Stratégie

Existe-t-il un timing idéal pour procéder à des changements ?

Samedi 8 août, lors de la 1ère journée de ligue 1, l’entraineur de Monaco, Léonardo Jardim, interpella bon nombre d’observateurs en sortant, dès la 23ème minute, le Croate Mario Pasalic afin de réorganiser son milieu. Il réitéra la chose à la 44ème en remplaçant Nabil Dirar par l’attaquant Italien El Shaarawy.

Les deux joueurs sortis affichèrent un léger dégout tant le timing paraissait étrange : sortir un joueur avant la mi –temps, s’il n’est pas blessé, passe pour un aveu d’échec.

Lundi soir, lors de l’émission « Les Spécialistes » sur Canal+ Sport, le présentateur Hervé Mathoux lança le débat et posa la question, « existe-t-il un meilleur moment pour remplacer ses joueurs ? ». Tous ses chroniqueurs répondirent « qu’on ne remplace pas un joueur avant la mi-temps » et ce même si les choix de Jardim se sont avérés payants.

Qu’en dit la science à ce sujet ? C’est une thématique abordée par l’économie des organisations et en théorie des ressources humaines : déterminer le meilleur moment du changement, l’instant où les forces en présence entament la décroissance de leur productivité et que les remplaçants, considérés comme moins bon, apparaissent meilleurs.

Les chercheurs Julio del Corral, Juan Prieto-Rodriguez et Rob Simmons, de l’Université d’Oviedo, en Espagne, et de l’Université de Lancaster, en Angleterre, ont observé des milliers de matchs dans les différents championnats Européens, sur un très large espace temporel. Ils ont constaté que la très grosse majorité des remplacements sont des « poste pour poste »,  le coaching (remplacer un joueur par un autre d’un profil différent) ne représente que 20% de tous les changements.

Ensuite Bret Myers, ancien joueur aux Richmond Kickers, club de deuxième division aux Etats-Unis, et professeur de management à l’Université de Villanova, a analysé des matchs de Premier League, de Série A, de Liga, de MLS et de Coupe du Monde sur la dernière décennie. Il a constaté que moins de 10% des remplacements avaient lieu lors des 45 premières minutes.

Le premier changement s’effectue, en majorité, à la mi-temps et entre la 56ème et la 65ème minute. Puis, le deuxième s’opère entre la 66ème et la 80ème et enfin le troisième dans les 10 dernières minutes.

Est-ce la meilleure façon de faire ? Il y a-t-il un meilleur moment pour  remplacer un joueur tout en maximisant l’efficacité du nouvel entrant ?

Afin de répondre à cette question, Myers a construit une régression linéaire multiple regroupant l’ensemble des paramètres du jeu : le score, le nombre de buts, la date du match, etc.

D’après ses résultats, un entraîneur devrait effectuer son premier changement avant la 58ème minute pour un maximum d’effet. Le deuxième devra intervenir avant la 73ème et le dernier avant 79ème. La règle est appelée le « 58<73<79 ».

En Premier League, lorsqu’elle est respectée, un effet positif est constaté dans 40% des cas. Autrement dit, lorsqu’un coach procède à des remplacements à ces moments précis, il retourne la situation dans 4 cas sur 10. Alors que s’il remplace sans suivre le « 58<73<79 », l’effet est positif dans seulement 20% des situations.

changement de joueur premier league

Quand un coach suit la règle du timing idéal étudié par Bret Myers, les effets sont positifs dans 40% des cas en Premier League

En Série A, ces variations sont beaucoup plus importantes puisque la physionomie du match changera positivement dans 52% des cas si la règle est respectée et la statistique tombe à 18% lorsqu’elle n’est pas appliquée.

Myers cite notamment le cas de l’Israélien Avram Grant qui, en 2009-2010, à la tête de Portsmouth, n’a appliqué le « 58<73<79 » que dans 4 matchs sur 21 pour 50% d’efficacité. Dans les 17 autres matchs, l’effet n’a été positif que dans 18% des cas. Le reste du temps, le résultat a été pire qu’avant le changement …

Finalement, les remplaçants tirent vers le haut l’impact physique d’une équipe et améliorent l’efficacité collective. Si un entraîneur attend trop longtemps avant de changer, attend de constater des signes clairs et précis de fatigue, il court le risque de ne pas profiter d’un élan global. Au contraire, s’il veut optimiser les performances de l’équipe, l’entraîneur doit aller vite et respecter la règle du 58<73<79.

Si vous souhaitez prolonger la discussion, n’hésitez pas à suivre le compte Twitter de Pierre Rondeau : 

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