Ligue 1 Amazon
Interview

Amazon, le bon choix pour la Ligue 1 ?

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L’attribution des lots laissés vacants par Mediapro pour la période 2021-24 a réservé un nouveau coup de théâtre. Promis initialement au duo Canal+/BeIN Sports, c’est finalement Amazon qui a raflé la mise en s’offrant huit rencontres de L1 et de L2 par journée contre un investissement global de l’ordre de 260 M€ par saison. L’irruption du géant de l’e-commerce sur le marché des droits TV domestiques constitue-t-elle une bonne nouvelle pour la LFP et l’ensemble du football professionnel français ? Antoine Feuillet, Maître de Conférences à l’Université Paris-Saclay et Spécialiste des droits TV, nous livre ses analyses. Entretien.

En acceptant l’offre d’Amazon, le football professionnel français va percevoir 663 M€ de droits TV domestiques par saison concernant le cycle 2021-24. Soit un montant près de deux fois inférieur à la somme initialement convenue lors de l’appel d’offres de mai 2018. Un montant qui est même inférieur au cycle 2008-12 ! Comment expliquez-vous cette spectaculaire chute du montant des droits TV du football professionnel hexagonal ?

En l’état actuel, la baisse est même plus spectaculaire, les lots récupérés par Amazon étant plus de trois fois inférieurs à ceux promis par Mediapro. On peut s’interroger sur la suite des évènements si BeIN, tiraillé entre le PSG et son contrat de distribution exclusif avec Canal+, dénonce son contrat, obtient gain de cause et qu’une nouvelle négociation sur ces lots est engagée.

Les raisons de cette baisse sont assez simples. On pense en premier lieu à l’intensité de la concurrence pour l’obtention des droits TV qui n’a sans doute jamais été aussi basse depuis ce cycle 2004-2008 et ce malgré l’arrivée d’un nouvel entrant. En mai 2018, la concurrence réelle et perçue avait sans doute atteint un sommet. Sur le plan sportif, la dynamique de l’arrivée de Neymar associée à Kylian Mbappé au PSG, avait aussi mécaniquement rendu le produit plus attractif.

En second lieu, on peut ajouter que la relation avec le partenaire historique Canal+ s’est détériorée principalement depuis l’éviction de Canal+ lors de l’appel d’offres de 2018. Aussi, le positionnement stratégique de Canal+ n’est plus tout à fait le même depuis 2018. On peut considérer que le groupe était à l’époque encore dans une perspective d’acquisition de contenus exclusifs alors qu’il est aujourd’hui résolument tourné vers l’agrégation de contenu, comme l’illustre les accords de distribution avec BeIN, Netflix ou Disney+. Tout cela pour dire que, toute chose égale par ailleurs au niveau économique, sportif et concurrentiel, Canal+ n’aurait probablement pas autant proposé aujourd’hui au football français que ce qu’il avait mis sur la table en 2018. Le positionnement de la chaîne sur le format de compétition d’une Ligue 1 resserrée à 18 démontre l’enclin à concentrer l’offre vers le premium tout comme la décision de retrait sur les lots de la Ligue 1 que Canal+ exploitait via l’accord de sous-licence conclu avec BeIN.

Au-delà, et sans doute de manière plus marginale, le contexte du défaut express de Mediapro ajouté à l’arrêt des compétitions et six mois de Ligue 1 diffusés auprès d’un nombre de téléspectateurs très restreint a invisibilisé et sans doute abimé la perception du produit. Le contexte sanitaire et les incertitudes qu’il induit à moyen terme peut aussi être considéré comme un facteur altérant la valeur des droits TV, notamment avec l’absence des spectateurs qui comme co-constructeurs du spectacle participent à part entière à la valeur d’un évènement sportif. Plus globalement les perspectives macro-économiques invitent à la prudence.

« L’effondrement des droits TV officialise un décrochage de long terme pour la Ligue 1 »

Je m’interroge enfin sur les récentes déclarations du président de la LFP dans le quotidien L’Equipe, positionnant la France en concurrence directe avec l’Ukraine, la Russie et le Portugal. Bien qu’étant depuis longtemps à la traîne du Big4, entre autres pour des raisons fiscales, la France est aussi largement ce qu’on pourrait appeler la ligue « Best of the Rest » sur le plan économique. Néanmoins, l’effondrement des droits TV officialise un décrochage de long terme.

En envenimant ses relations avec Canal +, la LFP ne se tire-t-elle pas une balle dans le pied concernant l’évolution de ses droits TV domestiques à moyen terme ? Canal + peut-il être absent du prochain appel d’offres concernant la période 2024-28 ?

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