Edito

Football féminin, l’avenir du sport ?

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Oleh Dubyna / Shutterstock.com

Dans ce nouvel édito, Pierre Rondeau, Economiste du Sport, revient sur les inégalités hommes/femmes très importantes sévissant dans le football.

Jeudi 24 mai, les filles de l’Olympique Lyonnais ont remporté leur 5ème Ligue des Champions, face aux Allemandes de Wolfsburg, sur le score de 4 buts à 1. En conservant le trophée pour la 3ème année consécutive, l’OL devient le club français le plus titré de l’histoire et surpasse largement ses équivalents masculins.

La réussite de l’OL féminin est une fierté nationale, un exemple pour toute une génération. En quelques années, le club aura été capable de s’inscrire au sommet du championnat de France et de devenir un monstre sportif, aussi réputé et respecté que des ténors tels que le Barca ou la Juventus, côté masculin.

Pourtant, les clichés ont la vie dure et la réputation des filles de Reynald Pedros n’a pas atteint celle des joueurs du Real Madrid, sacrés samedi dernier, dans la compétition équivalente. L’audience nationale et mondiale des premières a été famélique par rapport à celle de leurs homologues masculins. Idem côté prime de victoire et rémunération contractuelle. Bien que la performance sportive soit la même, les filles connaissent des inégalités économiques et médiatiques flagrantes par rapports aux garçons.

A titre d’exemple, le club madrilène pourrait prétendre toucher, sur tout son parcours en coupe d’Europe, plus de 50 millions d’euros, sans compter les droits TV, fixés aux alentours de 45 millions d’euros.

Quant aux filles, c’est le jour et la nuit. L’UEFA leur versera une prime de victoire de 330 000€ (contre 15 millions d’euros lors d’un titre masculin), et chaque match gagné dans la compétition leur rapporte 20 000 € (contre 1,5 million d’euros dans la compétition masculine). Nous parlons ici d’un écart de 1 à 45 et de 1 à 75 !

Alors oui, dans la mesure où les audiences sont bien plus faibles et que l’écart des droits de retransmission est très important (à titre d’exemple, la ligue 1 vaut 748 millions d’euros par an contre 1 million d’euros avec la division 1 féminine), dans la mesure où la médiatisation n’est pas équivalente, avec des prises d’antenne et des traitements médiatiques colossaux côté masculin et une diffusion minimisée côté féminin, le postulat économique justifie ces inégalités.

Pourquoi devrions-nous payer autant les filles ? Quasiment personne ne peut citer plus de 6 joueuses de l’OL et les matchs sont souvent déséquilibrés ou sans enjeu. Mais pourtant elles gagnent, et bien plus que les hommes !

Pendant que le PSG se démène, à coup de millions d’euros, pour essayer de remporter un trophée européen, les filles lyonnaises en sont à 5. Pendant que Marseille perd sa 3ème finale d’affilée sur la scène continentale, l’OL ne cesse de les remporter.

Seulement, nous restons peu intéressés et peu attirés par cette autre version du football. La faute à qui ? Les médias jouent peut-être mal leur rôle et ne diffusent pas assez de matchs féminins, ne traitent pas de manière équivalente les deux catégories. Les joueuses elles-mêmes ne sont peut-être pas encore des symboles pour les supporters. Aucun mythe ni aucune légende ne transparait, le foot féminin n’est pas encore rentré dans notre inconscient collectif.

Mais les choses peuvent encore changer et doivent changer. C’est le processus normal de l’histoire. C’est d’ailleurs la prophétie du géopolitologue Pascal Boniface, dans son livre L’Empire Foot. Dedans, il admet que « dans 50 ans, notre sport se situera dans deux nouvelles sphères : en Asie, avec l’essor de la Chine, et chez les filles ». Le directeur de l’IRIS prédit ainsi que l’engouement de ce sport, via la croissance exponentielle du nombre de licenciées, la réussite des clubs professionnels et le désintérêt pour le foot masculin, va s’affirmer dans les années à venir.

Et s’il avait raison ?

Par Pierre Rondeau

Pierre Rondeau est l’auteur, avec Richard Bouigue, du livre Le foot va-t-il exploser : pour une régulation du système économique du football

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