Interview

La direction du FC Lorient nous dévoile sa stratégie de partenariats

Ecofoot.fr a eu le chance cette semaine de s’entretenir avec Arnaud Tanguy, Sébastien Pensivy et Thierry Hubac, respectivement directeur général, directeur marketing et directeur de la communication du FC Lorient. A travers son slogan « Le football autrement » appliqué à tous les échelons du club, le FC Lorient séduit de nombreux partenaires régionaux. Pénétrez dans les coulisses de la stratégie commerciale du FCL :

Bonjour Messieurs. Pouvez-vous nous présenter vos parcours et vos fonctions au FC Lorient ?

Arnaud Tanguy : Je suis directeur général du club depuis un an. Je travaille pour le président Loïc Fery depuis plus de deux ans. Cela fait suite à huit ans de carrière en tant que joueur de football professionnel et une douzaine d’années passées dans la finance.

Sébastien Pensivy : Je suis  responsable commercial et marketing du FC Lorient. Cela fait maintenant cinq ans et demi que je travaille au club. Auparavant, je travaillais sur Paris dans l’univers des jeux-vidéo.  J’ai une formation de technico-commercial en complément d’une spécialisation en marketing.

Thierry Hubac : Je suis en charge de la direction de la communication au FC Lorient depuis plus de trois ans. J’ai un passé de journaliste, métier que j’ai exercé pendant plus de vingt ans principalement au sein du groupe Lagardère. J’ai également occupé, avant de venir au FCL, le poste de directeur de communication et du marketing au sein de l’AS Monaco pendant quatre ans.

Comment est structuré le service commercial/marketing du FC Lorient ?

Sébastien Pensivy : Au sein du service, nous avons deux axes de développement. Nous gérons tout d’abord toute la partie de sponsoring classique et nous avons aussi une partie événementielle. Le service est composé au total de cinq personnes. Nous avons donc deux commerciaux qui se chargent de la commercialisation de nos produits classiques relations publiques/publicité/sponsoring. Et nous possédons deux personnes qui s’occupent de la partie « événementiel » avec notamment l’organisation de séminaires au sein de notre nouvel espace FCL. Et moi-même qui suis responsable du service.

Avez-vous recours à des prestataires externes pour certaines tâches liées à l’activité de sponsoring du club ?

Sébastien Pensivy : Nous avons des apporteurs d’affaires qui nous sollicitent régulièrement. Nous avons des relations avec certaines agences de marketing sportif qui sont notamment amenées à travailler pour d’autres clubs de football. Maintenant, nous ne travaillons pas avec une multitude d’apporteurs d’affaires.

Quelle est la philosophie du club en matière de sponsoring ? Le FC Lorient cherche-t-il systématiquement des partenaires locaux pour renforcer la dimension régionale du club ?

Arnaud Tanguy : Notre stratégie marketing – à l’image de ce qui se passe dans de nombreux clubs – se base avant tout sur notre maillot. Il s’agit de notre produit phare. En effet, nous avons historiquement une identité régionale forte à Lorient. Nous avons de nombreux partenaires de la région qui nous suivent depuis de nombreuses années.

Nous sommes fiers d’appartenir au tissu industriel local. Le FC Lorient est devenu un marqueur fort du territoire. Et c’est aujourd’hui tout naturellement que les entreprises de la région s’identifient et s’associent  au FC Lorient pour notamment diffuser l’l’image de leur entreprise.

Est-ce difficile aujourd’hui pour le FC Lorient d’attirer de nouveaux partenaires commerciaux ?

Sébastien Pensivy : Ce n’est pas plus difficile d’attirer des partenaires au FC Lorient que dans d’autres clubs. Le contexte économique est difficile, et ce n’est pas propre au football ou au FC Lorient. Nous évoluons au sein d’une conjoncture économique délicate où de nombreux annonceurs réduisent leurs investissements publicitaires.

« Le FC Lorient est devenu un marqueur fort du territoire » Arnaud Tanguy, directeur général

Après, la bonne nouvelle pour le football, est l’image renvoyée par l’équipe nationale lors de la dernière Coupe du Monde. Les performances ont permis de reconquérir une partie du public français, ce qui constitue un bon signal pour les entreprises qui pourraient investir plus fortement dans le sponsoring footballistique.

Cela dit, à Lorient, nous avons la chance de nous retrouver au cœur d’une région qui adore le football. Nous possédons d’ailleurs quatre clubs professionnels dans la région (FC Lorient, EA Guingamp, Stade Rennais, Stade Brestois) voire cinq si nous incluons Nantes dans la région Bretagne. Et en plus de cette présence professionnelle importante, la Bretagne possède un grand vivier de clubs amateurs. De plus, le public amateur de football en Bretagne est considéré comme familial et non-violent. Cela constitue donc de vrais atouts pour attirer des partenaires commerciaux.

Le FC Lorient subit-il la concurrence des autres clubs bretons dans la recherche de partenaires commerciaux ?

Sébastien Pensivy : La concurrence existe, je ne vais pas vous dire le contraire. Cependant, nous possédons des partenaires commerciaux en commun. Les grandes entreprises bretonnes ne vont pas forcément privilégier un club envers un autre. En général, les entreprises de la région supportent plusieurs clubs bretons. Au final, l’origine bretonne est au-dessus des rivalités départementales ou entre différentes villes. Il n’y a pas de guerre de clocher entre nous.

Après, la présence de plusieurs clubs bretons en Ligue 1 est plutôt une bonne chose pour nous tous. En termes de revenus, cela nous permet de remplir plus fréquemment nos enceintes. Derrière le PSG ou l’OM, les autres clubs de la région représentent les rencontres les plus attractives pour notre public. On parle de derby pour qualifier ces rencontres. Dans ce cadre-là, il s’agit plutôt d’une opportunité pour nous.

La concurrence entre tous les clubs bretons est saine. Et en général, quand il y a concurrence, cela signifie qu’il y a un marché.

Arnaud Tanguy : Globalement, dans le milieu du football, il existe une certaine fraternité entre les différents dirigeants. Par exemple, deux fois par ans, tous les directeurs commerciaux des clubs du Grand Ouest se réunissent pour échanger sur leurs façons de travailler, les problématiques produits… Il y a une multitude d’échanges entre tous les acteurs du football sur l’évolution de l’industrie. En Bretagne, nous sommes plutôt fiers de présenter une telle densité au plus haut niveau du football français.

Quels sont les arguments commerciaux avancés par le FC Lorient pour convaincre les partenaires de s’engager avec vous ?

Arnaud Tanguy : Nous avons une devise qui est « Le football autrement ». Nous essayons de positionner la marque en s’appuyant sur ce slogan. Nous tentons d’adopter un positionnement atypique en nous appuyant sur nos différences : présence d’un terrain synthétique, mise en place depuis plusieurs saisons d’une rémunération à la performance pour les joueurs de l’effectif… Notre premier objectif est de créer des partenariats qui génèrent de l’intérêt pour nos sponsors. Nous cherchons absolument à mettre en place des accords gagnant-gagnant.

Thierry Hubac : La devise « Le football autrement » dépasse le cadre des partenariats. Nous appliquons cette devise à toutes les composantes du club (partenaires, abonnés, sympathisants…). A travers ce slogan, nous cherchons à mettre en avant des valeurs familiales et de convivialité. Nous axons sur l’humain et la convergence de valeurs dans toutes les actions menées au club. Ainsi, nous ne cherchons pas simplement à faire rentrer des recettes par l’intermédiaire des partenariats ou des abonnements. Nous nous efforçons toujours à mettre en place des relations valorisantes, actives, vivantes. Et tout engagement est une véritable adhésion à notre projet sportif, professionnel mais aussi humain. Ainsi, il ne s’agit pas de simple partenariat. Cela va au-delà d’une relation partenaire-club et cet aspect fait souvent la différence.

Sébastien Pensivy : Nous nous appuyons aussi sur des données factuelles comme tous les clubs de Ligue 1. Par exemple, depuis plus de huit ans, nous sommes en perpétuelle progression en termes d’exposition médiatique.

« Le FC Lorient est passé de la 17ème à la 10ème place en termes de notoriété en 5 ans » Thierry Hubac, directeur de la communication

Nous remercions également la Ligue et des agences comme Repucom qui ont travaillé sur des études illustrant l’excellent accueil réservé aux supporters se rendant au stade du Moustoir. Ce résultat souligne la volonté de notre président de remplir régulièrement notre stade. Nous sommes surement un des seuls clubs à offrir aux enfants de moins de 10 ans des abonnements gratuits ce qui renforce notre image de public familial. Les actions menées nous ont permis de figurer lors des dernières saisons sur le podium des taux de remplissage de Ligue 1 à domicile.

Nous avons aussi la chance de posséder une vraie identité de jeu à la Lorientaise. Identité que nous avons renforcée lors des dernières années avec la mise en place d’une pelouse synthétique, le travail réalisé par l’ensemble de nos éducateurs et les principes de jeu inculqués par l’entraineur Christian Gourcuff, désormais repris par son ex-adjoint Sylvain Ripoll. Une philosophie de jeu offensif qui se traduit parfaitement dans les statistiques. Le stade du Moustoir est une des enceintes où l’on voit le plus de buts en Ligue 1. Tout cela avec un stade souvent plein et des tribunes vivantes.

Tous ces éléments (hausse d’exposition médiatique, stade plein, bonne ambiance familiale, jeu offensif) qui incarnent la traduction de notre devise « le football autrement » sont des atouts pour séduire de nouveaux partenaires commerciaux.

Thierry Hubac : Toutes les données factuelles évoquées par Sébastien sont connues et chiffrées. Les études Kantar Média montrent notamment que le FC Lorient se classe dixième en termes de notoriété. Nous sommes passés de la 17ème à la 10ème place en cinq ans. Une étude IPSOS indique que le FC Lorient est pour 81% des personnes interrogées le club le plus sympathique de France. Une étude menée par Repucom montre nous sommes premiers en termes de qualité d’accueil de nos sympathisants. Ces différentes études sont des éléments valorisants pour les entreprises qui souhaitent associer leur image avec celle du club.

Certains sponsors ont-ils quitté le club suite au départ de l’entraineur emblématique du FC Lorient, Christian Gourcuff ? Armor Lux avait notamment envisagé publiquement cette issue…

Arnaud Tanguy : Pour cette saison, nous possédons un taux de renouvellement de 95% de nos partenaires commerciaux. Jean-Guy Le Floch (Armor Lux) était un partenaire historique du club et a décidé de se retirer. Il sera évidemment toujours le bienvenu au FC Lorient. Après, depuis de nombreuses années, nous travaillons pour faire du FC Lorient un édifice solide et fort. D’ailleurs, la place de parrain officiel  a été relativement vite reprise par la société Jean Floc’h. La dynamique commerciale est toujours présente au FC Lorient malgré le départ d’un personnage emblématique.

sponsoring fc lorient

Thierry Hubac : L’immense majorité de nos partenaires est restée au club malgré le départ de Christian Gourcuff. Et cela concerne notamment nos partenaires les plus visibles, ceux figurant sur le textile (maillot + short). Par exemple, le groupe hôtelier B&B et le voyagiste Salaün ont renouvelé leur contrat. De même, Lorient Agglomération a prolongé son partenariat en maintenant sa présence sur le short du club et a même étendu son accord en acquérant le naming d’une tribune du club. La Trinitaine est également toujours présente parmi les partenaires du FC Lorient. Elle possède toujours le naming d’une de nos tribunes.

partenariats fc lorient

Le groupe Jean Floc’h, qui avait déjà été partenaire à la fin des années 90, est revenu cet été et a signé pour trois ans. Enfin, le FCL a également signé un contrat d’équipementier avec adidas, la marque préférée des Français, rejoignant ainsi l’Olympique de Marseille, l’Olympique Lyonnais et l’AS Saint-Etienne.

fc lorient sponsoring

Quels sont les objectifs de revenus de sponsoring du FC Lorient pour les années à venir (le club enregistre des recettes de 5M€/an de sponsoring d’après les derniers rapports de la DNCG) ?

Arnaud Tanguy : Evidemment, nous souhaitons toujours progresser et aller de l’avant. Le principal moyen d’accroître nos ressources est de rénover le stade. Nous sommes actuellement en discussions avec la mairie pour rénover une quatrième tribune. Grâce aux travaux, nous passerons de 1200 à 2200 places VIP. Et nous envisageons également d’accroître la capacité totale du stade de 17 000 à 25000 places assises.

Sébastien Pensivy : Ce qui va nous intéresser dans les mois à venir, c’est de poursuivre la professionnalisation de notre approche de sponsoring et l’aspect relationnel avec nos partenaires. Cela se traduit par des actions concrètes comme la mise en place depuis la saison dernière de rendez-vous de réseautages pour nos partenaires. Nous allons également ouvrir nos réseaux sociaux à nos partenaires afin de créer de l’interaction entre supporters, clubs et sponsors.

Et puis, depuis un an, nous bénéficions également de l’espace FCL qui doit nous aider à renforcer nos liens avec nos partenaires commerciaux. L’espace FCL n’est pas qu’un centre d’entrainement mais il représente un lieu de vie pour l’ensemble des composantes du club. Nos partenaires peuvent venir y travailler dans un cadre original et moderne.

Nous disposons notamment d’un auditorium – petite salle de cinéma de 100 places. L’espace FCL regroupe également notre siège administratif. Cet outil nous permet aussi de développer concrètement nos revenus commerciaux via l’axe événementiel. Nous avons recruté dernièrement une chargé d’affaires événementiel afin d’identifier des entreprises plutôt intéressées par l’organisation de séminaires au sein de notre espace ou par des opérations plus classiques d’évènements un soir de match au Stade du Moustoir.

Au sein de l’espace FCL, les chefs d’entreprises peuvent être amenés à rencontrer la direction du club, les joueurs de l’effectif professionnel, nos équipes de jeunes avec nos éducateurs ou encore les supporters en un seul endroit. L’espace FCL contribue à donner une dimension familiale à notre club.

Comment peut-on expliquer la stagnation des revenus de sponsoring de Ligue 1 au cours des dernières saisons ?

Arnaud Tanguy : La locomotive du football français est l’équipe nationale. Et les clubs ont souffert de manière indirecte de l’image renvoyée par notre équipe nationale auprès des Français. Avec la belle Coupe du Monde 2014 que nous avons connue, je suis persuadé que le football va redevenir attractif auprès de l’opinion mais aussi pour les entreprises. Un stade de football est un lieu où on prend du plaisir. Mais c’est aussi un lieu de rencontres pour les personnes influentes de la région.

La qualité du spectacle affichée par les clubs de Ligue 1 est-elle responsable de cette stagnation des revenus ?

Arnaud Tanguy : C’est vrai qu’on se déplace dans un stade pour assister à un spectacle agréable. Après, à Lorient, nous mettons tout en œuvre pour produire un football de qualité. Nous avons notamment fait le choix d’une pelouse synthétique pour s’adapter à notre style de jeu basé sur des redoublements de passes courtes et du jeu à terre. Cela contribue au spectacle : nous sommes le stade où les spectateurs voient le plus de buts en Ligue 1.

« La différence de visibilité internationale entre la Premier League et la Ligue 1 est abyssale ! » Sébastien Pensivy, directeur marketing

Sébastien Pensivy : La stagnation des revenus de sponsoring de Ligue 1 sur les dernières saisons peuvent également s’expliquer par certains cas individuels. En effet, de grosses formations de Ligue 1 ont connu lors des dernières saisons des échecs sportifs conduisant à une descente à l’échelon inférieur. Cela a certainement une incidence sur les revenus globaux du championnat.

Les clubs de Ligue 1 peuvent-ils développer des accords de sponsoring régionaux à l’image de ce qui est pratiqué en Premier League ?

Sébastien Pensivy : Aujourd’hui, il n’est pas possible de comparer la Ligue 1 et la Premier League. Nous ne bénéficions pas de la même exposition. Tant que la Ligue 1 n’aura pas une grande visibilité à l’étranger, il sera difficile de mettre en place ce type d’accords pour les clubs du championnat. La différence de visibilité internationale entre la Premier League et la Ligue 1 est abyssale !

Le sponsoring actionnarial est-il une alternative pour développer les revenus de Ligue 1 ?

Arnaud Tanguy : Les clubs anglais ont initié les ouvertures de capital en pratiquant des introductions en bourse. Les clubs allemands font de même en ouvrant le capital aux partenaires de sponsoring. Ces modèles se respectent. Maintenant, l’investissement en sponsoring et une prise de participation dans un capital ne répondent pas du tout aux mêmes logiques. Une prise de participation actionnariale nécessite de garantir la pérennité d’un club avec les risques associés.

Au club, nous œuvrons tous au développement sportif et économique du club sans avoir recours à l’entrée de nouveaux actionnaires.

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