Etudiant la possibilité de construire un nouveau stade, Manchester United pourrait devenir à terme un des deux seuls clubs européens à exploiter une enceinte dotée d’une capacité de plus de 100 000 places. De quoi relancer une vague de gigantisme des stades au sein du football européen ? Décryptage.
La folie des grandeurs s’est-elle emparée de Sir Jim Ratcliffe ? Evoquant la perspective de construire un nouveau stade pour Manchester United depuis son entrée au capital, le nouvel homme fort des Red Devils avance soigneusement ses pions dans sa volonté de moderniser les infrastructures du club. Plutôt que de s’engager dans un laborieux projet de modernisation d’Old Trafford, ce dernier opte désormais pour la construction d’un nouveau stade de plus de… 100 000 places à quelques encablures de la mythique enceinte des Mancuniens, sur des terrains appartenant déjà au club. Une option qui est également privilégiée par l’Old Trafford Regeneration Task Force, groupe de travail mis sur pied par le club impliquant plusieurs parties prenantes et présidé par Lord Sebastian Coe.
La construction d’un nouveau stade de 100 000 places from scratch est-il réellement un projet viable ? La question est loin d’être anecdotique à l’heure où les affluences à 6 chiffres ont quasiment disparu du Vieux Continent. Dans le football professionnel anglais, il faut remonter à 1985 pour retrouver trace d’un match disputé devant plus de 100 000 spectateurs : il s’agissait alors d’une finale de FA Cup disputée à Wembley, sous son ancienne configuration, et opposant Everton FC à… Manchester United. Ailleurs, en Europe, plusieurs clubs se sont lancés dernièrement dans la construction ou la modernisation de leur enceinte sans forcément prioriser l’augmentation des capacités. C’est le cas du Real Madrid qui a investi près de 1,5 Md€ dans la modernisation de Santiago-Bernabeu tout en maintenant sa capacité à un peu plus de 80 000 places. Seul le Camp Nou modernisé du FC Barcelone devrait excéder la barre des 100 000 places à son ouverture en 2025.
Car les défis sont très grands pour construire (et rentabiliser) un édifice doté de plus de 100 000 places ! « Plus vous construisez grand, plus c’est cher ! Votre dernière rangée contient les sièges que vous commercialiserez les moins chers, car ils sont en hauteur, et pourtant ce sont les plus chers à construire ! La loi des rendements décroissants s’applique très bien aux stades : vous supportez des coûts importants pour construire des sièges additionnels en échange de recettes relativement faibles » décrypte Alex Thomas, Regional Design Director chez HKS, cabinet d’architecture ayant construit le SoFi Stadium de Los Angeles, dans les colonnes de The Athletic. « Dès que vous commencez à construire dans les airs et à placer des sièges en hauteur, on rentre dans une nouvelle échelle de coûts » confirme pour sa part Nick Marshall, Directeur du cabinet d’architecture londonien KSS.
« C’est très important de construire un stade répondant au potentiel du territoire et de son exploitant. Cela permet de minimiser les charges de construction mais aussi d’exploitation. Car il faut bien se rendre compte que ces places additionnelles ont un coût (élevé) de construction mais aussi et surtout d’exploitation (entretien, maintenance, sécurité…) » résume pour sa part Jérémy Moulard, Docteur en Management du Sport et Expert en économie des stades.