Stratégie

Coupe du monde : l’organisation d’une compétition à 48 nations est-elle une réforme pertinente ?

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Gianni Infantino, le Président de la FIFA, sait parler à l’oreille des petits pays du football mais aussi des grandes nations. Son idée d’une Coupe du monde à 48 ne vient pas d’un altruisme soudain. Dans la continuité de ses prédécesseurs, le calcul est simple et le résultat sera financier, mais il n’est pas sans risques pour le football.

Une Coupe du monde à 48, c’est l’obligation de repenser le format des qualifications

Organiser une Coupe du monde à 48 Etats oblige tout d’abord à une refonte du format de qualifications. En effet, une telle réforme bousculerait son organisation. Avec 16 pays qualifiés en plus, la part de risques et le nombre d’absents de marque pour les confédérations les mieux dotées seront évidemment réduits.

Avec une telle réforme, la CONMEBOL en Amérique du Sud et la CAF seraient assurées de la présence de leurs représentants les plus importants lors des prochaines éditions de la Coupe du Monde. Finis les matchs-couperets pour le Maroc, le Brésil, le Cameroun ou l’Egypte, d’ores et déjà assurés d’en être.

En conséquence, le passage à 48 réduira l’intérêt et l’attractivité de la phase qualificative, une phase déjà peu exaltante, tout en enlevant le sel des matchs décisifs entre les grandes nations de chaque continent. Une triste perspective pour les amateurs de football.

Le risque d’une perte d’attractivité de la Coupe du monde

Outre la phase de qualifications, penser à une Coupe du monde à 48 Etats oblige également à repenser le déroulement même de la compétition. En faisant passer le nombre de pays de 32 à 48, c’est un peu moins du quart des 211 fédérations engagées auprès de la FIFA qui seront concernées par la phase finale de la Coupe du monde. D’ores et déjà, reconfigurer le premier tour de la compétition devient évident.

Or, cela passe inévitablement par un plus grand nombre de matchs à voir et à jouer, quand bien même ces derniers seraient éliminatoires. Confronté à une inflation de matchs, le spectateur y perdra en intérêt et le format en lisibilité.

C’est toute l’attractivité du produit phare qu’est la Coupe du monde qui peut être affecté d’autant qu’avec l’accroissement du nombre de matchs, l’allongement nécessaire de la compétition menacera d’empiéter sur les autres grands évènements estivaux comme le Tour de France. Une concurrence évitée jusqu’alors mais difficile à négliger avec un tel format.

Pour autant, le vrai problème est ailleurs.

L’affaiblissement sportif : le précédent de l’Euro 2016

Un passage de 32 à 48 équipes en lice nuira à la compétition du point de vue sportif. L’Euro 2016 en fournit la preuve. Une Coupe du monde à 48 favorisera les effectifs des équipes nationales les moins sollicitées par les grands championnats, comme on a pu le voir lors du dernier Euro avec les parcours réussis de l’Islande, des deux Irlande ou de la Hongrie.

En clair, un tel élargissement peut menacer la compétitivité des grandes nations, celles qui ont les meilleurs joueurs. Or, les Coupes du monde qui restent dans les mémoires, sont celles qui ont offert des duels d’anthologie entre grandes équipes et entre grands joueurs. Y toucher ou s’en priver, c’est un risque certain pour le football mondial et pour sa vitrine principale. A moins que cette réforme, comme c’est prévisible, ne bénéficie qu’aux grandes puissances du football, toutes confédérations confondues.

La crainte d’un jeu plus fermé et moins attractif pour tous

Le second risque de ce nouveau format tient au jeu lui-même et à sa qualité. Sportivement, dans son format élargi à 24 équipes, l’Euro 2016 nous a offert un style de jeu conservateur et prudent, loin du spectacle espéré. Le premier tour a ainsi été d’un intérêt sportif relatif si l’on enlève l’animation des tribunes. Les équipes ont massivement joué en contre et celles qui l’ont fait, ont gagné, comme l’atteste la victoire en finale du Portugal.

Hélas, ce n’est pas la meilleure des publicités pour le football à l’heure d’une concurrence médiatique et numérique effrénée. Un tel spectacle nous ramène à la Coupe du monde italienne de 1990 et au passage de 24 à 32 équipes instauré lors de la Coupe du monde 1998, passage qui s’est soldé par un fort déséquilibre sportif lors des premiers tours et des huitièmes de finale. Veut-on vraiment une Coupe du monde sportivement au rabais, pusillanime dans le jeu et moins intéressante que par le passé ?

Quels gains espérés ?

Le nouveau format envisagé par Gianni Infantino risque donc de délayer la compétition et d’en modifier l’attractivité, en réduisant artificiellement les écarts entre les places fortes du football mondial et des équipes habituellement moins compétitives à cette échelle. La possibilité d’un désintérêt de la part du public n’est pas à exclure.

Dénaturer le produit Coupe du monde reste grand. Heureusement, le pire n’est jamais certain car une telle réforme ne sera pas sans avantages sonnants et trébuchants pour la FIFA.

Ainsi, la mondialisation commerciale du football initiée par Joao Havelange et poursuivie par Sepp Blatter, s’intensifiera au plus grand plaisir des finances de l’institution. L’accroissement du nombre de matchs et la multiplication des fédérations représentées permettra en effet à la FIFA de connaître une croissance de ses revenus de diffusion, de sponsoring et de marketing. Plus de matchs, c’est plus de matchs à diffuser et avec 16 marchés de plus atteints, ce sont autant de marchés préférentiels susceptibles d’être conquis pour développer le football et l’exposition des partenaires. Une véritable aubaine pour augmenter la principale source de revenus de la FIFA qu’est la Coupe du monde.

Les nouvelles puissances du football (Etats-Unis, Chine, Corée du Sud, Japon, Afrique…) en tireront avantage sans pour autant que l’Europe, aujourd’hui surreprésentée, en pâtisse vraiment. Il n’est pas sûr en revanche que le football en sorte grandi ni que les petites fédérations tirent leur épingle du jeu.

Cela en vaut-il la peine ?

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Source photo à la Une : Capture vidéo (Youtube)

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