Interview

“Des clubs comme le PSG ou l’OL voire l’ASSE paient plus de charges patronales que tous les clubs de Bundesliga réunis”

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Les mesures fiscales et sociales dernièrement adoptées vont-elles permettre d’accroître la compétitivité du football français ? Alors que la publication du décret du droit à l’image début août a constitué une bonne surprise pour les dirigeants du football français, certains dispositifs sociaux qui entreront en vigueur à partir de janvier 2019 pourraient venir annihiler les effets positifs de cette première mesure. Pour faire le point sur les impacts des futures mesures, Ecofoot.fr a interrogé Bruno Belgodère, Co-Dirigeant de Première Ligue, syndicat réunissant une majorité des patrons de clubs de Ligue 1.

Au début du mois d’août, le décret d’application concernant la réintroduction d’un droit à l’image des sportifs et entraîneurs exploité par les clubs professionnels – conformément à l’article 17 de la loi Braillard – a (enfin) été promulgué. Comment a été accueillie cette nouvelle par les dirigeants de clubs réunis au sein du syndicat Première Ligue ? La mise en application de cette loi permettra-t-elle de renforcer réellement la compétitivité du football professionnel français ?

L’ensemble des acteurs du football professionnels s’est satisfait de la publication du décret. En effet, nous perdions espoir et cette publication début août a été une bonne surprise. Il n’est jamais évident pour un gouvernement de sortir un décret sur une loi dont il n’est pas à l’initiative et c’est tout à son honneur de l’avoir fait.

Cependant, si la publication du décret était indispensable, elle ne résout pas le problème de l’application de ce régime. On a le sentiment d’être devant une boite de Lego© mais sans la notice pour construire l’édifice. On sait ce que cela va donner mais on ne sait pas comment y arriver.

Combien de temps faudra-t-il pour que cette mesure rentre pleinement en application ? Les discussions avec les partenaires sociaux peuvent-elles être bouclées rapidement ?

Il y a plusieurs temps. Un premier temps lié aux relations avec les partenaires sociaux. Nous avons déjà bien avancé et l’intelligence collective permettra de régler les questions qui peuvent rester en suspens. Aujourd’hui les partenaires sociaux dans le football se sont engagés pour que le droit à l’image soit déclenché à partir de 4 plafonds de la sécurité social. De même le montant relatif au droit à l’image ne pourra pas dépasser 1/3 de la rémunération totale ce qui revient à limiter le droit à l’image à 50 % du salaire. Un contrat type est aussi prévu. Enfin les conséquences liées au mouvement de joueurs – transferts et prêts – sont identifiées.

Un second temps est lié à l’application pratique de ce régime. Comment allons-nous concrètement identifier les flux éligibles entre les clubs et les partenaires à reverser aux joueurs ? Faudra-t-il identifier ces flux joueur par joueur ? Vu le flou entourant l’application pratique de cette mesure, nous sommes très inquiets concernant les futurs contrôles de l’URSSAF.

En résumé, nous avons donc besoin de règles très claires et précises sinon le droit à l’iimage ne sera pas applicable car représentant trop d’incertitudes. Le droit à l’image collective a été décrié, souvent d’ailleurs par des personnes qui n’en comprenaient pas le mécanisme, mais il était simple à appliquer et il était un outil de compétitivité très efficace.

En l’état actuel, le droit à l’image défini par la loi du 1er mars 2017 est inefficace car inapplicable. Il nous appartient avec les pouvoirs publics de le rendre applicable pour en faire un outil de compétitivité au service du sport français. De nature optimiste je suis certain que l’on va y arriver.

Pour conclure, tant que nous n’aurons pas sécurisé ce système pour le rendre efficace, nous ne conseillerons pas à nos clubs de l’appliquer. On fera un point avant le prochain mercato pour savoir si ce système est un atout pour notre compétitivité ou un projet mort-né.

Quels sont les prochains sujets fiscaux / sociaux sur lesquels le syndicat Première Ligue sera particulièrement vigilant ?

Nous sommes vigilants sur l’ensemble des projets de loi qui arrivent. On ne demande pas de grande révolution mais on veut s’assurer que des nouvelles taxes ne viendront pas entraver la compétitivité de nos clubs. Des clubs comme le PSG ou l’OL voire l’ASSE paient par exemple plus de charges patronales que tous les clubs de Bundesliga réunis. Toute nouvelle taxe viendrait entraver notre compétitivité européenne. Si évidemment la compétitivité sportive passe par les résultats sur le terrain, une assise économique forte est la base de cette compétitivité. Et notre croissance économique redescend directement dans le financement du sport et du football amateur puisque chaque année les clubs professionnels reversent de façon directe ou indirecte 80 M€ au sport amateur.

Dans quelle proportion l’augmentation du plafond de cotisations retraite complémentaire des salariés non-cadres va-t-elle affecter la Ligue 1 ?

A partir du 1er janvier 2019 certaines cotisations AGIRC/ARRCO passent d’une base de calcul de 3 à 8 plafonds de sécurité sociale. En effet, le plafond de l’assiette des sommes soumises à cotisations, jusqu’à présent fixé à trois PMSS pour les non-cadres soit 9 933 €, sera ainsi aligné sur celui des cadres et donc porté à huit PMSS, soit au moins 26 488 €.

Jusqu’à présent, les cotisations sur les salaires de nos joueurs étaient plafonnées à 3 plafonds car ils évoluent sous le statut de salariés non-cadres. Un plafond qui va donc passer à 8 PMSS à partir de janvier 2019. Cela aura un impact cumulé pour le football professionnel français (L1 et L2) sur les charges salariales et patronales de 25 M€. 60% de cette somme sera liée à un alourdissement des cotisations patronales et 40% à une hausse des cotisations salariales. La Ligue 1 supportera 76% de ce surcoût contre 24% pour la Ligue 2.

Même si nous sommes parvenus à obtenir un étalement sur 3 ans de la mise en application de cette réforme, ce sont des charges en plus qui devront être assumées par nos clubs français. Alors que nous attendions un gain de compétitivité avec l’entrée en vigueur du droit à l’image, nous nous retrouvons avec de nouvelles charges à assumer…

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