Interview

En cas de blessure, qui paie le salaire d’un joueur de football professionnel ?

Alors que de nombreuses informations circulent au sujet de la rémunération des joueurs blessés, Ecofoot.fr a décidé de faire le point sur cette question avec Me. Gautier Kertudo, avocat au sein du cabinet Barthélémy Avocats, et spécialiste des questions liées au droit du sport et au droit du travail.

Lors de la blessure d’un joueur de football professionnel, quelle est la part de sa rémunération prise en charge par la Sécurité Sociale ?

Un footballeur en arrêt de travail, comme tout salarié, doit percevoir des indemnités de la part de la Sécurité sociale. S’il s’agit d’une maladie, c’est 50% du salaire, limité au plafond sécurité sociale.

Le salarié en arrêt suite à un accident de travail percevra une indemnité plus importante correspondant à :

  • 60% du gain journalier de base pendant les 28 premiers jours avec un plafond de 196,30 €
  • 80% du gain journalier de base à compter du 29e jour, plafonné à 261,73 €

Quel est le taux de cotisation patronale liée aux accidents du travail supporté par les clubs de football professionnel ?

Pour rappel, les taux applicables sont notifiés chaque année par la Caisse d’assurance et de la santé au travail (CARSAT) ou par la Caisse régionale d’assurance maladie. Le taux est lié à la réalité du risque. Il est défini par référence au rapport, sur les trois dernières années connues, augmenté d’une majoration pour frais de gestion et d’une autre pour les accidents de trajet. Ce calcul est effectué au niveau de chaque entreprise ayant un effectif supérieur à 100 et au niveau de la somme des entreprises ayant le même niveau de risque si elle a un effectif inférieur à 10. Entre les deux, le taux effectif est pondéré en fonction du volume des effectifs.

Le secteur du sport, contrairement à d’autres secteurs, ne relève pas d’un seul code risque mais de trois : le 92.6AA/92.6CG pour les établissement gérant un équipement sportif, le 92.6CH pour les sportifs professionnels, y compris entraineurs joueurs, quel que soit le classement de l’établissement qui les emploie : rugby, escalade, moto, handball, basket, hockey, équitation, volley-ball, football, ski, cyclisme et le code 92.6CI pour les autres sportifs professionnels mais également pour les entraineurs non joueurs des sports à risque.

Les joueurs professionnels de football se voient donc appliquer le code risque 92.6CH correspondant à un taux collectif de cotisation fixé pour 2017 par un arrêté en date du 27 décembre 2016 à 6,8%. Il était identique en 2016 et égal à 7,30% depuis plusieurs années.

Dans la Charte du Football Professionnel, il est spécifié (art. 276) que le joueur blessé doit percevoir l’intégralité de son salaire durant les trois premiers mois de sa blessure. Le club supporte-t-il seul la différence entre les indemnités versées par la Sécurité Sociale et le salaire initial du joueur ? Peut-il avoir recours à des assurances ?

La solution légale, inspirée de l’ANI du 10 décembre 1977 sur la mensualisation, prévoit que l’employeur doit compléter les prestations sécurité sociale d’un salarié ayant une ancienneté supérieure à 3 ans dans la limite de 90% (en brut) le premier mois et 60% le deuxième, chacune de ces périodes étant augmentée de 10 jours par période de 5 ans d’ancienneté.

Donc les dispositions de la Charte du football professionnel en matière de maintien de salaire sont plus favorables pour le joueur que celles présentes au sein du Code du travail. L’employeur doit garantir le maintien de salaire en complément des sommes versées par la Sécurité sociale. Il s’agira du maintien du salaire net du footballeur.

Les clubs ont la possibilité de s’assurer pour cette période de trois mois mais il ne s’agira en aucun cas d’un régime de prévoyance, ce qui exclut qu’une cotisation salariale soit prévue.

Par ailleurs d’un point de vue droit civil, le joueur professionnel peut également prendre une assurance de dommages corporels proposés par sa fédération.

Il faut rappeler également que le joueur blessé suite à un geste d’un joueur adverse peut engager la responsabilité de ce dernier et obtenir une réparation indemnitaire.

Il faut se souvenir de l’affaire Blondeau/Deroff. Le joueur olympien avait violement taclé le joueur nantais entrainant pour ce dernier une double fracture tibia péroné. La Caisse Primaire d’Assurance Maladie qui avait versé des indemnités journalières pendant 5 mois au joueur blessé avait alors assigné le club de l’Olympique de Marseille afin d’obtenir le remboursement des sommes versées. Suite à un long épisode judiciaire, le club Marseillais avait remboursé la totalité des sommes versées au club de Loire Atlantique.

Que se passe-t-il dans le cas où un joueur est blessé plus de trois mois ? Perçoit-il tout de même l’intégralité de son salaire au-delà du troisième mois de blessure ?

Certains sports comme le rugby ont mis en place un système de garanties collectives pour la période allant au-delà du maintien de salaire prévu au sein des accords collectifs.

En l’absence d’un tel système dans le football, chaque club a la possibilité de mettre en place des garanties collectives de prévoyance. Ces dernières seront alors mises en place soit par le biais d’un accord collectif de travail, soit par referendum, soit par décision unilatérale de l’employeur. Le salarié déjà en poste a alors la possibilité de refuser ce dispositif. Le régime s’appliquera automatiquement aux nouveaux embauchés.

Gautier Kertudo

Me. Gautier Kertudo décrypte pour Ecofoot.fr les lois/réglementations liées à la prise en charge du salaire des joueurs blessés

Si aucun système de garanties collectives de prévoyance n’est mis en place par le club, le joueur a la possibilité pour cette période de prendre une assurance individuelle.

Il convient de préciser que le système de garanties collectives de prévoyance entraine une neutralité sous plafond des cotisations sociales alors que les sommes versées au titre de l’assurance individuelle ne sont pas déductibles fiscalement.

Un joueur de football professionnel peut-il être licencié par son club s’il est déclaré inapte à la pratique physique par un médecin du travail ? Quelles sont alors les obligations à respecter pour un club de football ?

Un joueur de football est un salarié comme les autres. Il peut donc être déclaré inapte par la Médecine du travail. Il sera alors soumis, comme tout salarié, à la procédure de reclassement au sein du club.

Le club employeur devra rechercher un poste respectant les contre-indications éventuelles indiquées par la médecine du travail. Cette dernière, conformément à la réforme issue de la loi du 8 août 2016 et en vigueur depuis le 1er janvier 2017, pourra dès le premier entretien conclure à l’impossibilité de reclassement. Cette procédure, qui ne s’appliquait autrefois qu’aux CDI, donc pas aux footballeurs professionnels, a été étendue, par une loi récente, aux CDD.

Il faut préciser que l’article de la Charte du football professionnel prévoit que dans tous les cas suite à une blessure, le joueur bénéficiera de son salaire brut mensuel fixe pendant un mois à compter de la constatation par le médecin du travail de son inaptitude définitive à la pratique du football professionnel.

Il est également utile de préciser qu’en cas d’inaptitude du joueur et préalablement à la rupture le club doit saisir la commission juridique de la Ligue de football professionnel. La Cour d’appel de Toulouse dans un arrêt qui concernait le gardien de l’Olympique de Marseille Yohann Pelé, n’a pas manqué de le rappeler.

A noter également que la Cour de cassation a pu considérer que l’employeur n’était pas loyal dans sa recherche de reclassement dès lors qu’il proposait au footballeur inapte un poste avec une rémunération inférieure au Smic.

Source photo à la Une : pxhere – CC0 1.0

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