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Interview

Droits TV : vers un nouvel imbroglio judiciaire ?

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Alors qu’on pensait le dossier réglé, le feuilleton des droits TV du football professionnel est peut-être loin d’avoir rendu son verdict final. En revendant les droits laissés vacants par Mediapro à Amazon pour la période 2021-24, la Ligue de Football Professionnel s’est attiré les foudres de Canal +, qui a immédiatement annoncé renoncer à la diffusion de la Ligue 1 lors des trois prochaines saisons. Ce dossier peut-il connaitre de nouveaux rebondissements sur le terrain judiciaire ? Me Mathias Kuhn, Avocat au Barreau de Paris, livre ses analyses sur la situation en cours. Entretien.

Le Groupe Canal + a saisi le 29 janvier dernier l’Autorité de la Concurrence pour contester l’appel d’offres partiel de la LFP visant à commercialiser les lots TV laissés vacants par Mediapro concernant la fin de saison 2020-21. Canal + se plaint notamment de la non-remise sur le marché du lot 3, remporté par BeIN Sports, et sous-licencié à la chaîne cryptée. Dans son verdict du 11 juin dernier, l’Autorité de la Concurrence a finalement donné raison à la LFP. Comprenez-vous la décision rendue par l’Autorité de la Concurrence ? Les griefs exposés par GCP – conditions de transaction inéquitables et discrimination abusive – ne sont donc pas fondés ?

Cette décision rendue par l’Autorité de la Concurrence est compréhensible. Elle est conforme au cadre juridique applicable. En effet, le Code du Sport indique que la commercialisation des droits TV « est effectuée avec constitution de lots, pour une durée limitée et dans le respect des règles de concurrence » (art. L. 333-2). Il n’y a donc pas d’obligation de remettre en vente l’ensemble des lots lors d’une nouvelle procédure. L’Autorité a considéré que la procédure lancée par la LFP respectait également sa pratique décisionnelle et notamment ses avis rendus en 2004 et 2007 en ce que l’appel d’offres était transparent, non-discriminatoire et contenait des modalités de soumissions identiques et des lots équilibrés..

La décision de la LFP de ne pas inclure le lot 3 dans sa procédure d’appel d’offres du mois de janvier dernier n’était pas sans risque. Elle savait qu’elle s’exposait à un contentieux avec BeIN Sports et/ou Canal +. Mais elle a tenu cette position et pris ce risque pour préserver ses intérêts financiers. Et force est de constater que Canal + a perdu en première instance devant le Tribunal de Commerce de Paris puis devant l’Autorité de la Concurrence.

La position de l’Autorité de la Concurrence est d’ailleurs très claire. Elle a confirmé la position dominante de la LFP du fait du mandat exclusif détenu par cette dernière sur la commercialisation des droits TV des championnats de L1 et L2. A ce titre, il incombe à la LFP d’avoir un comportement irréprochable en matière de droit à la concurrence. Mais le fait de ne pas remettre tous les lots en vente a été considéré par l’Autorité de la Concurrence comme une stratégie proportionnée puisque le contrat relatif au lot 3 – détenu par BeIN Sports et sous-licencié à Canal + – était toujours en cours d’exécution. L’Autorité de la Concurrence a alors considéré que la LFP a simplement réagi à une situation exceptionnelle, indépendante de sa volonté, en remettant en vente seulement les lots laissés vacants par Mediapro. Pour l’Autorité de la Concurrence, la LFP a agi dans son bon droit.

Le dossier a considérablement évolué quelques heures après la décision rendue par l’Autorité de la Concurrence. Les lots laissés vacants par Mediapro ont finalement été attribués à Amazon pour la période 2021-24. Ainsi, Amazon va débourser 260 M€ pour diffuser 80% de la L1 et de la L2 par saison tandis que Canal + va devoir payer 332 M€ par exercice pour seulement deux rencontres par journée. Cette différence de prix ne justifie-t-elle pas une distorsion de concurrence ?

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