Romuald Coustre BCM Gravelines Dunkerque
Interview

R. Coustre (BCM Gravelines Dunkerque) : « Le basket français n’a jamais été aussi fort »

Photo Icon Sport

La résilience est sans doute le terme qui qualifie le mieux le BCM Gravelines Dunkerque. Ayant subi une véritable tragédie en décembre 2023 avec l’incendie de sa mythique salle Sportica, le club est depuis parvenu à se réorganiser pour se maintenir au plus haut niveau du basket professionnel français. Lors d’un entretien exclusif accordé à Ecofoot.fr, Romuald Coustre, General Manager du BCM Gravelines Dunkerque, revient sur le modèle économique mis en place par le club tout en évoquant plus globalement l’évolution du basket professionnel français et européen. Interview.

Quel est le budget du BCM Gravelines Dunkerque pour cette saison 2025-26 ? Comment est-il financé ?

On a présenté à la LNB un budget prévisionnel de 5,8 m€ pour cette saison 2025-26. Il repose sur une répartition plutôt simple avec 40% des ressources provenant des collectivités, 40% de sponsoring privé et 20% de billetterie et recettes diverses (merchandising, RSE…)

Combien d’entreprises réunit aujourd’hui le BCM Gravelines Dunkerque dans son réseau de partenaires ?

On compte aujourd’hui un peu plus de 200 partenaires privés avec un paysage très hétérogène. On attire à la fois des grands groupes – à l’image de notre partenaire historique La Caisse d’Epargne – mais aussi de nombreuses PME de notre territoire. On ne dépend pas d’un partenaire majeur ou d’un mécène à l’image des locomotives de notre championnat.

Le BCM Gravelines Dunkerque fédère des entreprises de toutes tailles dans son réseau de partenaires y compris certains poids lourds de l’économie à l’image de La Caisse d’Epargne dont le logo s’affiche sur ses tenues. Photo : Icon Sport

On touche un tissu économique qui est de plus en plus large. Notre zone de rayonnement s’étend désormais jusqu’à Béthune ou encore Arras. On couvre vraiment toute la région des Hauts-de-France.

Le BCM Gravelines Dunkerque a subi une véritable tragédie en décembre 2023 avec l’incendie ayant ravagé Sportica. Quel est l’impact organisationnel et financier de la délocalisation des matchs à Dunkerque ? Comment gérez-vous cette situation ?

Nous sommes clairement en mode survie. Ce ne sont pas des conditions habituelles pour un club de haut niveau. Sportivement, on bénéficie néanmoins de très bonnes installations d’entrainement grâce à la Ville de Gravelines. Elle a fait un travail exceptionnel pour rénover une ancienne salle qui nous est dédiée et qui est devenue le Centre d’Entrainement Norbert Merlen. Cela nous permet de disposer au quotidien d’un outil de travail vraiment sympa et opérationnel.

En revanche, on ne s’entraine jamais dans la salle où on joue. Et on a perdu 30% de notre capacité d’accueil en évoluant dans la salle Dewerdt. Cela a forcément un impact sur nos revenus mais aussi sur l’expérience fan au sens large. On n’a pas encore retrouvé la même ferveur qu’à Sportica. Cela demande beaucoup d’énergie pour monter et démonter nos installations à chaque match tout en essayant d’y retranscrire notre identité. C’est honnêtement un travail difficile.

« On profite de chaque instant au plus haut niveau du basket professionnel français »

Mais on ne veut absolument pas se plaindre. On a la chance d’être vivants ! On remercie infiniment la Ville de Dunkerque, la Communauté Urbaine de Dunkerque et nos amis de l’USDK Handball de nous accueillir. Si ça n’avait pas été le cas, nous ne serions certainement plus là. Notre avenir s’est joué à un fil et, suite à la tragédie de Sportica, noua avons adopté une approche un peu différente. On profite de chaque instant au plus haut niveau du basket professionnel français.

Au fil des matchs, parvenez-vous à vous sentir davantage chez vous au sein de la salle Dewerdt ?

Depuis le début de la saison 2025-26, on a vraiment mis l’accent sur l’expérience fan. On travaille beaucoup sur les animations, la qualité d’accueil ou encore le développement du merchandising grâce à la collaboration avec notre nouvel équipementier Nike.

On veut vraiment que nos supporters et nos partenaires se sentent davantage chez eux au sein de cette salle. On n’a pas pu réellement travailler sur de tels aspects au départ car nous étions dans une situation d’urgence. Il fallait mettre en place les routines au sein de notre organisation.

Depuis le début de la saison, on a mis l’accent sur l’expérience fan pour que cette salle puisse refléter notre identité. Nous savons que nous allons évoluer dans cette salle jusqu’à la fin de la saison 2027-28 donc il faut parvenir à relever ce défi.

La concurrence est forte sur votre territoire en matière d’offre de basket et de sport professionnel. Quels sont vos éléments de différenciation pour convaincre les partenaires et le grand public de soutenir le BCM Gravelines Dunkerque ?

Les clubs vivent très bien ensemble. Il y a certes une concurrence sur certains sujets mais il n’y a aucune animosité. Chacun a su développer sa propre identité. Le foot, ça reste le foot, avec la puissance médiatique associée à cette discipline. Y compris en Ligue 2. C’est un sport à part. En plus, l’USLD travaille très bien depuis son changement actionnarial. Il y a eu l’an dernier l’épopée en Coupe de France qui a bien mis en lumière le club.

L’USDK Handball se situe davantage dans notre économie avec beaucoup plus de similarités. Le club a connu son heure de gloire au début des années 2010 avec notamment le titre de champion de France glané en 2014. Mais, aujourd’hui, les moyens ne sont plus les mêmes au sein du handball professionnel français et c’est plus difficile pour l’USDK de jouer les premiers rôles. Comme pour le BCM. Et enfin, il y a également les Corsaires de Dunkerque en hockey sur glace qui travaillent très bien. Le hockey gagne en popularité sur le territoire et c’est un peu le club qui monte.

« Nous sommes en capacité de toucher et de rassembler l’ensemble de la région des Hauts-de-France »

L’élément clé de différenciation pour nous est le fait que nous ne soyons pas un club exclusivement dunkerquois. Comme je le disais précédemment, nous sommes en capacité de toucher et de rassembler l’ensemble de la région des Hauts-de-France. On a su développer une marque forte autour du BCM Gravelines Dunkerque qui s’impose au niveau régional. Une étude d’impact de la Voix du Nord nous avait placé en 3e position du sport nordiste derrière le RC Lens et le LOSC.

Par ailleurs, on profite aussi de l’ascension du basket français qui est en train de prendre une dimension incroyable. On n’a jamais vu de tels effectifs au sein de notre championnat. Quand on pense qu’un joueur comme Nikola Mirotić évolue à l’AS Monaco Basket… On n’aurait jamais pu imaginer une telle star dans notre championnat il y a une dizaine d’années. De notre côté, on essaie aussi de surfer sur cette progression du basket français pour élargir et engager nos communautés.

Le BCM Gravelines Dunkerque a adopté un nouveau logo au mois de mai dernier. Pourquoi avez-vous réalisé ce travail de refonte ? Quelles sont les premières réactions ?

On songeait à refondre notre logo depuis un bon bout de temps. Notre précédent logo datait de 2013 et il était encore perfectible. On a alors cherché au départ à le retravailler sans immédiatement trouver le bon concept. On avait fait travailler plusieurs agences sur le dossier sans parvenir à un résultat qui convienne à toutes les parties.

L’incendie de Sportica a été un déclencheur pour relancer le projet. On a voulu changer de logo pour marquer une nouvelle page de notre histoire. On souhaite symboliser ce nouveau départ tout en adoptant une identité graphique nous permettant de développer de manière plus significative nos activités de merchandising. On a alors fini par trouver le concept qui marche. Le nouveau logo a été entièrement réalisé en interne.

Nouveau logo adopté par le BCM depuis mai dernier. Photo : BCM Gravelines Dunkerque

Les premiers retours sont très bons. Evidemment, comme tout nouveau logo, il ne laisse personne indifférent. Il y a des personnes qui adorent et d’autres qui aiment moins. Et on entend généralement beaucoup plus les critiques ! (rires) Mais nous n’avons pas eu à faire face à un véritable bashing comme ont pu connaître d’autres clubs ayant dernièrement fait évoluer leur logo. Notre nouveau logo a fait consensus rapidement et il est désormais bien adopté.

Quels seront les prochains projets de développement du BCM Gravelines Dunkerque ? Recevez-vous le soutien des collectivités pour mener à bien vos projets ?

Notre première priorité est de récupérer une salle. C’est un sujet vital pour le club. Le soutien des collectivités à ce sujet est extraordinaire ! Elles ont pris immédiatement la mesure de la situation. Elles ont très vite réagi après l’incendie pour qu’on puisse survivre au plus haut niveau. Et elles nous accompagneront très étroitement jusqu’à ce que le club mette le pied dans sa nouvelle salle et puisse développer un nouveau business model.

L’enquête judiciaire concernant l’incendie de Sportica vient de s’achever et la démolition du site a commencé. Nous sommes néanmoins restés de longs mois à côté d’un champ de ruines et, psychologiquement, cela a été compliqué pour les équipes. Désormais, le projet avance, le site est en cours de préparation avec la perspective de poser la première pierre de notre future enceinte d’ici quelques mois. Cela donne beaucoup de force au club.

Quand votre nouvelle salle sera-t-elle livrée ?

On devrait rentrer dans cette nouvelle salle lors de la saison 2028-29. Sachant qu’en parallèle de la reconstruction de Sportica, il y a aussi l’édification d’une nouvelle arena à Dunkerque qui est prévue. Elle n’aura pas vocation à accueillir le BCM en résidence mais on pourra y délocaliser quelques grosses affiches par saison. Notre salle à Gravelines sera de l’ordre de 4 000 places tandis que la nouvelle arena à Dunkerque disposera d’une jauge comprise entre 5 500 et 6 000 places. Ce sont deux capacités complémentaires. C’est un peu particulier de se dire qu’aujourd’hui nous n’avons pas vraiment de résidence mais qu’on disposera de deux salles dans trois ans !

Quel regard portez-vous sur le travail mené par la LNB pour promouvoir la Betclic Elite et plus globalement le basket professionnel français ? Quels leviers pourraient être activés pour accélérer le développement ?

Le basket français n’a jamais été aussi fort, que ce soit d’un point de vue sportif ou économique. J’ai connu par le passé les longues saisons d’Euroligue au cours desquelles on ne gagnait pas un seul match ! L’an dernier, un de nos représentants a atteint la finale (ndlr : AS Monaco Basket) et un autre était aux portes du Final Four (ndlr : Paris Basketball). Je ne sais pas si on mesure bien le chemin parcouru en quelques saisons pour atteindre un tel résultat !

Les clubs bossent énormément. Le regard porté par les investisseurs sur le basket français a changé concrètement ces dernières années. Et cela ne concerne pas uniquement les très grosses écuries. Certes, il y a les exemples de l’AS Monaco ou encore du Paris Basketball. Mais, en Elite 2, un club comme le SCABB (ndlr : Saint-Chamond Andrézieux Bouthéon Basket) est parvenu à attirer une des plus grosses fortunes de France (ndlr : David Despinasse, dirigeant du Groupe Despi).

« Le regard porté par les investisseurs sur le basket français a changé concrètement ces dernières années »

L’écosystème économique et sportif français est en pleine mutation. La LNB se structure bien pour accompagner ce mouvement. Beaucoup de projets ont été engagés ces derniers temps et c’est une évolution très intéressante.

Avez-vous un avis sur le lancement d’une compétition en Europe portée par la NBA (ndlr : NBA Europe devrait voir le jour en octobre 2027) ? Une telle compétition aurait-elle une incidence sur le BCM Gravelines Dunkerque ?

Nous ne sommes pas taillés pour jouer une telle compétition donc cela ne nous concerne pas directement.

Néanmoins, nous conservons un œil attentif sur l’évolution de notre discipline et des compétitions. L’arrivée de la NBA peut créer un véritable appel d’air avec davantage de spectateurs, de partenaires, de diffuseurs qui pourraient s’intéresser à la discipline. Et cela aurait alors des retombées positives pour l’ensemble de l’écosystème. Je porte un œil plutôt bienveillant sur ce qui est en train de se dessiner au niveau continental.

Je me pose toutefois la question de l’articulation avec l’Euroligue. Les deux compétitions pourront-elles coexister ? D’un point de vue sportif, l’Euroligue est en train de prendre une certaine dimension. Cette compétition a clairement marqué des points au cours des dernières années. Les ambiances au sein de la plupart des salles y sont extraordinaires. Cela serait dommage de perdre à terme cette compétition. La meilleure solution pour le basket européen serait de trouver un équilibre entre les différents acteurs c’est-à-dire de conserver à la fois l’identité de l’Euroligue tout en y ajoutant la puissance marketing et financière de la NBA. Si ce point d’équilibre parvenait à être trouvé, ça donnerait alors naissance à une compétition incroyable !

R. Coustre (BCM Gravelines Dunkerque) : « Le basket français n’a jamais été aussi fort »
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