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Le cinéma français fragilisé par la perte des droits TV de L1 par Canal + ?

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Plusieurs acteurs imminents du secteur cinématographique français ont livré dernièrement leurs inquiétudes en raison de la perte des droits TV de Ligue 1 par Canal + à partir de 2020.

Les secousses liées à l’attribution des droits TV domestiques de la Ligue 1 pour la période 2020-24 se propagent bien au-delà du monde sportif et médiatique. Alors que Canal + est sorti bredouille du dernier appel d’offres mené par la LFP – Mediapro a raflé la plupart des lots majeurs et BeIN Sports est parvenu à conserver deux rencontres par journée – plusieurs protagonistes du cinéma français ont depuis manifesté leurs craintes suite au camouflet subi par le diffuseur historique du football professionnel français.

Car l’enjeu est de taille pour le cinéma français. Via les accords noués avec le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée (CNC), Canal + s’engage chaque année à verser à minima 12,5% de son chiffre d’affaires dans le pré-achat de films européens, dont 9,5% dédiés aux créations originales françaises. En contrepartie, Canal + bénéficie de certains avantages, comme la possibilité de diffuser les films sur ses antennes seulement 10 mois après leur sortie.

Une enveloppe qui est loin d’être négligeable pour l’industrie cinématographique française. Ainsi, le groupe Canal + est le premier contributeur privé au budget du CNC, via une participation de 165 M€ sur l’année 2017, représentant plus de 20% du budget du Centre National du Cinéma. Une participation qui est déjà en… baisse constante, année après année, suite à l’érosion du nombre d’abonnés du groupe. En 2016, Canal + avait alloué près de 200 M€ au cinéma français.

Canal + : vers une chute du nombre d’abonnés ?

« C’est clairement un séisme, une fracture profonde dans le modèle de Canal. On verra comment Canal rebondit. Il peut récupérer un certain nombre de droits par le biais de sous licences, je ne sais pas, mais en tout état de cause, en termes d’image pour Canal, c’est quand même un argument très fort qu’il vient de perdre » réagissait ainsi dernièrement Mathieu Debusschère, délégué général de la Société civile des auteurs réalisateurs producteurs, suite à la perte des droits de L1 par Canal +.

Et les prévisions dernièrement émises par plusieurs spécialistes concernant l’évolution du nombre d’abonnés de Canal + ne vont guère rassurer le secteur cinématographique. Pour Christophe Lepetit, Economiste du Sport, la Ligue 1 est le programme qui génère le plus d’abonnés pour Canal +, potentiellement 2 millions. Certains analystes vont encore plus loin : pour le cabinet Oddo la chaîne cryptée pourrait perdre jusqu’à 40% de ses abonnés !

Une intervention gouvernementale pour sauver Canal + ?

Certains acteurs commencent à demander une intervention gouvernementale pour sauver le cinéma français. C’est le cas notamment de Xavier Bertrand, Président de la région Hauts-de-France, auteur dernièrement d’une tribune dans le journal économique Les Echos. L’ancien ministre du travail demande, à minima, une réaction du pouvoir exécutif suite aux résultats du dernier appel d’offres de la L1 et à l’éjection de Canal +.

D’ailleurs, lors du précédent appel d’offres de droits TV domestiques de L1, réalisé en 2014, les principaux dirigeants du football français ont soupçonné une intervention gouvernementale, permettant alors aux principaux diffuseurs – BeIN Sports et Canal + – de réaliser un partage équitable des droits pour la période 2016-20 sans subir une inflation massive. Une intervention qui a été confirmée par l’ouvrage « Un président ne devrait pas dire ça…», dans lequel on apprend que François Hollande est directement intervenu pour aider Canal +. Une intervention qui a en revanche toujours été niée en bloc par les deux principaux protagonistes, BeIN Sports et Canal +.

Un nouveau modèle indépendant du football pour le cinéma français ?

Si les inquiétudes manifestées par le cinéma français sont compréhensibles, en revanche, la situation n’est pas encore alarmante pour la chaîne cryptée. En effet, Canal + peut encore remettre la main sur certains lots via des accords de sous-licence négociés avec Mediapro concernant la L1. La chaîne cryptée peut également récupérer une part du gâteau en négociant des accords de distribution avec des acteurs qui ne seront pas forcément en position de force à ce niveau. « Je crois que certains ont voulu enterrer Canal+ beaucoup trop vite » nous indiquait dernièrement Jérôme Boissel, Expert en économie du sport, laissant entendre de possibles rebondissements dans l’attribution des droits de L1.

Enfin, cette évolution du paysage médiatique peut également sonner comme un avertissement pour le cinéma français. Ce dernier devra certainement dans les mois à venir réfléchir à un nouveau modèle de financement, en diversifiant ses sources de revenus. Si la première mouture de la réforme de l’audiovisuel public, présentée en début de semaine, ne concerne que les contenus ; un deuxième projet prévu pour 2019 devrait s’attaquer aux modes de financements des programmes TV. L’occasion alors pour le cinéma français de faire valoir ses droits même si ce dernier reçoit déjà 560 M€ par an de la part du service public.

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