Interview

« Nous proposons une solution innovante qui casse les codes du financement des clubs de football professionnel »

Ecofoot.fr a eu la chance cette semaine de s’entretenir avec Boris Bergerot, cofondateur de l’entreprise Give In Sport. Tout en présentant les activités de cette société innovante, nous avons abordé la question du fan funding comme solution alternative de financement des clubs de football professionnel.

Bonjour Boris. Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs d’Ecofoot.fr ?

Je m’appelle Boris Bergerot. J’ai 38 ans. J’évolue dans le domaine du web depuis la fin des années 90. J’ai un profil couplant nouvelles technologies et marketing. Je suis professeur dans une dizaine d’établissements en France délivrant des MBA. Je donne des cours de Stratégie Social Media, de marketing et de communication.

Au cours de ma carrière, je suis parti vivre au Costa-Rica où j’ai enseigné en université. J’ai été également conseiller auprès du président de l’Alliance Française de San José.  Ensuite, je suis revenu m’installer en France à Montpellier. J’ai démarré une collaboration avec Florent Mondolfo, qui est aujourd’hui mon associé dans l’aventure Give In Sport. A l’époque, il avait monté une société dans le domaine de l’intermédiation dans les nouvelles technologies à laquelle je me suis associé. Notre société a ensuite été rachetée. Depuis maintenant deux ans et demi, nous travaillons sur le projet Give In Sport.

Quel est le concept de Give In Sport ?

« Nous aidons les clubs à respecter leur budget »

Il s’agit de la première plateforme de fan funding. C’est un concept dédié à l’aide au financement des clubs sportifs professionnels en Europe. Nous avons plusieurs objectifs. Tout d’abord, nous permettons aux clubs de disposer de plus de moyens durant les périodes de mercato grâce aux dons réalisés par les fans sur notre plateforme. Cela les aide à conserver leurs joueurs ou à recruter de nouveaux éléments. Et nous aidons également les clubs à respecter leur budget pour être en conformité avec le fair-play financier. Et grâce à notre plateforme, les supporters peuvent s’impliquer davantage dans leur club par rapport à ce qui est possible aujourd’hui.

Comment avez-vous eu l’idée de monter une plateforme de financement participatif pour aider les clubs à financer leurs transferts ?

L’idée est venue il y a trois ans. Nous sommes férus de sport. Nous suivions toutes les évolutions en lien avec le financement des clubs sportifs. De nouvelles problématiques ont vu le jour avec la naissance du fair-play financier. Et en même temps, nous prêtions également un intérêt à l’émergence du crowdfunding en France.

A partir de ces observations, nous nous sommes demandés comment nous pouvions soutenir notre club de sport pour le rendre plus compétitif. Puis, nous avons commencé à étudier ce projet d’ouvrir une plateforme de financement participatif afin que les supporters puissent contribuer directement au financement du mercato de leur club. Et trois ans plus tard, l’idée s’est concrétisée avec la naissance de Give In Sport.

Quel est le modèle économique de Give In Sport ?

Le modèle économique est simple et transparent. Notre objectif est de transmettre aux clubs le maximum de la collecte organisée via notre service. 90% de la somme collectée auprès des supporters est reversée au club concerné par la campagne. Nous prenons une commission de 10% qui comprend toute la gestion des frais bancaires, incluant la partie TVA. De façon concrète, il nous reste 5% de la somme pour financer le fonctionnement et le développement de notre entreprise.

Comment est structurée l’entreprise ?

Nous sommes deux co-fondateurs. Florent Mondolfo est président de la structure et moi-même, je suis directeur général. Nous nous connaissons professionnellement depuis maintenant une quinzaine d’années.

Nous sommes actuellement en train de constituer un réseau d’ambassadeurs et de partenaires avec qui nous commençons à travailler sur des actions marketing et de communication. En termes d’embauches, nous avons surtout des ambitions pour le prochain exercice. Nous travaillons actuellement sur une levée de fonds pour pouvoir recruter à partir de l’année prochaine entre 10 et 20 collaborateurs.

Quel est le profil de vos ambassadeurs ?

Pour le moment, nous ne souhaitons pas travailler avec des égéries ou des sportifs de haut niveau car ils ont souvent des liens privilégiés avec certains clubs en raison de leur parcours professionnel. Nous souhaitons rester dans une logique indépendante et impartiale. Nous ne voulons être affiliés à aucune fédération, ligue ou entité sportive. Nos ambassadeurs sont généralement des étudiants ou de jeunes diplômés qui ont évolué dans des écoles de sport ou de communication. Ce sont des élèves que j’ai généralement connus en tant que professeur et qui ont rapidement adhéré à notre projet. Spontanément, ils reviennent vers nous pour contribuer au développement de Give In Sport. Nous commençons par nous structurer via nos relations proches et professionnelles avant de monter fortement en effectif à partir de 2016.

Quels sont les marchés actuellement couverts par Give In Sport ?

Nous avons lancé le service sur le football professionnel. Give In Sport couvre actuellement 14 pays et 20 championnats représentant près de 350 clubs référencés. Tous les clubs ont été informés du lancement de Give In Sport. Les présidents ont reçu une communication de notre part.

Cela fait trois semaines que le service est live et, tous les jours, nous avons des clubs qui reviennent vers nous pour avoir des informations supplémentaires ou accéder à leur interface. L’engouement autour du projet ne concerne pas uniquement le football. Des clubs phares provenant d’autres sports nous ont également sollicités.

Quels sont les clubs ayant aujourd’hui manifesté un intérêt pour le projet ?

Les clubs qui reviennent vers nous sont ceux qui ont besoin d’une meilleure compétitivité pour ne pas être relégué par exemple. Cela peut être également des clubs qui rencontrent quelques difficultés financières passagères et qui n’ont pas des investisseurs capables de subvenir à tous les besoins. Ils cherchent alors à mobiliser leurs supporters pour les aider.

Les partenaires intéressés sont essentiellement des clubs de milieu ou de bas de tableau. Aujourd’hui, il est évident que des clubs comme le PSG ou l’AS Monaco n’ont pas forcément besoin de nous pour financer une campagne de recrutement. Ils peuvent faire appel à d’autres sources financières.

Comment définissez-vous les seuils permettant de débloquer les fonds reversés aux clubs ?

Il y a en effet un objectif qui est proposé sur le site. Mais ce n’est pas un objectif obligatoire pour débloquer les fonds. Pour établir cet objectif théorique, nous avons conçu un algorithme qui prend en compte plusieurs paramètres comme les communautés sociales des différents clubs ou encore des données économiques (PIB pays…). Il s’agit plus d’une estimation que d’un objectif réel. Si le seuil n’est pas atteint, le club peut quand même débloquer l’argent récolté.

Certains clubs ont-ils déjà prévu de débloquer les fonds récoltés pour le prochain marché des transferts ?

Les fonds sont débloqués à l’issue du mercato. Les clubs bénéficient d’une interface sur notre site pour pouvoir consulter en temps réel le montant récolté. Au niveau des mercatos, les flux financiers ne sont pas réalisés le jour J mais un échéancier de paiement est défini au moment de la conclusion de l’accord. Jusqu’au dernier moment de la fenêtre de transfert, un club peut connaître le montant dont il dispose sur Give In Sport pour acheter un joueur. Des fonds qu’il pourra débloquer dès la fin de la période des transferts. Les premiers clubs intéressés par le niveau de la collecte pourront transférer l’argent dès début février. Et s’ils ne souhaitent pas bénéficier des fonds immédiatement, l’argent récolté sera maintenu sur un portefeuille e-wallet sécurisé jusqu’à la prochaine période des transferts.

Sur quoi repose la charte éthique signée par les clubs collaborant avec Give in Sport ?

Elle a pour objectif de cadrer les relations entre les clubs qui souhaitent bénéficier des fonds collectés et notre société Give In Sport. C’est un document qui doit être signé par un des dirigeants de club qui rappelle la déontologie de notre service. Des engagements réciproques y sont mentionnés.

In fine, les supporters participant à la collecte doivent avoir une garantie de la bonne utilisation des fonds par le club. Ces fonds collectés sur la plateforme Give In Sport peuvent seulement être utilisés pour financer l’achat de nouveaux joueurs, le prêt de joueurs par d’autres clubs, un renouvellement de contrat ou une augmentation de salaire d’un joueur.

C’est un document qui engage les deux parties. Quand nous parlons de financement du sport, il y a aujourd’hui des connotations qui ne sont pas toujours positives. De notre côté, nous souhaitons être irréprochables sur cette partie d’où la nécessité de faire signer des engagements.

Le supporter a-t-il un intérêt financier à participer à une campagne de crowdfunding ?  Peut-il espérer un retour sur investissement sur un futur transfert ?

Le retour sur investissement du supporter est une satisfaction émotionnelle en lien avec la victoire de son équipe. Il aura alors contribué à l’effort collectif. Très clairement, nous ne sommes pas un service de crowdfunding lending ou de crowdfunding reward. Il n’y a pas de système de goodies ou de prise de participation actionnariale. C’est pour cela que nous parlons de dons.

Boris Bergerot - Give In Sport

Pour Boris Bergerot, le retour sur investissement du fan repose sur la satisfaction émotionnelle ressentie lors de la victoire de son équipe

La possibilité d’obtenir un retour sur investissement supposerait que les supporters deviennent propriétaires de certaines actions en lien avec le club ou un joueur. Or, la TPO est aujourd’hui interdite par la FIFA donc ce type d’opération n’est plus permis.

Le supporter a-t-il un aperçu en amont de la manière dont seront utilisés les fonds collectés ?

« Le club reste maître de sa politique de recrutement »

Ce n’est pas possible de bénéficier d’une grille de lecture à l’instant t. Quand vous réalisez un don fin-février pour un déblocage lors du prochain mercato estival, le club lui-même ne sait pas encore quels types de joueurs il aura besoin de faire venir. En revanche, le club doit envoyer un compte-rendu après utilisation des fonds. Les supporters ont donc un aperçu en aval de l’utilisation de la cagnotte récoltée. Si les supporters ne sont pas d’accord avec les choix stratégiques du club, ils ne participeront plus aux prochaines campagnes et le club en pâtira directement.

Il n’y a pas de consultation en amont des clubs auprès des supporters sur notre plateforme. Le club reste maître de sa politique de recrutement et de sa stratégie de développement. Dans le cas contraire, nous nous retrouverions dans une situation d’ingérence avec des supporters qui ne seraient pas tous d’accord sur les choix à adopter.

Avez-vous eu des retours de la part des supporters vis-à-vis de votre initiative ?

Quotidiennement, nous avons des retours positifs de la part des supporters. Evidemment, tout le monde n’adhère pas tout de suite au projet. Nous proposons une solution innovante qui casse les codes du financement des clubs de football professionnel. Ce n’est pas encore une démarche naturelle de réaliser un don auprès de son club de cœur.

Après, le crowdfunding se démocratise de plus en plus. La France est notamment le deuxième marché européen derrière le Royaume-Uni. Nous avons des retours nombreux et positifs de la part du marché italien. Les clubs, les médias et les supporters n’hésitent pas à relayer notre dispositif. Sur le marché français, des supporters ont déjà réalisés des dons via notre plateforme auprès de clubs comme l’OM, le RC Lens, le DFCO, l’AC Ajaccio…

Quelles sont les perspectives de développement de Give In Sport ?

Nous avons de fortes ambitions afin de devenir un acteur incontournable du financement participatif dans le secteur sportif. L’argent est le nerf de la guerre et permet aux clubs d’être plus compétitif. Le fan funding est une solution qui est encore inexplorée mais qui constitue un mode de financement alternatif, complémentaire aux autres sources et offrant de belles perspectives de développement aux clubs professionnels.

A terme, nous souhaitons adapter notre solution à une petite dizaine de sports et dans une cinquantaine de pays. Pour début 2016, nous devrions déjà ouvrir la solution au rugby et au handball. Des clubs phares des deux disciplines sont rapidement revenus vers nous, montrant leur intérêt pour notre solution. La levée de fonds prévue pour le premier semestre 2016 doit nous permettre d’accélérer notre développement.

Si vous souhaitez en savoir plus sur Give In Sport pour aider financièrement votre club de coeur, n’hésitez pas à vous rendre sur leur site internet ou à suivre cette initiative sur les réseaux sociaux Facebook ou Twitter :

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Sources photos : © Give In Sport

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