette démarche vise à éviter ce que les économistes appellent le bargain market (marché de l’arnaque) et le panic market (marché en panique).

Le premier renvoie aux situations où un club veut absolument vendre pour des raisons financières et/ou sportives : il ne s’est pas qualifié en coupe d’Europe après les tours préliminaires en juillet et août ; il a réalisé une mauvaise transaction financière ; le staff technique s’est embrouillé avec un des joueurs du collectif…

Dans ce cas de figure, l’offre, qui émane des clubs vendeurs, se retrouve supérieure à la demande : quasiment personne ne souhaite acheter un nouvel élément. Résultat, un déséquilibre apparait sur le marché, les prix baissent et les joueurs vendus sont bradés. La différence entre la valeur réelle et la valeur de marché grandit et les clubs vendeurs se retrouvent perdants. Ils négocient à la baisse.

Quant au second phénomène, le panic market, il s’installe lorsque le championnat a déjà bien commencé. Le club a joué un, deux, trois matches et l’entraîneur se rend compte d’un important déficit sportif sur un secteur particulier : sa défense patine, le milieu est absent ou l’attaque est amorphe. Il lui faut donc absolument corriger le tir et viser un nouveau renfort avant la fin du mercato.

Seulement, cette information, tout le monde l’a. Le coach, parce qu’il gère son effectif, mais les supporters aussi, les dirigeants, les journalistes et les adversaires. Ces derniers n’accepteront de céder un de leurs joueurs qu’à un prix plus élevé, il grossit artificiellement.

Dans les deux cas, le championnat est floué et une irrationalité s’installe.

Didier Quillot a très bien compris ces problématiques et a donc appelé à ce que « le mercato s’arrête en même temps dans tous les championnats européens ». Nous ne pouvons que féliciter cette démarche, qui faisait partie de nos nombreuses propositions pour réguler et protéger le football professionnel, toutes présentées dans notre livre Le foot va-t-il exploser ? paru en mai dernier.

Mais il faut aller plus loin. D’après nous, cela devrait passer par une intervention politique européenne, il ne faut pas attendre que les dirigeants de chaque championnat prennent la bonne décision, au risque que quelques-uns se comportent comme des passagers clandestins et n’aillent pas dans le sens du progrès.

Les prochaines élections européennes de 2019 doivent poser le débat de cette régulation et intégrer tous les projets et toutes les propositions, comme le renforcement du fair-play financier, la mise en place d’un salary-cap, la nécessité d’une distribution égalitaire des droits TV ou la création d’une contribution Coubertobin continentale.

Le monde change, le football doit changer et évoluer avec lui. Il ne faut pas attendre les premiers signes d’une implosion pour commencer à réformer, il faut avoir le courage de ses convictions et acter le début d’une révolution. Pour une plus grande solidarité, une plus grande équité et une meilleure justice sociale.

Les premiers mots de Didier Quillot et de la LFP vont dans ce sens, ne reste plus maintenant qu’à enclencher la deuxième vitesse et entamer le début de quelque chose.

Par Richard Bouigue et Pierre Rondeau , Codirecteurs de l’Observatoire Sport et Société à la Fondation Jean Jaurès

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