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Les droits TV, un marché de plus en plus complexe à maîtriser

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Après avoir connu un véritable âge d’or en matière de croissance de recettes audiovisuelles au cours des 20 dernières années, les ayants droit sportifs éprouvent désormais plus de difficultés à maintenir leur dynamique haussière. Un constat valable sur l’ensemble du marché européen. Néanmoins, certaines compétitions parviennent tout de même à trouver des relais de croissance grâce à une adaptation plus rapide aux mutations du paysage médiatique. Décryptage.

Paradoxe des temps modernes : fraichement auréolée d’un sacre en Ligue des nations et championne du monde en titre, l’équipe de France de football ne connaît toujours pas son diffuseur sur le marché français pour la période 2022-28. Lors d’un deuxième tour de consultation lancé par l’UEFA via l’agence CAA Eleven au mois d’octobre dernier, cette dernière aurait reçu des offres de la part de TF1 et M6 très en-deçà du montant actuellement versé par les deux diffuseurs, estimé à 3,5 m€ par match, pour retransmettre les rencontres des Bleus. Une situation qui n’enchante guère la Fédération Française de Football dont une part significative de son business model repose sur les recettes audiovisuelles.

L’intensité concurrentielle, nerf de la guerre

Derrière cette difficulté à commercialiser les rencontres des Bleus au tarif espéré, bon nombre d’experts y voient déjà les conséquences du futur rapprochement entre les groupes TF1 et M6 – dont l’opération doit encore passer l’examen de l’Autorité de la Concurrence pour être définitivement entérinée. Si la qualité d’une compétition ou encore son potentiel marketing peuvent influer en amont sur la valeur des droits TV ; le critère décisif reste le niveau d’intensité concurrentielle entre opérateurs. Une donnée qui s’est considérablement renforcée ces deux dernières décennies avec le recours systématique aux appels d’offres au sein des marchés européens.

« Par le passé, le business des droits TV était avant tout une affaire d’hommes et de relations. En France, Jean-Claude Darmon était un maître en la matière. C’était le maillon essentiel entre les acteurs du football et les diffuseurs. Il avait noué d’excellentes relations avec les opérateurs tels que TF1 ou Canal + mais aussi avec les dirigeants de clubs […] La généralisation des appels d’offres a permis aux titulaires des droits de réaliser leur business sans se soucier d’une quelconque loyauté envers leurs partenaires. Et cela leur a permis de gagner beaucoup d’argent à chaque renouvellement des droits grâce à l’entrée récurrente de nouveaux acteurs sur le marché » décrypte ainsi Pierre Maes, Consultant en droits TV et Auteur de l’ouvrage Le business des droits TV du foot : enquête sur une bulle spéculative.

« Le rôle d’une ligue est de faire venir de nouveaux acteurs pour renforcer la compétition lors de la commercialisation des droits »

Des nouveaux entrants qui, en raison d’une stratégie agressive d’acquisition, ont alimenté une inflation généralisée des prix des droits de retransmissions sportives sur les principaux marchés européens jusqu’en 2018. Un phénomène qui a notamment concerné la France avec l’irruption sur le marché tour à tour de TPS, Orange, BeIN Sports, Altice et… Mediapro, venant concurrencer les acteurs historiques en se positionnant sur des droits dits premium. « Lors de son entrée en France, la stratégie d’Altice était très claire : le groupe formulait systématiquement des offres permettant aux ayants droit de doubler le montant de leurs recettes télévisuelles sur le marché français. C’est de cette manière qu’Altice a récupéré les droits de diffusion de la Premier League en France en 2016 ou encore les droits TV des compétitions européennes de football en 2018. Cette stratégie permettait à Altice d’éviter un deuxième tour car leur offre était largement supérieure à celle des concurrents. Dans le jargon, on nomme une telle offre a first round knockout bid » précise ainsi Pierre Maes.

Favoriser la concurrence quitte à aller débaucher de nouveaux acteurs pour maximiser ses recettes audiovisuelles. La recette est connue depuis longtemps par les ligues professionnelles et leurs partenaires de commercialisation des droits, agences ou cabinets d’avocats. Une logique poussée à l’extrême par la Ligue de Football Professionnel lors de l’appel d’offres de mai 2018 : après avoir passé de longs mois à discuter avec un nombre important d’acheteurs potentiels, la direction de la LFP a introduit lors de sa consultation plusieurs mécanismes – dont la possibilité de sous-licencier des droits – favorisant la multiplication des acteurs et… la spéculation. Si cette logique a été poussée à son paroxysme – conduisant au fiasco Mediapro – une mise en concurrence des acteurs semble essentielle à première vue pour tirer les prix vers le haut.

« Le rôle d’une ligue est justement de faire venir de nouveaux acteurs pour renforcer la compétition lors de la commercialisation des droits. C’est un enjeu essentiel. Pendant longtemps, les ayants droit ont essayé de convaincre les opérateurs de téléphonie d’investir dans leurs contenus. En cherchant à leur prouver que l’obtention des droits pouvait constituer un argument fort pour vendre des abonnements téléphoniques ou internet. Il faut toujours trouver des leviers pour stimuler la concurrence. Aujourd’hui, l’industrie se tourne vers les opérateurs OTT et les GAFAN pour trouver de nouveaux relais de croissance. Une ligue doit ainsi rendre son produit suffisamment attractif pour susciter l’intérêt d’un maximum d’acteurs. A partir du moment où la concurrence n’est plus stimulée, les droits commencent alors à stagner voire à baisser » nous indique un dirigeant de l’une des principales agences de commercialisation de droits TV sportifs en Europe, préférant garder l’anonymat.

Des diffuseurs en quête de rationalité économique

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