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Interview

« Instiller une culture assurantielle au niveau des ligues »

Romain Biard / Shutterstock.com

La crise sanitaire provoquée par le COVID-19 va engendrer de lourds impacts économiques au sein du football européen. Et les clubs hexagonaux ne seront pas épargnés. En plus d’un assèchement de leurs recettes en raison de la suspension des compétitions, ils risquent d’être confrontés à un marché des transferts en déflation. Un marché qui est pourtant vital pour équilibrer leurs comptes. S’il est important de répondre à l’urgence de la situation, les instances du football français doivent également se saisir de cette occasion pour réfléchir à des solutions permettant d’affronter plus sereinement les futures crises. Luc Arrondel, Directeur de Recherche au CNRS, propose des pistes de réflexion pour mieux appréhender à l’avenir de telles situations. Entretien.

La suspension des compétitions a provoqué un assèchement soudain des sources de revenus des clubs professionnels français. En plus des activités matchday à l’arrêt, les clubs doivent subir la suspension des paiements des diffuseurs de la compétition et les réclamations de certains de leurs sponsors. Faut-il s’inquiéter d’une importante crise de liquidités au sein du football professionnel français ? Certains clubs risquent-ils de faire faillite en cette période de crise ?

Cette question des conséquences de la crise du COVID-19 sur le football faisait l’objet d’un séminaire le 17 avril à l’Université de Reading (Reading Online Sport Economics Seminars-ROSES) animé par S. Szymansky, un des grands spécialistes de l’économie du football. Intitulé “Covid-19 and football club insolvency”, il s’agissait d’analyser l’impact de la crise sanitaire sur l’économie du football anglais. Cet exposé est néanmoins riche d’enseignements pour analyser la situation en France.

Les risques d’insolvabilité d’un club peuvent se mesurer soit au niveau du compte de résultat (insolvabilité de trésorerie), soit au niveau du bilan (insolvabilité bilan). Pour les championnats professionnels anglais en 2017-2018 (92 clubs au total), Szymansky regarde donc si l’EBITDA (earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization) est positif sur le dernier exercice et si les actifs sont supérieurs aux dettes. Un peu plus d’un club sur deux ne satisfaisaient pas à chacun des tests pris isolément ; et trois clubs sur quatre ne satisfaisaient pas simultanément aux deux critères. Les clubs de Premier League étaient plutôt dans le vert : seuls deux clubs étaient déficitaires dans leur exercice courant mais néanmoins sept avait des dettes supérieures à leurs actifs. Ce sont surtout les clubs de Championship qui sortaient de l’équilibre : douze équipes présentaient un EBITDA négatif et treize un bilan dans le rouge. Cette situation financière s’explique par la volonté « à tout prix » des équipes de seconde division anglaise d’accéder à la première !

L’impact de la crise sanitaire sur le football anglais est abordé dans un second temps. Les experts ont chiffré à 1 161 millions de livres les pertes potentielles dues à la crise sanitaire – 150 millions de revenus matchday pour les matchs à huis-clos, 762 de droits TV si la saison ne va pas à son terme et 249 millions pour le sponsoring – soit 20% du budget global de la saison 2018-19 et 25% de la saison en cours. Avec des revenus globaux diminués de 20%, les clubs de Premier League auraient terminé leur exercice comptable 2017-2018 avec un déficit de 94 millions de livres plutôt qu’un excédent observé de 884 millions de livres. Pour le Championship, le déficit serait passé de 100 à 234 millions de livres. Globalement, seuls quinze clubs professionnels au lieu de vingt-sept auraient clos l’exercice avec un EBITDA positif. Si de plus, on tient compte des remboursements d’abonnements et des créances non payées sur les transferts, le déficit de la Premier League pourrait atteindre 792 millions de livres et celui de Championship 424 millions. Tous ces chiffres correspondent à une simulation comptable toutes choses égales par ailleurs, c’est à dire si rien n’est fait au niveau du gouvernement, des joueurs (salaires) ou des diffuseurs TV pour atténuer les effets de la crise sanitaire.

Intéressons-nous maintenant à la Ligue 1.

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