Interview

Le PSG contestera-t-il la légalité du fair-play financier en cas de lourdes sanctions ?

Alors qu’une enquête a dernièrement été ouverte par l’UEFA à l’encontre du PSG concernant le respect des règles du fair-play financier, il se murmure en coulisses que le club parisien pourrait intenter une action en justice en cas de lourdes sanctions prononcées à son encontre. Afin d’évaluer la probabilité d’une telle hypothèse, nous avons interrogé Me Simon Le Reste, Docteur en Droit, Avocat d’affaires au barreau de Paris et Spécialiste des litiges sportifs.

Pour le moment, aucun club sanctionné par le fair-play financier n’a osé contester la décision prise par l’UEFA devant une juridiction compétente. Comment expliquez-vous une telle frilosité de la part des clubs sanctionnés ?

D’une façon générale, les membres du mouvement sportif sont réticents à contester les décisions de leur fédération devant les tribunaux étatiques. Cela résulte notamment de la volonté des fédérations de ne pas subir l’immixtion du juge étatique : longtemps, les règlements et statuts des fédérations stipulaient une clause de non-recours, interdisant à leur membre de contester les décisions prononcées par les instances fédérales. Si ces clauses ont pour l’essentiel disparu en raison de leur caractère manifestement illégal, la règle du non-recours aux tribunaux étatiques continue à avoir une certaine portée auprès des membres du mouvement sportif.

S’agissant plus particulièrement du fair-play financier, les sanctions font suite à un long processus de contrôle, d’échanges et discussions facilitant ainsi l’acceptation par les clubs de la sanction prononcée à leur encontre. En outre, aucun club de premier rang tel que Monaco, le PSG ou encore l’Inter Milan n’a subi la plus lourde des sanctions, à savoir l’exclusion des compétitions européennes. Cela explique en partie qu’aucun club majeur n’ait contesté devant les juridictions étatiques les sanctions prononcées.

Simon Le Reste

Pour Simon Le Reste, le type de sanctions prises jusqu’à présent par l’UEFA à l’encontre des grands clubs explique en partie pourquoi le dispositif n’a pas été contesté

En cas de lourdes sanctions prononcées à l’encontre du PSG, le club parisien pourra-t-il saisir la Cour Européenne de Justice pour contester la décision prise par l’UEFA ? En d’autres termes, le PSG peut-il faire exploser le fair-play financier ?

En cas de lourdes sanctions prononcées par la chambre du jugement, le PSG dispose de plusieurs options : il peut notamment contester la décision devant le Tribunal arbitral du sport (TAS), déposer une plainte devant la Commission européenne et/ou encore tenter d’initier une action indemnitaire en France en sollicitant un renvoi préjudiciel devant la CJUE sur la question de la légalité du fair-play financier avec le droit de l’Union Européenne.

En interrogeant la légalité du fair-play financier au regard du droit de l’Union Européenne, le PSG fragilisera nécessairement le dispositif mis en place par l’UEFA mais s’opposera frontalement à l’UEFA, dont il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de dissuasion. Souvenons-nous de l’affaire « OM-VA », dans laquelle l’UEFA avait exclu l’OM de toute compétition européenne : l’OM avait contesté la décision de l’UEFA devant le juge civil suisse, mais s’était finalement désisté, sous la pression fédérale et gouvernementale. Selon certains, l’UEFA et la FIFA seraient même allées jusqu’à menacer la France de lui retirer l’organisation de la Coupe du monde de football 1998.

Certains avocats, fiscalistes et dirigeants de clubs professionnels préconisent de faire évoluer le fair-play financier, en le limitant à un simple contrôle de gestion. Selon vous, l’UEFA acceptera-t-elle de réduire le périmètre d’application du FPF ?

Afin d’endiguer le phénomène d’endettement croissant des grands clubs européens, le dispositif du fair-play financier s’est inspiré du contrôle de gestion des clubs français mis en place dès 1974 avec la création de la Commission nationale de contrôle de gestion, devenue la Direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) en 1990. En pratique, il s’agit de s’assurer que les investissements des clubs n’excèdent pas leur capacité financière.

Le fair-play financier est plus contraignant que le contrôle de gestion mené par la DNCG avec notamment le principe selon lequel un club ne doit pas dépenser plus que ses revenus. Néanmoins, l’UEFA a déjà su faire évoluer les règles du fair-play financier depuis sa création en y ajoutant plus de souplesse. L’UEFA continuera très certainement à adapter son dispositif pour le rendre plus efficace et également lui assurer une plus grande sécurité juridique.

Source photo à la Une : Capture vidéo Youtube / Simon Le Reste

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