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« La force des clubs étrangers réside dans leur capacité à avoir intégré très tôt l’importance de la marque »

interview pierre cormier revenus matchday L1
Bobkov Evgeniy / Shutterstock.com

Alors que la plupart des gros clubs européens flirtent ou parviennent désormais à dépasser la barre des 100 M€ de revenus matchday générés par exercice, peu de clubs français remplissent régulièrement leur enceinte sportive malgré la rénovation du parc de stades réalisée à l’occasion de l’EURO 2016. Pour mieux comprendre les domaines dans lesquels la L1 accuse du retard sur ses concurrents européens, Ecofoot.fr a interrogé Pierre Cormier, Ex-directeur commercial du Stade Malherbe de Caen et nouveau Directeur Général du groupe Alticap, expert dans l’optimisation des systèmes d’information des sociétés.

Lors des dernières saisons de Ligue 1, le Stade Malherbe de Caen a affiché des taux de remplissage très élevés. Quelles actions aviez-vous mis en place pour remplir régulièrement le stade Michel D’Ornano ? Comment parvient-on à décorréler l’affluence des résultats sportifs ou du prestige de l’adversaire ?

Depuis 4 saisons en Ligue 1, le club affiche effectivement des taux de remplissage élevés et ce, dans un contexte sportif qui n’a pas toujours été favorable.

Le SM Caen est un cas intéressant dans la mesure où celui-ci présente une évolution des recettes de billetterie et d’hospitalités globalement favorable sur 3 saisons malgré un contexte sportif difficile. Plus précisément, les efforts de décorrélation ont permis de limiter l’impact négatif sur le chiffre d’affaires d’une chute brutale (-10 places) des résultats d’une saison sur l’autre et d’augmenter le business en cas de maintien dans le bas du classement.

Début 2015, 4 chantiers prioritaires ont été lancés pour établir la stratégie commerciale :

  • Une re-catégorisation des secteurs et repositionnement des abonnés dans le stade : replacement des abonnés sur de meilleures places, homogénéisation des tarifs par secteur du stade, réduction de la capacité du stade, sectorisation par type de cibles tarifaires, meilleure segmentation des offres billetterie, éligibilité des jauges destinées au yield management …
  • Une crédibilisation apportée à l’abonnement : augmentation significative des avantages des abonnés à travers des réductions tarifaires ou des conditions de priorité d’achats selon les affiches et des animations money can’t buy (surprises et animations avec les joueurs). Les travaux de réhabilitation du stade (siège, rebranding…) ont accompagné cette démarche globale.
  • Le remplissage comme « priorité du club »: réorganisation interne de la direction commerciale pour réfléchir, anticiper et concevoir des stratégies de remplissage du stade à l’aide d’un « master plan » à 6 mois. Au niveau commercial, nous avons mis en place des mesures incitatives pour inciter les clients « partenaires, CE, asso … » à l’achat de places groupées. Au niveau marketing, nous avons mis en place des thématiques « soir de match » autour d’enjeux sociétaux (emploi, armée, l’école, les clubs…) pour compléter l’attractivité de l’affiche sportive et attirer le grand public. A contrario, le taux de gratuité est passé sous la barre des 10% (contre 16% en moyenne pour un club en Ligue 1).
  • Création d’un CRM et panier unique : comme de très nombreux clubs, un héritage lourd d’une multitude de base de données provenant de centres de profits divers et variés (CRM billetterie, CRM boutique, site institutionnel…). 2 saisons complètes ont permis de travailler à la récupération et à la fusion des données, à la création des outils informatiques pour élargir nos réseaux de distribution et faciliter l’intégration des données transactionnelles dans une seule même base grâce au lancement du « panier unique » aussi bien disponible sur le web, dans les points de vente du stade et chez les revendeurs (CE ou points de vente déportés).

On observe depuis quelques années en L1 une attention plus importante portée par les clubs à l’exploitation de leur enceinte sportive (renégociation des accords avec les municipalités / concessionnaires pour obtenir une exploitation élargie, ré-internalisation de la restauration B2B et B2C, amélioration de la connectivité dans les stades…). La Ligue 1 a-t-elle rattrapé une partie de son retard dans l’exploitation de ses enceintes sportives par rapport aux concurrents européens ? 

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