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Investir sur un footballeur via le financement participatif représente-t-il une forme dérivée de TPO ?

Récemment, des plateformes de financement participatif proposent au grand public d’investir directement sur des joueurs professionnels de football. Le but de ces plateformes est de permettre à des clubs de mener des campagnes de financement pour l’acquisition d’un joueur afin que les frais liés à son acquisition, notamment l’indemnité de transfert et éventuellement le salaire, fassent l’objet d’un prêt de la part du public. En somme, le club et la plateforme conviennent d’une campagne pour un joueur spécifique qui aura pour but d’inciter le public à investir un montant déterminé. En contrepartie, ces derniers reçoivent, lors de la revente du joueur objet de la campagne, un retour sur leur investissement initial à la condition qu’une plus-value soit effectuée. Une telle opération permet également aux fans, du club ou du joueur professionnel, d’être impliqués de manière directe sur le marché transferts à l’instar d’un agent ou d’un dirigeant de club. La question qui se pose est de savoir si ce type de campagne est valable sous l’angle de la réglementation sportive. En effet, la FIFA a banni la pratique de la tierce-propriété des sportifs professionnels au 1er mai 2015 par le biais de l’art. 18ter RSTJ qui stipule notamment que « aucun club ou joueur ne peut signer d’accord avec un tiers permettant à celui-ci de pouvoir prétendre, en partie ou en intégralité, à une indemnité payable en relation avec le futur transfert d’un joueur d’un club vers un autre club, ou de se voir attribuer tout droit en relation avec un transfert ou une indemnité de transfert futur(e) ».

Premièrement, il convient de se demander si la plateforme de financement participatif, mais également les fan-investisseurs, peuvent être considérés comme une tierce partie selon la réglementation de la FIFA qui définit un tiers comme une « partie autre que les deux clubs transférant un joueur de l’un vers l’autre, ou tout club avec lequel le joueur a été enregistré ». Partant du principe que ni la plateforme ni les fan-investisseurs ne sont considérés comme un club de football professionnel, ils entrent pleinement dans la définition du tiers.

Dans un deuxième temps, et c’est ici que se pose la véritable question, il sied d’examiner si l’opération de financement participatif pour l’acquisition d’un footballeur professionnel peut s’apparenter à une tierce-propriété au sens de l’art. 18ter RSTJ. En effet, la disposition topique considère ce cas de figure lorsqu’une tierce partie dispose de prétentions pécuniaires sur la future indemnité de transfert du joueur dont les droits économiques ont été cédés, en partie ou en intégralité. Dans le cas concret, l’activité de la plateforme est de mettre en place une campagne de financement en faveur d’un club avec lequel elle collabore en vue d’un objectif précis. En effet, les deux parties s’associent pour une durée déterminée durant laquelle la plateforme s’engage à récolter, par un mécanisme de financement participatif, un montant déterminé permettant au club, au terme de la campagne, de financer le maintien d’un joueur au sein de son effectif ou de subventionner l’acquisition d’un nouveau joueur. En contrepartie des montants investis par les fan-investisseurs, la plateforme s’engage à reverser à ces derniers les éventuels bénéfices engendrés par la vente future du joueur faisant l’objet de la campagne. Elle détient ainsi une prétention vis-à-vis du club lorsque ce dernier effectue une plus-value lors du transfert du joueur en question. Par conséquent, s’il est transféré par le club associé à la campagne à un autre club moyennant une indemnité de transfert supérieure au seuil de financement, les fan-investisseurs pourront récupérer de la plateforme une plus-value proportionnelle à leur investissement initial. Dès lors, bien que la plateforme ne soit propriétaire des droits économiques du joueur professionnel, elle dispose d’une prétention sur la future indemnité de transfert du sportif, à condition évidemment que celle-ci engendre une plus-value. La question de savoir si les fan-investisseurs ont également une prétention vis-à-vis du club qui a vendu le joueur objet de la campagne dépend des circonstances. Toutefois, il n’existe à priori pas une relation juridique mais plutôt une relation de fait entre les fans qui investissent dans la campagne et le club. Encore une fois, tout dépend de la structure juridique et financière mis en place par le site internet bien que la tendance soit que la plateforme, dans son rôle d’intermédiaire, récolte le montant auprès du club pour le reverser dans un second temps aux fans. Dès lors, il est risqué d’admettre en l’état que les fan-investisseurs puissent avoir une prétention directe vis-à-vis du club pour le versement de l’éventuelle plus-value engendrée par le transfert et ainsi tomber sous le coup de l’art. 18ter RSTJ.

PANAGIOTIS KYNIGOPOULOS

Brillant lors du championnat d’Europe U19, le Grec Panagiotis Kynigopoulos a fait l’objet d’une campagne de financement participatif sur la plateforme kickrs.net pour finaliser son transfert à Saint-Trond

En conclusion, bien que cette méthode soit en apparence moins agressive et plus respectueuse de la réglementation de la FIFA, notamment en raison du fait que l’art. 18ter RSTJ avait pour but d’interdire les sociétés d’investissement d’influer sur l’intégrité des compétitions et la politique des clubs sur le marché des transferts, nous sommes d’avis qu’elle entre malgré tout dans le champ d’application de la disposition topique émise par l’association faîtière. Que ce soit la plateforme ou éventuellement les fan-investisseurs de manière indirecte, les deux parties disposent d’une prétention à l’égard de la future indemnité de transfert générée par la vente du joueur, dans le cas où celle-ci occasionne une plus-value. À tout le moins, c’est ce qu’il ressort d’une interprétation littérale de l’art. 18ter RSTJ. Toutefois, il convient d’émettre une réserve dans la mesure où la FIFA n’a pas encore pris position sur ce phénomène. En effet, il serait intéressant d’observer si la fédération internationale souhaite en réalité exclure toute forme d’investissement à l’égard de la carrière des sportifs professionnels ou interdire la pratique uniquement aux sociétés d’investissement dans le but de leur empêcher l’accès au marché des transferts et ainsi nuire aux clubs de même qu’aux sportifs.

Analyse réalisée sous l’angle de l’article 18ter RSTJ de la FIFA

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