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Les organisations sportives au défi de la Génération Z

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Alors que de nombreuses études montrent que la jeune génération se désintéresse des sports traditionnels et notamment du football, il devient vital pour les clubs de maintenir le lien avec la génération Z au risque de perdre leur public actuel et futur. Tribune d’Alexis Pacôme, Responsable Relations Partenaires & Hospitalités au Servette FC 1890.

Il existe un certain nombre de différences clefs entre les générations précédentes et ce jeune public né après 1996 qui découlent de l’environnement dans lequel ils ont grandi. Ces derniers ont des attentes plus élevées en matière de divertissement que leurs aînés et ont adopté de nouvelles façons de découvrir et de consommer du contenu.

Ayant grandi avec des smartphones dans leurs poches, ils se détournent facilement de la télévision, souscrivent à des habitudes numériques et font de leur fidélisation un véritable challenge pour les institutions sportives. Bien que la fidélisation des jeunes générations ne soit pas un enjeu de survie à court terme ; le non-accomplissement de cet objectif risque de compromettre l’avenir de chaque équipe, ligue et discipline à moyen terme.

La bataille centrale de l’attention

Quand, sondées, ces jeunes générations déclarent aimer le sport ; bien d’autres passe-temps conviviaux numériques accaparent leur attention. Le sport se classe systématiquement derrière le divertissement (musique, films et télévision) et la culture pop (actualités et tendances des célébrités).

Alors que les Millenials, la génération X ou les baby-boomers sont des consommateurs avides de sport qui suivent les matches au stade ou devant leur télé ; la génération Z vient remettre en cause le modèle traditionnel de consommation ainsi que la dynamique de hausse des droits TV de ces vingt dernières années. Ces jeunes spectateurs se contentent plus facilement des highlights, résumés Youtube et des buts de leurs joueurs préférés.

Cette relative désaffection « est un problème » dont prennent conscience de plus en plus de professionnels de l’industrie sportive. Le joueur du FC Barcelone Gerard Piqué, propriétaire de l’ATP Cup – nouvelle compétition ayant remplacé la défunte Coupe Davis – estime à raison que « cette nouvelle génération a du mal à rester concentrée durant les 90 minutes d’un match » or ce public est « la clef pour le futur de notre sport ».

D’où l’importance cruciale pour les institutions sportives et les clubs de savoir capter leur attention alors que les membres de la génération Z sont hyper sollicités par les réseaux sociaux, Netflix voire l’eSport. Le temps de loisir disponible n’étant pas infini, le sport semble être aujourd’hui le grand perdant de ce partage de l’attention de la jeune génération.

Les différents confinements ayant eu lieu en 2020 ont provoqué une accélération de ce changement de consommation du spectacle sportif. Une tendance qui a été amplifiée au sein du football professionnel français en raison de l’acquisition des droits TV par Mediapro, nouvel entrant sur ce marché, avec le lancement d’une chaîne peu visible du grand public. La Ligue 1 est alors « sortie des radars » des plus jeunes…

Un vecteur supplémentaire de cette tendance de fond est la place elle-même du sport et du football dans la société française. Le rôle de la cellule familiale dans la transmission de la passion n’est plus aussi évident qu’il a pu l’être par le passé, remettant ainsi en cause la pérennité du modèle de supportérisme dans le temps.

De nouvelles plateformes pour de nouveaux publics

Le football, comme les autres sports professionnels, se retrouve donc face à la nécessité de renouveler sa base d’audience, et doit pour cela très urgemment adapter ses contenus. L’anticipation de la demande des fans devient alors cruciale. Les clubs se doivent de tester de nouvelles plateformes, à l’image des lancements dernièrement réalisés par l’Olympique de Marseille sur Twitch ou encore du LOSC sur TikTok.

Dernièrement, la direction de l’OM s’est félicitée d’avoir réussi à placer deux de ses programmes dans le Top 100 des audiences 2020 enregistrées sur Twitch. Il s’agissait des deux rencontres amicales diffusées en direct sur la plateforme cet été, rassemblant 266 000 viewers uniques, avec un pic à 100 000 viewers en simultané selon le club. A noter que les 98 autres programmes présents dans ce classement sont liés au gaming.

Les clubs cherchent alors à s’adapter à cette nouvelle génération et à sa consommation sur deux ou trois écrans en simultané en investissant sur de nouvelles plateformes. Tout en acceptant que leurs fans soient moins exclusifs dans leur passion et dévouement témoignés envers le club.

En parallèle, de nombreux clubs cherchent également à bâtir des ponts avec d’autres domaines culturels, dont notamment la musique en parrainant des labels. Le rap occupe une place centrale dans cette alliance entre deux industries du loisir. L’OM a lancé son Label de musiques urbaines OM Records alors que le Servette FC collabore avec des collectifs de rappeurs locaux et propose à ses fans les playlists de ses joueurs chaque semaine sur Spotify.

Enfin, l’eSport apparait aujourd’hui comme une plateforme de rayonnement indispensable pour occuper le terrain et rapprocher les gamers du football. Manchester City s’associe par exemple au FaZe Clan, l’un des plus grands clubs d’eSport, par l’intermédiaire de Nate Hill, champion de Fortnite et fan du club.

Le désir d’être connecté et de partager avec sa communauté est toujours aussi fort. Peu importe la génération. En revanche, la manière de l’exprimer sera différente en fonction de l’âge. Si les « anciennes » générations ont plus tendance à privilégier les interactions physiques avec une forte présence au stade ; la nouvelle génération appréciera d’échanger sur les plateformes numériques lors des événements sportifs. Charge aux producteurs de contenus de s’adapter et de toucher tous ses publics. On entraperçoit ici tout le potentiel des expériences « Money Can’t Buy » développées par les clubs pour récompenser leur communauté.

Tout cela vient également remettre en question le développement commercial des clubs, les leviers de génération de revenus et le besoin de parler autrement à la fois aux partenaires et aux fans. Une gestion classique des activités visant à offrir de la simple visibilité dans le stade n’est plus possible à l’ère du numérique et des possibles confinements. Les marques manifestent la volonté de développer leurs activités à travers les entités parrainées tout en amplifiant leur visibilité.

Les défis sont nombreux à relever pour l’ensemble des organisations sportives.

Réflexion menée par Alexis Pacôme, Responsable Relations Partenaires et Hospitalités au Servette FC 1890.

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