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« La valeur de l’OM est autour de 50 M€ »

Ecofoot.fr a eu la chance cette semaine de s’entretenir avec Pascal Perri, consultant économique RMC Sport, au sujet de la mise en vente de l’Olympique de Marseille. Lors de cet entretien, nous sommes revenus sur les méthodes fréquemment employées pour valoriser un club de football tout en évoquant la situation précise de l’OM. Décryptage…

Comment effectue-t-on traditionnellement la valorisation d’un club de football professionnel ? Quelle est la méthode la plus couramment utilisée ?

Il y a plusieurs façons d’apprécier la valeur d’un club de football. On peut estimer sa valeur à travers ses actifs corporels : un stade quand le club en est propriétaire, un centre d’entrainement, tous les actifs solides qui comptent dans un bilan. On peut aussi évaluer sa valeur à travers son cash flow (ses flux de liquidité). Certains clubs sont cotés en bourse. C’est un bon outil de valorisation mais un club de sport c’est en général beaucoup plus que des actifs au bilan ou une valeur en bourse. Un club de foot c’est d’abord une valeur immatérielle que le bilan ne prend pas en compte. On parle alors de valorisation en termes de goodwill. On apprécie l’histoire, le patrimoine immatériel, les valeurs de marque, la réputation, la fidélité du public. Dans le cas connu de Liverpool, les investisseurs qui ont acheté la marque ont accepté de payer plus cher que le strict prix comptable. Avec Marseille, c’est à peu près le même principe. Marseille, c’est un nom, une marque dans le Panthéon du foot. Si on devait seulement s’en tenir à l’exploitation déficitaire, l’OM vaudrait peu. Mais c’est une vieille dame du football qui a de la valeur parce qu’elle fait encore rêver.

Quelle est alors la valorisation de l’Olympique de Marseille ?

« Marseille, c’est un nom, une marque dans le Panthéon du foot »

La question est complexe. On peut appliquer la règle des actifs, c’est le premier point. Combien vaut la Commanderie (foncier & bâti) ? Je ne suis pas expert immobilier mais c’est un actif valorisable. Quelle est la situation de l’entreprise en termes d’exploitation ? Elle est structurellement déficitaire. Il n’y a aucun argument qui plaide en faveur du vendeur sur ce terrain.

Ce que vaut l’OM, c’est à ce stade le prix qu’un acheteur est prêt à payer. Plus il y aura de candidats à la reprise, plus le prix augmentera.  Quoi qu’il en soit, la valeur de l’OM (marque et actifs solides) est autour de 50 millions d’euros. A titre de comparaison, les Qataris ont acheté Paris moins cher si on prend en compte le prix d’achat moins le règlement du passif.

Est-ce judicieux de la part de Margarita Louis-Dreyfus de céder son club à un moment où il rencontre d’importantes difficultés sportives ?

Pour Madame Dreyfus, le football n’est pas une activité stratégique. Son groupe est positionné sur d’autres marchés qui appellent une capacité de financement et d’investissement élevée. Les ressources investies dans le foot sont perdues pour le reste de l’activité, pour le core business du groupe. L’OM est à ce stade une source de pertes. Autant interrompre l’hémorragie avant qu’elle ne devienne dramatique.

L’Olympique de Marseille reste-t-il un club attractif aux yeux des investisseurs ?

« Acheter l’OM c’est comme acheter une grande marque »

Oui, incontestablement. Acheter l’OM c’est comme acheter une grande marque. L’entreprise est historique, elle cultive ses valeurs de marque même si elles sont peu apparentes en ce moment, elle s’adosse à un environnement humain captif. L’OM c’est une religion à Marseille (et au delà), c’est une église qui a ses fidèles. Un investisseur averti y trouvera un terrain fertile pour développer un vrai projet populaire. Mais c’est aussi un cadeau empoisonné quand ça ne marche pas.  Pour réussir, il faut accepter la part de risque et il faut investir. Le public marseillais sera fidèle si le projet sportif est conquérant.  Pour dire les choses plus simplement, on ne vient pas à Marseille les poches vides…

Le niveau de fiscalité pratiqué en France ne dissuadera-t-il pas tout potentiel repreneur à investir massivement dans un club de L1 ?

La fiscalité est très défavorable pour le foot français comme le niveau très élevé des cotisations sociales mais ça n’a pas empêché les Qataris d’investir à Paris. Je prendrais le problème autrement en disant que le championnat de Ligue 1 est le dernier grand championnat européen où le droit d’entrée est modeste. Le championnat d’Allemagne comporte des barrières réglementaires à l’entrée (les associations sont majoritaires), la Premier League est hors de prix. En Espagne les meilleurs clubs ne sont pas à vendre et sont organisés autour d’un système de Socios. En Italie les grands industriels ont investis et les comptes des clubs sont souvent opaques. Il reste la France. Et en France, quelques noms ont une valeur élevée dont Marseille.

La municipalité de Marseille peut-elle réellement intervenir dans le processus de vente de l’OM ?

L’intérêt bien senti de la municipalité est que l’OM se porte bien. A Marseille le foot c’est plus que du sport. C’est un quasi service public. Le contribuable marseillais supporte déjà le coût exorbitant du Partenariat Public Privé pour le Vélodrome. Le maire accueillera tout investisseur respectable porteur d’un bon projet.

A l’heure où le PSG et à un degré moindre l’ASM et l’OL ont pris une longueur d’avance sur le plan sportif et financier, quel niveau d’investissement tout nouveau repreneur devra-t-il réaliser pour ramener le club phocéen sur le podium de la Ligue 1 ?

« La reconquête coûtera cher »

Premier point, l’équipe est à reconstruire. Beaucoup de joueurs vont partir. Si l’on prend en considération le prix des meilleurs joueurs européens ou des joueurs du Top 20,  il faut un investissement de plus de 100 millions d’euros pour rebâtir une équipe ambitieuse correspondant au statut de l’OM. Marseille est taillée pour le haut de la ligue 1 et pour l’Europe. Aujourd’hui on ne fait pas une grande équipe sans moyen. La compétition est dure. Il y a Paris, Lyon et éventuellement Monaco. Je vois mal un investisseur arriver pour viser le milieu de tableau. La reconquête coûtera cher.

Si vous souhaitez poursuivre la discussion, n’hésitez pas à suivre le compte Twitter de Pascal Perri

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Source photo à la Une : © Wikipedia.org (Hombrey)

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