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Lutter contre l’homophobie dans le football, une évidence

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Dans cette nouvelle tribune, Pierre Rondeau, Economiste du Sport, et Richard Bouigue, Premier Adjoint à la Mairie du 12e arrondissement de Paris, s’insurgent contre la banalisation des insultes homophobes régulièrement entendues au sein des différentes enceintes du football français.

Jeudi 17 mai était la journée internationale de lutte contre l’homophobie. Pascal Brethes, fondateur et porte-parole du Collectif Rouge Direct, en a alors profité pour publier une lettre ouverte à destination de Nathalie Boy de la Tour, Présidente de la LFP.

Dedans, il fait état d’un recul sans précédent de la lutte contre l’homophobie dans le football professionnel. Alors qu’une première impulsion avait été faite à l’orée des années 2010, avec notamment la signature de la charte contre l’homophobie, plus rien n’est fait aujourd’hui et les choses régressent.

Les insultes continuent dans les stades, les matchs de foot sont devenus un défouloir et les actes violents augmentent. D’après une enquête IPSOS pour l’association Foot Ensemble, « un Français amateur de football sur trois reconnait lancer des insultes homophobes devant un match de foot ». Pis, lorsque ce dernier pratique le football, au niveau amateur ou professionnel, le taux grimpe à 58%.

Autre constat catastrophique, la plupart des personnes interrogées ne considèrent pas ces brimades comme « homophobes », 36% estiment qu’elles n’ont aucun lien avec « la sexualité  » et 15% affirment «qu’elles font parties du folklore footballistique ».

Sauf que « PD » est une insulte, ce n’est pas du « folklore » ou du langage courant. On ne caractérise pas quelqu’un, sa compétence ou sa force sur le terrain par sa sexualité, on ne stigmatise pas une personne par sa préférence sexuelle ou son identité. Quand quelqu’un est mauvais ou qu’il rate une action, il est juste mauvais, incapable ou maladroit. Quand on s’énerve contre des choix arbitraux ou une défaite de son équipe, on s’insurge, on vocifère, mais on ne brime pas.

Etre homosexuel, au même titre qu’être noir, blanc, asiatique, arabe, hétérosexuel ou bisexuel ne caractérise pas notre performance, notre force, notre habilité. Rater une action, manquer une frappe ou louper un contrôle ne fait pas du joueur une « tarlouze ». Pourquoi vouloir associer les termes homophobes à l’idée de l’échec ? Rien ne justifie la stigmatisation.

Le problème c’est que ces actes ont des conséquences directes sur le vivre-ensemble. En 2013, le Paris Foot Gay révélait des résultats édifiants concernant son enquête sur l’homophobie dans le football professionnel. Les actes homophobes n’ont cessé d’augmenter dans la vie de tous les jours.

En 2017, SOS Homophobie avait recueilli 1 650 témoignages d’actes homophobes, en augmentation continue depuis 2014. A force de normaliser, édulcorer la brimade, on en vient à croire qu’elle est normale, que traiter un joueur de «PD», ce n’est rien, c’est juste un moyen de pression ou le constat de son échec.

Mais en fait non. Et la ligue de football ne l’a pas encore totalement intégré. Nous sommes un mauvais élève en Europe, l’homophobie a été banalisée dans les enceintes, qu’il s’agisse des clubs professionnels et amateurs. La LFP doit intensifier son rôle d’éducateur, doit montrer l’exemple et agir efficacement, se lancer dans des campagnes de sensibilisation et ne pas hésiter à sanctionner, même lourdement.

On condamne quand on entend des cris de singes ou des chants racistes, on s’inquiète quand on devine des saluts nazis ou des paroles antisémites, mais quand il s’agit d’insultes homophobes, on laisse couler, on accepte et on en rigole. Jusqu’à ce que, comme s’en alarme l’ancien président du Paris Football Gay Julien Pontes, un drame n’arrive

Par Pierre Rondeau  et Richard Bouigue

Pierre Rondeau est auteur, avec Richard Bouigue, du livre Le foot va-t-il exploser : pour une régulation du système économique du football

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