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Comment relancer le suspense en Ligue 1 ?

Dans les articles précédents, nous avons étudié et analysé les différences structurelles entre les championnats Européens et Nord-Américains et les différences de redistribution des droits télé. Tout cela nous a conduit à distinguer les intensités et les équilibres compétitifs et à montrer que plus un pays garantissait un certain niveau d’égalité et de puissance économique, plus les clubs en profitaient.

L’idée est de considérer que si un championnat dispose de fonds importants, notamment au niveau des droits de diffusion, qu’il  redistribue de manière égale et équitable, les clubs peuvent performer, acheter les meilleurs joueurs et maintenir un niveau élevé.

En économie, cela dérive des travaux du Français Léon Walras, professeur à l’Université de Lausanne. Bien qu’adhérant aux thèses des écoles Classiques et Néo-Classiques, il soutenait que la liberté d’action ne pouvait se faire sans égalisation des situations d’existence.

L’égalité doit s’opérer avec la liberté : n’importe qui peut faire n’importe quoi à partir du moment où personne ne subit des inégalités liées à sa propre existence, des inégalités de situation. Un club de foot doit pouvoir réussir s’il se donne suffisamment les moyens et optimise ses choix et non parce qu’il n’a fait que récupérer des dotations bien plus importantes que ses concurrents.

Les ligues fermées Nord-Américaines prônent ce postulat : en garantissant une stricte égalité dès la levée du championnat, seul le mérite sportif est récompensé. Pourtant, son système de play-off lui garantit une certaine forme d’aléa qui ne pourrait exister en Europe.

Par exemple, le magazine France Football a publié, samedi 08 août, un article affirmant « La Ligue 1, le championnat où il y a le moins de suspense en Europe ». Le journaliste part du principe que,  puisque le PSG domine largement, tant sur le plan sportif qu’économique, et que la LFP a réduit le nombre de relégations, l’incertitude n’existe plus en France : nous connaissons d’avance le champion et les deux équipes reléguées apparaitront très tôt (ndlr : la FFF a pour le moment rétabli le nombre de montées initiales entre la L2 et la L1)

psg titre 2015-16

Selon les médias français, il ne fait aucun doute que le PSG sera à nouveau champion de France lors de la saison 2015-16

Bien que le pays ait cherché à améliorer l’équité en soutenant une redistribution des droits TV égale à 50% entre tous les clubs. Comment faire alors pour appliquer en Europe un modèle qui améliorerait l’équilibre compétitif, l’intensité compétitive et l’incertitude ?

D’après les économistes Nicolas Scelles et Christophe Durant, ces éléments sont les plus importants dans la détermination de la valeur économique d’une ligue. Idée soutenue par Christophe Lepetit, économiste au CDES, qui associe la valeur sportive à la valeur économique d’un championnat.

C’est un cercle vertueux : plus le challenge est compétitif, plus il attire le public, ce qui augmente la valeur économique et soutient la compétitivité. La Premier League l’a compris rapidement.

Lors de la saison 1981-1982, le championnat Anglais décida de passer de 2 à 3 points en cas de victoire. D’après des études citées dans le livre d’Ignacio Palacios-Huerta, « L’économie expliquée par le foot » (sorti le 28 août 2015 chez De Boeck), le but était d’intensifier le secteur offensif en motivant les équipes à gagner des matchs (+3 points) plutôt que de faire match  nul (+1).

Initialement, l’écart entre ces deux résultats n’était que de 1 et la différence était trop faible pour qu’un changement de physionomie soit absolument recherché. En passant de 2 à 3 points en cas de victoire tout en maintenant le match nul à 1 et la défaite à 0, le nombre de buts a sensiblement augmenté en Premier League.

Après une normalisation de la règle dans le monde du foot dès 1994, avec la coupe du Monde aux Etats-Unis, on a pu constater, par championnat en moyenne, une hausse de 8.5% des buts et une baisse de 16.2% des matchs nuls.

Mais ce n’est pas tout, la Premier League réfléchit actuellement à une nouvelle règle incitative : 4 points au lieu de 3 en cas de victoire à l’extérieur. Palacios-Huerta cite dans son livre ces travaux, dont la réflexion a débuté en 2004, qui sont toujours en cours et qui répondraient à un intérêt d’améliorer le suspense et la qualité du jeu développée chez l’adversaire.

Autre élément qui pourrait bouleverser l’ordre concurrentiel dans le foot : le bonus offensif. Déjà appliqué dans le rugby, il inciterait les équipes à marquer le plus de buts possibles afin de récolter un point supplémentaire. En cas de victoire par plus de 3 buts d’écart, l’équipe victorieuse bénéficierait d’un bonus offensif, très appréciable sur le classement à la fin de la saison.

Instaurer des play-offs de relégation et d’accession serait aussi une excellente solution pour booster le suspense de la ligue, afin de maintenir l’incertitude jusqu’à la fin de la saison. Ou encore des dotations bonifiées par la ligue en cas de bons résultats en coupe d’Europe voire dans le secteur offensif.

Il existe énormément d’outils pour améliorer l’équilibre et l’intensité compétitive. La Premier League profite de son modèle de gouvernance, entièrement privatisé, et n’a pas de compte à rendre à la fédération ou au ministère en cas de modification du règlement.

La France devrait peut-être réfléchir dans ce sens si elle ne veut pas altérer durablement son niveau et reculer de plus en plus dans la hiérarchie du foot Européen.

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