Interview

« Les GAFA n’ont pas besoin de contenus sportifs exclusifs pour alimenter leur stratégie de croissance »

Le marché des droits TV footballistiques européens est-il en surchauffe ? Alors que plusieurs spécialistes prédisent l’éclatement d’une bulle à moyen terme ; d’autres experts évoquent l’entrée imminente de nouveaux acteurs pour maintenir la croissance du marché. Consultant International en droits TV sportifs et auteur de l’ouvrage Le business des droits TV du foot : enquête sur une bulle explosive, Pierre Maes nous livre ses analyses le poussant à prédire une correction du marché des droits TV footballistiques européens à moyen terme.

Dans votre ouvrage, Le business des droits TV du foot : enquête sur une bulle explosive, vous mettez en avant le changement de rôle des agences pour expliquer la dernière vague de hausse importante du marché des droits TV footballistiques. L’entrée de partenaires chinois au capital des différentes agences aurait notamment contribué à un tel phénomène. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les agences ont-elles pris autant de risques ? Est-ce leur dernier baroud d’honneur avant une désintermédiation du secteur ?

Le rôle des agences a été fondamental au moment de l’émergence du football à la télévision. Elles ont joué le rôle d’intermédiaire entre deux mondes – celui des médias et des ayants droit sportifs – qui ne se connaissaient pas et qui se méfiaient l’un de l’autre.

Au début des années 2000, de nombreux experts ont pensé que le modèle des agences était terminé dans l’industrie sportive. Bon nombre de ligues et de fédérations ont alors mis sur pied en interne des services commerciaux capables de négocier directement avec les diffuseurs. Elles étaient alors en capacité de commercialiser leurs droits avec la même efficacité qu’une agence, sans avoir à débourser d’importantes commissions.

Pour sauver leur modèle, les agences ont alors décidé de prendre plus de risques dans les accords signés. C’était tout simplement une question de survie ! Les agences ont intégré d’importants minimums garantis aux contrats de consultance signés avec les ligues. Elles ont supporté de gros risques financiers en garantissant le montant des droits TV de certaines compétitions. Des deals que les ligues ne pouvaient pas refuser !

Aujourd’hui, il est trop tôt pour affirmer catégoriquement que le temps des agences est révolu. D’autant qu’elles jouent toujours un rôle important au sein du football européen, grâce notamment à l’entrée de groupes chinois au sein de leur capital. Mais si les nouveaux acquéreurs venaient à ne pas jouer leur rôle d’investisseur – à l’image des difficultés rencontrées par MP & Silva – alors la désintermédiation du marché des droits TV footballistiques pourrait s’accélérer en Europe.

L’avenir des agences ne passe-t-il pas par la commercialisation des droits TV internationaux des principaux championnats européens ?

C’est en effet une possibilité. Hormis pour la Premier League et LaLiga, les droits TV internationaux des principaux championnats européens sont très largement inférieurs au montant des recettes TV domestiques. Il y a un potentiel de croissance à exploiter et les agences pourraient jouer un rôle à ce niveau.

La Ligue de Football Professionnel a fait la part belle aux agences lors de son dernier appel d’offres des droits TV domestiques de Ligue 1 en autorisant des accords de sous-licence. Une mécanique qui a fonctionné puisque les droits TV de la compétition ont enregistré une hausse impressionnante, franchissant la barre des 1,1 Md€ par saison pour la période 2020-24. L’agence Mediapro, grand vainqueur de l’appel d’offres, va-t-elle réellement lancer une chaine sur le marché français pour exploiter de tels droits ? Ou va-t-elle essayer de revendre une partie – ou la totalité – des droits aux acteurs traditionnels avant le début du cycle ?

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