Stratégie

Coupe du monde : la Chine et les Etats-Unis seront-ils les grands gagnants de la prochaine réforme ?

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Gianni Infantino, le Président de la FIFA, sait où est son intérêt. Son projet d’une Coupe du monde à 48 est le fruit d’un calcul personnel et géopolitique sans failles, une stratégie dans laquelle le football n’est qu’un lointain souci.

Une réforme en apparence favorable aux plus faibles qui sert les plus puissants

Le passage de 32 équipes à 48 pour les prochaines Coupes du monde permet à première vue, un rééquilibrage au profit des Etats traditionnellement absents de la Coupe du monde. On peut dès lors se mettre à rêver de voir l’Iran et le Costa Rica affronter l’Azerbaïdjan ou la Namibie.

Pour autant, sous des dehors généreux, une telle réforme ne le serait nullement. Loin de nécessairement léser l’Europe, elle favoriserait avec la formule proposée par Gianni Infantino, les puissances footballistiques de chaque continent.

Ainsi, via le système de barrages, le Maroc, l’Egypte, le Nigéria et le Cameroun auraient plus de chance d’être présents lors des prochaines éditions, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Quant à l’Asie, cela offrirait à la Chine et à une autre puissance asiatique, la quasi-certitude d’une participation. Une belle garantie capable de compenser d’éventuelles déconvenues sportives pour des Etats incontournables dans le football mondial.

Une Coupe du monde en véritable reflet du football d’aujourd’hui ?

A dire vrai, ce n’est pas un problème. A défaut d’être sportivement acceptable, il est économiquement cohérent que les marchés les plus importants du football soient systématiquement représentés dans la première compétition footballistique mondiale.

La FIFA, depuis déjà dix ans, redistribue les cartes entre les principales puissances qui font le ballon rond à l’échelle mondiale. Il est donc temps que la Coupe du monde soit le reflet de la nouvelle géopolitique du football global.

La réforme voulue par Gianni Infantino va dans ce sens : elle favorisera manifestement les places fortes du football d’aujourd’hui, sans léser celles d’hier. A la manière d’un retour sur investissement mérité, la FIFA récompensera par des places supplémentaires et assurées via les barrages, les fédérations émergentes d’Asie, de la Chine au Moyen Orient. Celles où l’on investit beaucoup.

Elle assurera également une représentation accrue aux Etats d’Afrique et d’Amérique du Sud, là où le football est une religion en pleine expansion. Quant à l’Europe et à l’UEFA, elles conserveront un nombre important de représentants en raison de leur importance historique et du poids de leurs marchés. La présence d’un ou deux nouveaux pays-alibi, jamais vus auparavant, servira de contre-feu et tout le monde sera content.

Passer à 48, une question géopolitique favorable aux plus puissants acteurs du football

La difficulté majeure de cette réforme, souhaitée par le successeur de Sepp Blatter, touchait à la capacité des Etats à organiser une Coupe du monde à 48. En effet, un tel contingent de participants obligerait le ou les pays-hôtes à accueillir 16 équipes supplémentaires avec les problèmes logistiques, financiers et sportifs afférents. Cela suppose plus de stades, plus d’infrastructures d’hébergement, de transports et d’accueil et donc plus d’investissements. En définitive, une telle réforme suppose l’explosion du budget dédié à une pareille organisation. Une gageure.

Rares sont déjà les Etats à pouvoir candidater pour accueillir une Coupe du monde. Avec une telle révolution, la liste s’amincira d’autant. Elle se bornera à moins d’une dizaine d’Etats dans le monde au premier rang desquels se trouveront notamment les Etats les plus développés et économiquement puissants comme les Etats-Unis ou la Chine.

Quelles solutions pour organiser une Coupe du monde à 48 ?

La FIFA peut évidemment imposer à la manière du CIO, un Agenda 2020 afin de diminuer les coûts d’organisation qui ont explosé depuis trente ans. Elle s’oriente plutôt vers le choix d’une co-organisation à l’échelle régionale, comme l’UEFA l’expérimentera avec l’Euro 2020.

Pour autant, le sort des prochaines Coupes du monde semble déjà tranché avec le format retenu et les questions de sécurité attenantes : il sera difficile pour l’Afrique d’accueillir  une nouvelle Coupe du monde. Loin des belles promesses énoncées, les États privilégiés au premier rang desquels se trouvent la Chine et les Etats-Unis pourront seuls, confronter leur puissance respective sur le terrain du football… et se partager l’organisation des futures éditions.

Comment jouer à 48 ? Imaginer un format peu lisible et des co-organisations à plusieurs Etats

Pour Gianni Infantino, “l’idée serait que les 16 meilleures équipes issues des qualifications se qualifient directement pour la phase de groupe » […]. Avec cette déclaration faite le 6 octobre dernier à l’AFP, le Président de la FIFA précise son projet de Coupe du monde à 48, pour mieux anticiper les critiques.

A côté des seize premiers qualifiés, 32 autres participants, sortis eux-aussi des qualifications, joueraient un match de barrage décisif, vraisemblablement sur terrain neutre. C’est donc ainsi que les seize places qualificatives restantes seraient distribuées. Si vous n’avez pas tout compris, c’est normal: la solution retenue apparaît aussi peu lisible que prompte à rajouter de la confusion à la compétition. Rajouter à la place des matchs amicaux, “de vrais matchs à enjeu” ne fera pas oublier le côté politique de cette réforme. Car l’ambition est ailleurs.

Une réforme très politique ou comment réussir la quadrature du cercle

Passer de 32 à 48 équipes est en effet un joli coup tactique et stratégique pour la FIFA et son Président. En plaçant les Etats les plus favorisés face-à-face comme la Chine et les Etats-Unis, ils les assurent d’organiser chacun, l’évènement sportif le plus médiatisé avec les Jeux Olympiques, à court ou moyen terme. Quant aux autres, ils pourront se consoler avec l’organisation d’un match de barrage, la perspective de le jouer et d’être les vainqueurs d’un accessit pour la phase finale.

En manœuvrant ainsi, Gianni Infantino et l’institution zurichoise peuvent espérer échapper à la pression américaine née de l’échec inattendu de la candidature des Etats-Unis face au Qatar pour la Coupe du monde 2022. Une pression qui a abouti au scandale de la FIFA et à la destitution de son ex-Président…  La manœuvre dès lors est plus claire.

Qui plus est, comme le Suisse briguera évidemment un nouveau mandat en 2020, sa réforme de la Coupe du monde lui conciliera aussi bien les voix des plus puissantes fédérations que celles des moins favorisées qui espèrent glaner les derniers billets gagnants. Un calcul assurément payant !

Tout cela nous rappelle une chose: Gianni Infantino est un stratège. Il a su l’être pour devenir Président de la FIFA et il fait tout ce qu’il faut, aujourd’hui, pour le rester.

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Source photo à la Une : Capture vidéo Youtube

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