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Quel modèle de gouvernance pour le futur du football professionnel français ?

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Les clubs professionnels français en quête de repreneurs rencontrent plus de difficultés à trouver l’investisseur idoine depuis l’éclatement de la crise sanitaire et la défaillance de Mediapro. Si le FC Girondins de Bordeaux est parvenu à dénicher son homme providentiel sur le fil suite au retrait de son principal actionnaire King Street, le dossier de la vente de l’AS Saint-Etienne traine en longueur malgré différentes marques d’intérêt exprimées dans la presse. Les difficultés économiques conjuguées aux velléités de départ de certains actionnaires historiques ne constituent-elles pas une fenêtre de tir idéale pour réfléchir à un nouveau modèle de gouvernance des clubs professionnels français ? Lors d’un entretien exclusif accordé à Ecofoot.fr, Me Didier Poulmaire, Avocat d’Affaires et Président de Poulmaire Avocat & Fiduciaire, livre ses analyses à ce sujet.

La gouvernance de l’AS Saint-Etienne est régulièrement pointée du doigt dans les médias pour son système à deux têtes avec Roland Romeyer, Président du Directoire et Bernard Caiazzo, Président du Conseil de Surveillance. N’est-ce pas pourtant un fonctionnement classique pour un club professionnel de football ?

L’adoption d’une structure dualiste, c’est-à-dire avec directoire et conseil de surveillance, n’est pas la forme la plus fréquemment choisie au niveau des sociétés commerciales en règle générale, et encore moins dans les clubs de football professionnel. C’est plutôt la formule du conseil d’administration avec un président à sa tête qui est la plus usuelle.

La structure dualiste peut se justifier lorsqu’on souhaite clairement répartir les rôles entre un dirigeant opérationnel, qui prend la présidence du directoire, et un actionnaire plus contrôleur, qui prend la tête du conseil de surveillance. Le directoire est vraiment l’organe gestionnaire du club et le conseil de surveillance, comme son nom l’indique, l’organe qui contrôle la manière dont le directoire dirige le club et exécute un plan de développement qui a été arrêté par ce même conseil de surveillance.

Les difficultés traversées ces derniers temps par l’ASSE ne proviennent-elles pas plutôt de désaccords sur la vision à adopter pour développer le club (ndlr : des désaccords parfois exprimés publiquement) ?

Il est évident que lorsque des désaccords surviennent entre le directoire et le conseil de surveillance, ceux-ci font entrer la société exploitant le club dans une situation de tension qui peut même déboucher sur une crise. Dans le cas de l’ASSE, on peut quand même remarquer que la cohabitation des deux actionnaires dans leur rôle respectif a plutôt été bien gérée pendant de nombreuses années. Les difficultés sportives combinées avec des difficultés économiques récurrentes sont bien entendu de nature à tendre les rapports entre actionnaires, surtout quand les visions pour s’en sortir divergent. Le caractère public de ces désaccords a nécessairement pu jouer un rôle déstabilisant dans le fonctionnement du club au quotidien.

La communication récente des deux actionnaires sur la volonté de vendre peut être vue comme l’aboutissement de cette période de tension voire de divergence profonde sur l’avenir du club. Sans compter que les deux actionnaires ne sont pas dans la même situation professionnelle et personnelle, et que leurs attentes respectives en relation avec l’avenir du club peuvent donc diverger sensiblement.

La gouvernance peu lisible de l’AS Saint-Etienne peut-elle expliquer les difficultés rencontrées par le club pour dénicher un nouvel actionnaire ?

Je ne suis pas convaincu que les tensions dans la gouvernance puissent expliquer les difficultés éventuellement rencontrées pour vendre le club. L’ASSE est plutôt une très belle marque du football français et dispose de nombreux atouts pour séduire des investisseurs. Lorsqu’un acquéreur procède à l’achat d’un club, la gouvernance est entièrement modifiée et sera constituée des personnes clés mises en place par le nouvel actionnaire propriétaire.  Donc les tensions passées ne sont pas, à mon sens, susceptibles de dissuader un acheteur de faire l’acquisition de Saint-Étienne.

« L’ASSE est une très belle marque du football français et dispose de nombreux atouts pour séduire des investisseurs »

En revanche, les difficultés de vendre le club peuvent trouver leurs explications dans d’autres paramètres importants pour une telle opération : la question de la valeur donnée au club par ses propriétaires, la manière dont le prix de vente a été fixé par les vendeurs et les benchmarks avec des cessions récentes, en distinguant l’avant-COVID et l’après, ou encore des conditions spécifiques posées par les vendeurs telles que le maintien d’un dirigeant dans l’organigramme futur, peuvent être des freins réels dans le processus de vente.

L’entrée de nouveaux types d’investisseurs (fonds souverains, fonds de private equity…) et les besoins sans cesse plus importants des clubs en financement ne vont-ils pas favoriser l’émergence de rivalités actionnariales au sein des clubs professionnels de football ?

Quel modèle de gouvernance pour le futur du football professionnel français ?
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