Edito

La vidéo dans le football : pourquoi je suis contre

edito arbitrage vidéo
Shutterstock.com

Dans son édito, Pierre Rondeau, Économiste du Sport, revient cette semaine sur les premiers tests menés au sein du football français concernant l’assistance à l’arbitrage vidéo. Un système qui sera probablement généralisé à partir de la saison prochaine en Ligue 1 et qui ne fait pas le bonheur de tous les supporters…

Mardi dernier, lors de la demi-finale de coupe de la Ligue opposant le Stade Rennais au Paris Saint-Germain, l’arbitrage avec assistance vidéo a été de nouveau testé.

Et son utilisation a confirmé l’état d’esprit d’un certain nombre de fans de foot : nous sommes contre, résolument, indubitablement, unilatéralement contre. Avec ce match Rennes- PSG, nous avons pu constater l’ignominie d’une telle pratique et sa capacité à tuer dans l’œuf les émotions et les agitations qui font la force du football.

Les joueurs Rennais ont pensé avoir égalisé à la 44ème minute. Normalement, inscrire un but avant la mi-temps marque les têtes, octroie un avantage psychologique aux égalisateurs, face aux adversaires rentrant tête basse et esprit chagriné dans le vestiaire. Mais là, non.

La vidéo a dévoilé une main de Wahbi Khazri. L’arbitre a été prévenu, a regardé la séquence sur un écran mis à sa disposition puis a finalement refusé le but. Tout cela en deux minutes. Deux minutes de pur supplice pour les spectateurs, pour les supporters. Un ascenseur émotionnel dingue. Les Rennais sont passés de l’euphorie à la colère et les Parisiens de la peur à l’essoufflement.

Est-ce vraiment cela le football ? Un sport expurgé de tout soupçon, ordonné, rationnalisé, caractérisé, rangé, organisé, carré, droit dans ses boites, sans heurt ni peine, sans contrainte ni choc ? Où sont-ce la folie et l’instabilité qui font la beauté du jeu ? Où sont les erreurs arbitrales et les supplices qui font l’âme même du ballon rond ?

Nous aimons le football parce qu’il est le reflet de nos vies, de notre société, avec ses crises, ses déboires et ses injustices. Si nous pouvons parler de foot pendant des heures, c’est aussi parce que nous pouvons, de façon très hypocrite, critiquer l’arbitre pendant des heures, rappeler ses erreurs, ses oublis, ses absences, ses carences.

Que serait un sport aseptisé de toute brimade, de toute insulte, de toute réprimande ? L’arbitre est un élément du jeu, un être humain. C’est pour toutes ces raisons qu’il peut se tromper, qu’il peut offrir 3 points à l’adversaire ou lui offrir une qualification en finale. Qu’il peut bouleverser un destin et faire passer une équipe du sommet aux bas-fonds. Parce qu’il est l’arbitre et qu’il a ce pouvoir.

[ssp id= »102029299″ embed= »true » width= »100% »]

L’injustice et la partialité, c’est ça le football. C’est savoir que même avec les meilleurs joueurs ou la meilleure volonté, on peut perdre un match. C’est la glorieuse incertitude du sport, le suspense indolore et indicible, celui qui nous fait aimer le foot et nous le fait préférer au basket, au hand ou au rugby, sports étuvés.

Je suis un romantique du foot. J’aime le football parce que je connais sa mythologie, son histoire. Je me souviens de toutes les erreurs arbitrales en défaveur de mon équipe, je me souviens de mon dégout pour l’homme en noir, incapable de voir une faute ou de siffler un hors-jeu, un penalty.

Je m’en souviens et c’est pour cela que j’aime le foot. Et je suis supporter parisien, j’ai connu la remontada barcelonaise et ses fourberies arbitrales. J’aurais dû me féliciter de la décision de Mikaël Lesage de refuser le but. Or non, je me suis mis à la place des Rennais. J’ai imaginé cet ascenseur émotionnel, ce tabassage des émotions. Ça n’a fait que confirmer mon avis.

Non, non, non, 100 fois non à la vidéo.

Par Pierre Rondeau

To Top
Send this to a friend