Interview

C. Hutteau : « Je gère une nouvelle génération qui va réussir à très haut niveau »

A l’occasion de la sortie de son livre, Mes Secrets d’Agent, co-écrit avec Arnaud Ramsay, l’influent agent Christophe Hutteau a accepté de s’entretenir avec Ecofoot.fr en revenant sur les motivations qui l’ont poussé à publier cet ouvrage tout en dévoilant certaines facettes de la profession d’agent de joueurs.

Quelles sont les motivations qui vous ont poussé à livrer vos secrets d’agent ?

J’ai voulu montrer ce qu’était réellement et concrètement le métier d’agent à travers ma propre expérience. Pour le grand public, l’agent est forcément un individu pas très net, qui profite du système pour gagner un maximum d’argent. Or, ce n’est pas le cas.

Bien entendu, il existe dans notre corporation des gens malhonnêtes, pas très nets, qui tentent par tous les moyens de profiter du système mais ce type d’individu ne dure pas. Il va faire un coup, deux peut-être, mais il se retrouvera vite éjecté du milieu du football. Je souhaitais donc démontrer que le football n’est pas plus pourri, voire même moins, que peut l’être la politique, les ventes d’armes, les ventes d’avions, les travaux publics…

N’avez-vous pas peur de vous créer des inimitiés en publiant ce livre ?

Il n’y a aucune raison objective de me créer des inimitiés avec ce livre. Celui qui le lira se rendra vite compte que 90% de Mes Secrets d’Agent est un livre plutôt bienveillant sur le monde du football. C’est aussi cela que j’ai voulu expliquer, à savoir que le monde du football c’est aussi un monde passionnant.

A travers de nombreuses anecdotes, j’ai voulu montrer que le football c’est généralement des histoires d’hommes, des rencontres exceptionnelles et de grands moments. C’est aussi la possibilité pour certains de découvrir qui sont réellement des noms du football comme Zinédine Zidane, Christophe Dugarry et bien d’autres.

Couverture Mes Secrets d'Agent New

Après, oui, je règle certains comptes mais vous ne pouvez pas imaginer le nombre de messages que j’ai pu recevoir de la part d’acteurs du football qui me félicitaient entre autres de ce que j’ai dit sur Vincent Labrune, l’ex président de l’Olympique de Marseille du type, « Bravo Christophe, tu dis ce que nous pensons quasiment tous mais que nous ne pouvons pas dire ou écrire ». Ce sont les plus beaux compliments que l’on puisse me faire.

Cet ouvrage annonce-t-il un changement imminent de carrière ?

Pas encore ! Il est trop tôt pour moi d’abandonner mon métier d’agent. Je gère une nouvelle génération de garçons qui va réussir à très haut niveau, j’en suis intimement convaincu comme Gaëtan Laborde aux Girondins de Bordeaux, Manuel Cabit à Ajaccio, Mouaad Madri à Lens pour ne citer qu’eux. J’ai aussi sous contrat des entraineurs comme Olivier Pantaloni à l’A.C. Ajaccio, Pierre Aristouy à Nantes qui deviendront de très grands entraineurs de L1. C’est une certitude. J’ai donc envie de les accompagner encore quelques années.

Il m’a d’ailleurs été proposé encore dernièrement de prendre la responsabilité sportive d’un club mais j’ai refusé. Ensuite, pourquoi pas, d’ici une dizaine d’années prendre des responsabilités au sein d’un club mais chaque chose en son temps.

Votre ouvrage met bien en lumière la rivalité qui règne dans le milieu des agents. Vous avez notamment perdu plusieurs joueurs avant qu’ils ne soient transférés. On sent qu’il est particulièrement difficile de gagner la confiance des joueurs et qu’il est très simple de la perdre. Certains dossiers ne vous ont-ils pas donné envie d’arrêter la profession ?

Il est évident que perdre un joueur sous des prétextes fallacieux est toujours une déception, une frustration et dans certains cas, vous vivez même cela comme une injustice. Maintenant, vous devez tenir compte de cette difficulté pour mieux rebondir.

Au risque de paraitre prétentieux, depuis 2004 que je suis agent, je n’ai pas l’impression que les joueurs qui m’ont quitté ont gagné au change… Je pourrai même dire que leur carrière n’a pas été celle qu’ils auraient aimé. Le plus important est de ne pas tricher, d’être droit dans ses bottes.

Dans Mes Secrets d’Agent, vous pointez également du doigt l’attitude de certains joueurs dont avez géré la carrière. Je pense notamment à Loïs Diony. Êtes-vous surpris par ses difficultés d’adaptation à l’ASSE ?

Je ne suis absolument pas surpris car je connais le garçon. Dans le recrutement d’un garçon vous devez tenir compte de ses qualités sportives mais aussi mentales, surtout lorsque vous investissez autant d’argent comme cela a été le cas dans ce cas bien précis.

Maintenant, je ne fais pas partie des aigris. J’ai dit ce que j’avais à lui dire à son sujet et lui souhaite malgré tout un maximum de réussite. La vie d’un footballeur est faite de hauts, de très hauts, de bas et de très bas. Ceux qui réussissent sont ceux qui parviennent à surmonter les obstacles et faire preuve d’une grande force de caractère.

A travers votre ouvrage, on constate également qu’un agent a tendance à nouer des relations privilégiées avec certains clubs. Par exemple, au cours de votre carrière, vous avez conclu de nombreux dossiers avec l’OM alors que vous n’avez réalisé aucun transfert avec l’OL. Comment expliquez-vous cette caractéristique de la profession ?

Vous avez toujours des liens plus forts avec certains qu’avec d’autres. J’ai effectivement travaillé sur plusieurs dossiers avec l’Olympique de Marseille pendant quelques années car le premier que j’ai fait venir à l’OM – Mathieu Valbuena – était une magnifique réussite, et le second Charles Kaboré était aussi un succès. Certes pas de la même ampleur que Mathieu Valbuena mais quand vous payez un joueur 200 000€, qu’il joue en moyenne une trentaine de matchs titulaire dans un club comme l’Olympique de Marseille, et qu’il est revendu après 5 ans de bons et loyaux services près de 10 fois le prix que vous l’achetez, il est possible d’employer le terme de très bonne affaire. La confiance s’installe et les dirigeants vous font alors plus facilement confiance qu’à d’autres. C’est humain.

A contrario, je n’ai pas encore travaillé avec l’Olympique Lyonnais, non pas parce que j’ai de mauvaises relations avec Jean-Michel Aulas mais tout simplement parce que le club lyonnais forme chaque année de supers joueurs et que dès lors il n’y a pas vraiment besoin pour ce club de faire appel à mes services. Moi qui me suis fait connaitre comme un véritable dénicheur de talents, dans la post formation, sans prétention aucune. Mais un jour viendra peut-être.

Je peux vous faire une confidence que personne ne connait, ou vraiment peu de gens. J’ai discuté avec Lyon et Florian Maurice il y a un an de Gaëtan Laborde car il apprécie tout particulièrement ce jeune joueur. Lyon a hésité entre Gaëtan et Mateta qui était alors à Châteauroux. Au final, ils ont fait Mateta mais c’est bien la preuve que rien n’est jamais définitif dans le monde du football. Les faits lui ont donné raison car Gaëtan a ensuite marqué 13 buts et délivré 6 passes décisives la saison dernière avec Bordeaux. Cela prouve que le jugement de Florian Maurice était le bon concernant Gaëtan.

Enfin, vous avez été l’un des premiers agents à entrer en négociations avec le nouveau président des Girondins de Bordeaux (ndlr : concernant la prolongation de Gaëtan Laborde), Stéphane Martin. Comment le jugez-vous ? Lui prédisez-vous un brillant avenir à la tête des Girondins ?

J’ai effectivement été, comme il l’a déclaré lui-même, le premier agent avec qui il a traité, quelques jours seulement après son arrivée. J’en garde un excellent souvenir. Je dialogue régulièrement avec lui sur une multitude de sujets car il apprécie prendre des avis extérieurs afin de se forger sa propre conviction. Stéphane Martin est un Président moderne, un gestionnaire, issu du monde de la finance. Il comprend vite.

Il fait partie, à mon sens, de cette nouvelle génération de dirigeants brillants qui vient non pas du football mais du monde des affaires et du business. C’est un plus, assurément, pour les clubs car ils ne travaillent pas qu’à l’affect. Ils ont une vision bien plus large qui dépasse le monde du football et ses acteurs historiques. Est-ce que je lui prédis un brillant avenir à la tête des Girondins ? Je le pense mais à condition qu’il garde cette distance, une forme d’indépendance de jugement par rapport à ses propres équipes en interne et cette fraicheur que tous les nouveaux dirigeants possèdent lorsqu’ils accèdent à ce type de responsabilité.

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