Interview

Interview de Philippe Dard, cofondateur de MaLigue2.fr

Ecofoot.fr a eu la chance cette semaine de s’entretenir avec Philippe Dard, cofondateur du site MaLigue2.fr. Au cours de cet entretien, Philippe est revenu sur les coulisses du fonctionnement du site MaLigue2 qui attire une communauté toujours plus importante tout en évoquant certains sujets d’actualité qui ont agité la Ligue 2 au cours des dernières semaines…

Bonjour Philippe, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs d’Ecofoot.fr ?

Cela fait une trentaine d’années que je supporte le Racing Club de Lens, je suis avant tout un passionné de football, des stades, et du débat foot. Qui a donc découvert la Ligue 2, de force, en 2008.

Comment l’idée est-elle venue de lancer un média digital dédié à la Ligue 2 ? Quand le site MaLigue2.fr a-t-il été lancé ? Quel est le but premier de cette initiative ?

Avec l’arrivée du RC Lens en Ligue 2, j’ai découvert un championnat beaucoup plus ouvert que la Ligue 1. Et pourtant, un championnat dont presque personne ne parlait, en tout cas pas avec un rythme régulier, excepté France Football, Europe 1 et aussi Eurosport.fr même s’ils ne font presque plus d’interviews.

Réalisant des articles pour un site de supporters lensois, j’ai fait 2-3 interviews avec des coachs de Ligue 2 et l’idée d’un média spécialisé 100% Ligue 2 a germé : il y avait un vide et une niche. Avec la contribution technique de Christophe, co-créateur, le site MaLigue2.fr est né en novembre 2013 sous la forme d’un simple blog.

Beaucoup de médias ne parlent de la Ligue 2 que lorsqu’il y a un potentiel d’audience : matchs présumés truqués, fin de saison sportive, mercato, affaire Luzenac… La recherche du buzz ou de l’info exclusive ne m’intéresse absolument pas, ce que je souhaitais lors de la création du site c’était donner la parole aux acteurs de ce championnat : joueurs, coachs, dirigeants, supporters, journalistes… Car ils ont plein de choses intéressantes à raconter, loin des stéréotypes de l’interview classique du footballeur pro. Pas mal de joueurs ne sont pas formatés à l’exercice de l’interview et n’hésitent pas à se livrer, parce qu’ils ont eu des parcours difficiles, pas toujours linéaires. Comme nous ne sommes pas là pour les piéger ou les faire à tout prix parler de leur prochain transfert, le dialogue est vite constructif.

Combien de personnes contribuent aujourd’hui à l’aventure ?

Ma Ligue 2 c’est aujourd’hui 7 contributeurs, dont 3 journalistes qui ont rejoint l’aventure au fur et à mesure. Souvent par passion pour leur club de cœur à l’origine, mais aussi par plaisir d’écrire sur ce championnat qu’ils connaissent très bien. Enfin, par volonté d’interviewer des acteurs atypiques bien différents des habituelles conférences de presse ou entretiens qu’ils réalisent quotidiennement.

Quel est le modèle économique de MaLigue2 ? Certaines personnes travaillent-elles à plein temps sur le site ?

Je ne suis pas journaliste, simplement passionné de foot et d’écriture. Pendant les premiers mois, j’ai tout fait en solo, avant que d’autres rédacteurs ne rejoignent petit à petit l’aventure. Bénévolement, selon leurs envies et leurs possibilités. L’équilibre économique n’était donc pas recherché au départ. Après 18 mois d’existence, cette question commence à être discutée. Mais la quête d’argent n’est pas ce qui nous anime au quotidien. Pour l’instant, les seules recettes ont permis de financer l’hébergement, noms de domaine et apports techniques.

Quelle est l’audience web de MaLigue2 ? Quelle est son évolution ? Quelles sont les sources de trafic travaillées ?

Depuis le lancement du site, nous avons enregistré 150 000 sessions pour 250 000 pages vues, avec une durée moyenne supérieure à la minute ; ce qui nous rassure : les visiteurs lisent nos articles.

Actuellement, on approche les 20 000 sessions / mois et 30 000 pages vues ; la fréquentation est en constante progression, hormis entre juin et août 2014 où nous avons perdu 3 grosses sources d’audience (Lens, Metz et Caen). Chaque année, ce sont 6 clubs qui partent et 6 qui arrivent, des supporters à conquérir et d’autres à conserver tout de même, c’est assez original. Clairement, le retour de Metz et l’arrivée des clubs franciliens du National vont apporter un souffle supplémentaire. Lens et Strasbourg, ce seraient les cerises sur le gâteau !

Nos principales sources de trafic sont les réseaux sociaux Facebook et Twitter, preuve que bien travaillés ce sont des atouts formidables pour les médias. Nous nous appuyons également sur le moteur de recherches Google, sur lequel nous progressons grâce à l’ancienneté du site et la spécificité de nos articles. Enfin, les forums ou sites de supporters qui relayent les interviews ou suivent notre travail nous apportent un trafic non-négligeable.

Comment sourcez-vous vos informations ? Avez-vous noué des contacts privilégiés avec certains clubs ? Apprécient-ils votre démarche ?

« Le footballeur pro de Ligue 2 est très loin du cliché que le grand public peut imaginer »

Nous avons des contacts privilégiés avec 90% des clubs de Ligue 2. Les clubs ont accueilli notre média de manière très pro mais pas seulement : certains ont vraiment joué le jeu à fond, dès le début, avec des RP toujours très disponibles pour nous accorder des interviews, des community managers très sympas pour relayer nos articles. Dijon, Nancy, Niort, Metz…j’en oublie mais dès le départ, ils ont été à fond ! Avec le recul, c’était un peu logique aussi : un média qui s’intéressait à eux de manière récurrente, c’était un moyen supplémentaire de faire parler de leur club. Ceci étant, ils auraient pu nous regarder de haut. Maintenant, ils nous lisent pour la plupart, preuve certaine de leur intérêt.

Tous les joueurs, coachs ou dirigeants que nous avons interviewés ont toujours été supers. La politesse, le sourire, la disponibilité, les messages de remerciements : c’est peut-être ça la plus belle « découverte » depuis le lancement du site. Le footballeur pro de Ligue 2 est très loin du cliché que le grand public peut imaginer.

Concernant nos informations, il nous arrive d’en avoir par plusieurs biais. Au final, nous ne communiquons presque pas sur celles-ci : l’objectif du site reste de raconter des histoires vécues, de parler de faits, de matchs joués, de donner la parole aux acteurs du championnat. Pas de faire le buzz.

Avez-vous des contacts avec des journalistes d’autres médias couvrant la Ligue 2 comme Eurosport ou BeIN Sports ?

Bien sûr, nous avons réalisé plusieurs interviews avec eux : Arnaud Tulipier, Carine Galli, Samuel Ollivier, Robert Malm, Alban LePoivre… C’est important d’avoir leur ressenti, car ils sont au bord des pelouses, ils voient les matchs, ils savent ce qui se passe dans les clubs. Même s’ils ne peuvent pas toujours tout dire, ce qui est logique. C’est un de nos avantages : si on s’est fait chier devant un match (on a un peu trop regardé Brest ces derniers temps…), on ne se gêne pas pour l’écrire !

Quels sont les futurs projets de MaLigue2 ?

On a fait un sondage auprès de nos lecteurs en novembre 2014, pour notre 1er anniversaire, afin de connaître leurs attentes. Voici ce qui en ressortait : mettre en place des lives depuis les stades, créer une radio les soirs de multiplex, mettre en place un fil d’info/brèves (fait cet hiver), mettre en place des concours de pronostics, améliorer le graphisme du site… On va s’atteler à concrétiser cette demande prochainement, nous avons aussi d’autres réflexions sur le contenu du site (donner plus de visibilité aux clubs, permettre aux supporters de commander leurs billets de matchs…). Tout cela prend du temps mais nous aimerions être prêts pour la nouvelle saison. L’idée d’une émission de radio est également en réflexion.

Quels sont les trois clubs qui monteront en Ligue 2 à l’issue de la saison selon vous ? Seront-ils armés pour la Ligue 1 ?

Maintenant que le championnat est presque fini, c’est facile : Troyes, le Gazélec (même si on s’en est douté courant février, d’ailleurs Alban Le Poivre l’avait annoncé en janvier) et Angers.

Troyes a de vraies fondations solides, à tout point de vue, c’est un club qui doit être capable de s’installer durablement en Ligue 1 avec Jean-Marc Furlan aux manettes.

corentin jean estac

Selon Philippe Dard, l’ESTAC de Corentin Jean a de bonnes chances de bien figurer parmi l’élite lors de la saison prochaine.

Pour le Gazélec ça va être la grande inconnue, on verra comment ils gèreront leur mercato mais franchement peu importe, ils méritent tellement cette montée !

Angers, c’est une satisfaction de voir que le travail de long terme de Stéphane Moulin pourrait payer, comme celui de Dall’Oglio à Dijon d’ailleurs. Avec des renforts intéressants cet été, à l’image de Caen cette saison, ça sera jouable de se maintenir.

En tant que spécialiste de l’écosystème digital, quels sont les clubs de Ligue 2 déployant la meilleure stratégie sur les supports numériques ?

On aime beaucoup ce que fait l’ASNL, on avait réalisé l’interview de son community manager. C’est varié, sympa, vivant, récurrent. On se rend compte que les clubs de Ligue 2 commencent à travailler leur stratégie digitale, avec de vrais community managers et une recherche de proximité avec leurs supporters.

On adorerait que le Toulouse FC rejoigne la Ligue 2, ça mettrait une belle ambiance à ce niveau aussi !

La Ligue 2 a affiché une faible hausse de 3% de ses revenus opérationnels en 2013-14 et la LFP prévoit une baisse des recettes de 6,7% pour l’exercice en cours. Comment expliquez-vous ce manque de dynamisme économique concernant la L2 ?

« Le produit Ligue 2 n’est pas suffisamment valorisé »

Difficile à dire quand on n’est pas économiste qualifié, même si certaines choses paraissent évidentes : les matchs le vendredi soir et le lundi soir ne favorisent en rien les recettes de jour de match. Le « produit Ligue 2 » n’est pas suffisamment valorisé, la preuve avec l’existence de notre site sur un créneau qui n’intéressait presque personne. On entend souvent les « gros » clubs de Ligue 1 chouiner sur la catastrophe économique d’une relégation en L2, mais qu’en est-il des clubs de Ligue 2 qui descendent en National ? C’est encore pire et plus dur de se relever. Cela signifie souvent la fin du professionnalisme.

L’accroissement des écarts de revenus générés entre la Ligue 1 et la Ligue 2 n’est-il pas inquiétant pour les clubs aspirant à monter dans l’élite ?

Tant qu’un certain nombre de clubs de Ligue 1 travailleront de façon médiocre (avec une masse salariale surdimensionnée), les clubs de Ligue 2 structurés pour jouer plus haut s’en sortiront bien : Nantes, Guingamp, Bastia, Reims, Evian sont des clubs de Ligue 2 montés il y a plusieurs années, et qui ont su s’installer, avec des petits budgets. Caen peut le faire cette année, Troyes devrait y arriver. Hors accident économique (Lens) ou sportif (Metz, AC Ajaccio) les clubs de Ligue 2 s’installent plutôt bien à l’étage supérieure.

La Ligue 2 a-t-elle trop privilégié les volontés des diffuseurs TV programmant les rencontres à des horaires peu convenables au détriment du développement des revenus match day ?

Pouvait-il en être autrement ? Sans assurance de diffusion, la Ligue 2 perdait le peu d’aura médiatique qui lui restait. Paradoxalement, je ne suis pas sûr que la Ligue 2 souffrirait d’une diffusion le samedi soir, en même temps que d’autres matchs de Ligue 1 : si on faisait un comparatif de la qualité des matchs du samedi 14h en Ligue 2 avec ceux du dimanche 14h en Ligue 1, il y aurait plus de chances de réussir sa sieste le deuxième jour ! Il y a peut-être aussi d’autres options de programmation : le match décalé le samedi à 21h, pourquoi ça ne conviendrait pas ?

Quel club de Ligue 2 constitue un modèle de gestion selon vous ?

Pour avoir rencontré des acteurs économiques du club, Dijon est un bon modèle : dénicheur de « talents manqués » qu’ils font éclore et sont revendus plus haut pour assurer la pérennité économique (Corgnet, Guerbert, Mandanne, Bauthéac, Caceres, Sankharé…), même si c’est parfois réalisé au détriment du sportif (Philippoteaux vendu cet hiver). Leur nouveau centre de formation va leur permettre de franchir un cap en faisant venir des joueurs plus jeunes et en travaillant sur du long terme, avec des structures d’entraînement qui se sont aussi améliorées. Enfin, le projet d’agrandissement du stade avance petit à petit. Le jour où il y aura montée en Ligue 1, le club sera prêt.

L’effort de solidarité envers les clubs de Ligue 2 concernant la distribution des droits TV a été dernièrement pointé du doigt par certains présidents de Ligue 1. Que pensez-vous de ce débat ?

Si des clubs qui donnent 400 000 €/mois à un milieu de terrain jouant 10 matchs par an ou 350 000 €/mois à un buteur qui met 15 buts un an sur deux ont besoin de plus d’argent, c’est qu’ils devraient peut-être d’abord penser à réaliser des économies…

« Il est dans l’intérêt de la Ligue 1 d’avoir une Ligue 2 compétitive »

Plus sérieusement, ce ne sont pas les clubs de Ligue 2 qui posent problème, mais le nombre de clubs professionnels. Une Ligue 1 à 18 clubs permettrait sans doute à l’élite d’être plus compétitive et d’augmenter les recettes de ces clubs. Pourquoi pas ? Mais si c’est pour investir cet argent uniquement en masse salariale sur des pseudos-cracks, c’est qu’il y a mauvaise gestion. Comme pour les clubs qui présentent des budgets équilibrés on ne sait trop comment. Réglons d’abord ces problèmes avant de s’attaquer à la « solidarité » envers la Ligue 2. Il est dans l’intérêt de la Ligue 1 d’avoir une Ligue 2 compétitive, surtout quand celle-ci déniche des nouveaux talents à des coûts moindres : Sofiane Boufal, Romain Philippoteaux, Denis Petric, Corentin Jean vont faire le bonheur de la Ligue 1. Des joueurs « made in Ligue 2 » !

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