Interview

« Un stade de football, ce n’est pas une buvette ! »

interview eric adamkiewicz loi evin
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Farouche opposant à l’assouplissement de la loi Evin appliquée au secteur sportif, Eric Adamkiewicz, Maître de Conférences à l’Université Toulouse III et ancien Directeur des Sports de la ville de Grenoble, met en doute les effets économiques positifs d’une telle mesure sur le football français tout en pointant du doigt un problème de cohérence au niveau des politiques publiques touchant au monde sportif. Entretien.

Plusieurs groupes parlementaires à l’Assemblée Nationale planchent actuellement sur un assouplissement de la loi Evin. Des députés LR ont dernièrement soumis une proposition de loi visant à autoriser la vente de boissons alcoolisées de 2ème et 3ème groupe lors des manifestations sportives. D’autres députés LREM réfléchissent à augmenter le nombre d’autorisations annuelles accordées aux associations sportives. Des travaux législatifs qui ont bien été accueillis par les présidents de clubs professionnels, soulignant notamment les bienfaits économiques de telles mesures. Pourquoi vous montrez-vous hostile à un assouplissement de la loi Evin ?

Selon moi, l’argument économique avancé pour assouplir la loi Evin est juste pitoyable ! Et je pèse mes mots. Une telle réforme n’aura qu’une incidence très minime sur l’économie du football français ! Concernant les clubs professionnels, ils obtiennent déjà quasiment tous leur quota de 10 dérogations annuelles pour commercialiser de l’alcool au stade. Et ils ont le droit également de servir des boissons alcoolisées dans leurs espaces d’hospitalités, là où ils réalisent les marges les plus importantes sur la billetterie. Concernant les clubs amateurs, il n’y a aujourd’hui aucun contrôle ! Il n’est alors pas rare d’y trouver de la bière aux buvettes !

A l’heure où on parle de sport-santé, où on songe à rembourser la pratique sportive par la sécurité sociale ; certains élus veulent donc détricoter la loi Evin. Il y a un vrai problème de cohérence !

N’êtes-vous pas trop sévère sur l’argument économique non-recevable de l’assouplissement de la loi Evin ? En Bundesliga, la consommation de bière au stade rapporterait chaque année autour d’une quarantaine de millions d’euros selon une étude menée par l’UCPF. Un montant qui ne prend pas en compte les effets indirects, liés notamment au surplus de public venant au stade grâce à la vente d’alcool sur place…

Déjà, il faut ventiler entre tous les clubs de Bundesliga ce chiffre de 40 M€ que vous avancez. Je rappelle également que la plupart des clubs allemands sont propriétaires de leur enceinte sportive. Cela veut dire qu’ils peuvent servir de la bière quand ils le veulent, y compris en-dehors des jours de match.

Un stade de football, ce n’est pas une buvette ! Vous ne venez pas au stade pour boire des coups. Vous venez en priorité pour assister à une rencontre sportive, non ? Peut-être que certains préféreraient avoir un public ivre en espérant qu’il ne se rende pas compte du spectacle !

Plus sérieusement, ce qui me gêne dans cette démarche, c’est de faire croire que les clubs professionnels et amateurs vont sauver leur modèle économique via la vente d’alcool au stade. Ce n’est pas vrai !

Dans certaines de vos interventions, vous mettez en garde contre le rôle des lobbies dans le détricotage de la loi Evin. Jouent-ils réellement un rôle ?

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