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Quel championnat européen offre le « meilleur spectacle » ?

Précédemment, nous avons analysé les spécificités réglementaires du football Européen, en les comparant avec les ligues fermées Nord-Américaines, et les distinctions économiques de chaque championnat, à partir de la redistribution des droits télés.

Tout cela nous a montré que ces différences débouchaient sur des équilibres compétitifs hétérogènes : en Liga, la très forte inégalité économique conduit à une suprématie de quelques clubs alors qu’en Ligue 1, le système hybride égalité-équité permet un certain équilibre de la puissance sportive.

Jusqu’ici, l’étude n’a été faite que sur le long terme, sur le palmarès final, sur l’analyse de plusieurs saisons, sur la chance de remporter ou non le titre. Or, si l’on veut mesurer la compétitivité d’un championnat, il convient à la fois de vérifier son équilibre, si chaque club a la même chance ou non de remporter un match, et son intensité, les fluctuations et les incertitudes du score pendant les rencontres.

Ce concept d’intensité compétitive a été construit, en France, par les économistes Nicolas Scelles et Christophe Durand. Pour eux, cette variable est essentielle dans la détermination de la demande du public : plus elle est importante, plus les individus sont demandeurs de spectacle sportif.

Une ligue aurait donc intérêt à développer à la fois l’équilibre compétitif et l’intensité compétitive. Cette dernière se mesure à partir des fluctuations au score pendant un match – la moyenne de buts – et des probabilités de résultat : tout le monde doit avoir une chance de remporter une rencontre et n’importe qui peut battre n’importe qui à tout moment du jeu.

En étudiant 3 des 5 grands championnats Européens (Angleterre, Espagne et France) de la saison 2010-2011 à la saison 2014-2015, nous pouvons établir une classification de l’intensité compétitive.

La Liga apparait comme étant la plus spectaculaire, avec 2.76 buts par match de moyenne en 5 ans, contre 2.47 en ligue 1. Seulement, les statistiques, lorsqu’on ne les maîtrise pas, peuvent nous faire dire n’importe quoi. La seule moyenne ne nous indique absolument rien, il faut la mettre en relation avec l’écart-type.

Cet outil mathématique mesure l’écart moyen à la moyenne d’une série. Autrement dit, plus un écart-type est élevé, plus les données sont disparates entre-elles, comme dans une classe hétérogène, avec de bons élèves et de très mauvais élèves (la moyenne est de 12 mais la moitié a 6 et l’autre a 18). Inversement, un écart-type faible désigne une distribution quasiment égalitaire où, cette fois-ci, la classe présente des élèves d’un même niveau (la moyenne est de 12 parce que tout le monde a eu 12).

Il faut toujours associer la moyenne à son écart-type. Par exemple, la Liga, qui présente une moyenne de buts par match de 2.76, a un écart-type de 22.14, ce qui est très élevé. Il semble que le niveau de productivité offensive moyen soit tiré vers le haut par quelques équipes. Si l’on retire le Real et le Barca, chacun à plus de 100 buts par an en moyenne, on tombe à 2.15 buts par match avec un écart-type de 13.8.

L’intensité compétitive de l’Espagne est très faible. Il y des écarts offensifs très importants entre les participants et des inégalités de niveau.

fc barcelone real madrid moyenne de buts

En Liga BBVA, le FC Barcelone et le Real Madrid tirent très largement la moyenne de buts marqués vers le haut

En France, la moyenne offensive est de 2.47 mais elle présente un écart-type de 12.29, soit une certaine homogénéité. Certes, il y a globalement moins de buts en ligue 1 mais chaque club a quasiment la même force de frappe. Le différentiel moyen entre le dernier et le premier est de 2.59 dans l’hexagone contre 5 de l’autre côté des Pyrénées.

Enfin, l’Angleterre présente des résultats très intéressants. Sa productivité offensive est très proche de celle de l’Espagne puisque la moyenne est de 2.75 buts par match sauf que, contrairement à cette dernière, la Premier League a un écart-type relativement faible : 15.39.

En d’autres termes, outre-Manche il y a quasiment autant de buts qu’en Espagne (1043 buts par an en moyenne en Angleterre contre 1047 en Espagne) mais la distribution de ceux-ci est beaucoup plus égalitaire. Lors de la saison 2014-2015, le différentiel entre le premier et le dernier n’était que de 1.73 !

L’intensité compétitive de la Premier League est donc extrêmement importante. Il y a beaucoup de buts mais ils ne sont pas seulement inscrits par les équipes du haut de tableau, tout le monde participe au secteur offensif, la fluctuation et les rebondissements sont légions dans ce championnat.

Comment maintenant expliquer ces résultats ? Est-ce seulement une raison culturelle, historique ? Ou devrions-nous regarder du côté de la structure spécifique des championnats et notamment de la redistribution des droits télés ?

Ce sont des questions que nous nous poserons prochainement.

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