Interview

Interview de Steve Moradel, directeur associé chez SponsorLive

Cette semaine, Ecofoot.fr a eu la chance de s’entretenir avec Steve Moradel, directeur associé de SponsorLive. Steve Moradel a pris le temps de commenter l’évolution actuelle des revenus de sponsoring de Ligue 2 tout en nous décrivant comment sa jeune société compte aider les clubs professionnels à optimiser leurs différentes sources de revenus.

Bonjour Steve. Pouvez-vous nous présenter votre parcours et votre rôle chez SponsorLive ?

Aujourd’hui, je suis directeur associé chez SponsorLive. Je suis en charge des partenariats stratégiques et du digital. J’ai fait des études supérieures dans le marketing et la communication. Le dernier poste que j’ai occupé était celui de directeur de développement au sein de l’agence de publicité La Chose. Par la suite, j’ai créé une agence l’Engaged spécialisée dans le marketing digital. Je suis également intervenant dans plusieurs établissements en qualité d’expert du digital notamment à Audencia Paris. Et j’assure des missions de conseil en réflexion stratégique pour plusieurs entreprises.

Pouvez-vous nous décrire les activités de SponsorLive ?

Aujourd’hui, SponsorLive est une place de marché transactionnelle qui permet aux clubs professionnels de trouver de nouvelles sources de revenus. Et elle permet également aux annonceurs de mieux qualifier leurs actions de communication dans l’univers sportif. SponsorLive est donc une entreprise dédiée à la vente d’espaces publicitaires au match sur les équipements des clubs de football et de rugby. Cela peut être des emplacements de type maillot, short, la panneautique ou encore les réseaux sociaux. La plateforme peut aussi bien répondre à des objectifs de notoriété que commerciaux.

Pour en revenir à l’idée de départ, les fondateurs ont tout de suite voulu développer un outil pratique et intuitif permettant de mettre en relation les entreprises de toute taille avec les clubs professionnels de football. SponsorLive est un trait d’union, un facilitateur de rencontres entre les annonceurs nationaux, régionaux et départementaux et leurs clubs professionnels. Je parle de rôle de trait d’union car nous pensons que la dimension territoriale est une composante essentielle du sponsoring. Ainsi, les clubs doivent davantage s’ouvrir au tissu économique de leur région car leurs plus fidèles partenaires s’y trouvent.

SponsorLive est une jeune entreprise qui a vu le jour en septembre 2013. Elle a été fondée par Brieuc Turluche et Alain Roche, ancien joueur et dirigeant du Paris Saint-Germain. Alain Roche est en charge des relations avec les différents clubs de football. Thomas et Marc Lievremont,  anciens internationaux de l’équipe de France et qui nous ont récemment rejoints, gèrent les relations avec les clubs de rugby. Puis nous avons Stuart Corring qui est notre CTO et qui pilote la R&D de SponsorLive. Michel Desbordes s’occupe de la communication de SponsorLive.

Quels sont les arguments utilisés pour convaincre les annonceurs à venir utiliser la plateforme SponsorLive ?

Nous avons la chance de disposer d’un modèle qui peut intéresser tout type d’annonceurs : aussi bien des grandes enseignes du type Orange ou Coca-Cola comme des PME ou des ETI. Les annonceurs qui travaillent avec nous actuellement nous ont pour la plupart contactés spontanément. Durant mon parcours professionnel, j’ai eu la chance de travailler avec de nombreuses entreprises. Nous avons donc pu en attirer quelques-unes par cooptation et réseautage. On a également eu beaucoup de retombées presse lors du lancement de l’activité ce qui a facilité le recrutement. Et nous sommes sur le point de signer un accord avec deux médias nationaux de grande envergure afin de diffuser plus massivement nos offres auprès d’autres annonceurs. A terme, l’objectif est de travailler avec plusieurs dizaines de milliers d’annonceurs sur la plateforme.

Ensuite, il faut tout de même savoir que dans le football, il est assez difficile de bousculer les habitudes. Et cette donnée est autant vraie pour les clubs que pour les annonceurs. Aujourd’hui, notre premier argument concerne la qualité et l’intuitivité de notre plateforme permettant de simplifier l’accès à l’univers du sponsoring sportif. L’idée générale de SponsorLive est de simplifier les relations transactionnelles entre les clubs et les annonceurs. En plus de cette simplification, SponsorLive permet aux annonceurs de pénétrer le marché du sponsoring sportif avec un ticket d’entrée relativement modeste par rapport à ce qui se pratique couramment. Par exemple, avec un budget de 5 000 €, un annonceur peut très bien se retrouver via SponsorLive sur les supports de communication d’un club de Ligue 2.

Est-ce difficile de convaincre les clubs professionnels de travailler avec vous ? Et avec quels clubs travaillez-vous aujourd’hui ?

Comme je le disais précédemment, les habitudes sont difficiles à bousculer dans le secteur footballistique. Grâce au carnet d’adresses d’Alain Roche, nous sommes parvenus à rencontrer 80% des clubs de Ligue 1 et Ligue 2. Et l’accueil de notre projet a été plutôt favorable. Certains clubs nous ont rapidement suivis en s’engageant avec nous. Avec d’autres clubs, nous sommes toujours en négociation. Sans trop m’avancer, je peux vous dire que nous allons annoncer l’engagement de nouveaux clubs français à la mi-septembre grâce à l’excellent travail mené par Alain dans le domaine du football et Thomas et Marc dans celui du rugby.

Pour vous citer quelques noms, nous travaillons aujourd’hui avec le FC Metz, l’AS Nancy-Lorraine, le Stade de Reims ou encore le Stade Lavallois. D’autres écuries vont nous rejoindre prochainement. Et concernant le rugby, nous sommes en cours de signature avec les clubs de Bayonne, Tarbes, Montpellier, Lyon. Et nous pensons pouvoir signer entre 30 et 40 clubs professionnels de rugby et de football d’ici le mois d’octobre.

Comment cela se passe concrètement quand un annonceur remporte une enchère ? Quelles sont les taches opérationnelles assumées par l’annonceur, SponsorLive et le club sportif sponsorisé ?

Le 20 août prochain, nous allons sortir la V2 de notre plateforme SponsorLive. Le principe des enchères a alors été complètement abandonné et il a été remplacé par des achats directs. Concrètement, la plateforme recense tous les espaces publicitaires mis en vente par les différents clubs concernés pour des rencontres précises. Les entreprises ont alors la possibilité de faire le choix qu’elles souhaitent, en fonction de leurs attentes et de leur budget. Elles peuvent notamment choisir les emplacements souhaités : maillot, short, réseaux sociaux, panneautiques… Les annonceurs peuvent donc intégrer les espaces publicitaires des clubs professionnels dans leur plan média. C’est particulièrement intéressant dans le cadre d’un lancement de produits par exemple.

La plateforme est conçue pour être un outil extrêmement simple d’utilisation pour les annonceurs et les clubs de football. De la création d’un compte à la réalisation d’une vente, tout le processus est extrêmement simple. La V2 permettra notamment aux clubs, parmi les différentes évolutions, de monétiser leurs réseaux sociaux. Il s’agit d’une grande nouveauté car jusqu’à présent, les clubs n’avaient pas cette possibilité. Et grâce à de nouveaux outils, les annonceurs pourront également développer leurs communautés et générer plus de visites vers leurs supports digitaux.

La nouvelle plateforme proposera donc une combinaison pertinente d’outils permettant de gérer une communication multicanal. Cette nouvelle version renforcera la portée du message de l’annonceur et maximisera son ROI. Nous mettons donc à disposition des annonceurs un outil extrêmement puissant et pertinent pour des enseignes qui souhaitent exploiter le sponsoring sportif.

Quel modèle économique sera utilisé lors de la monétisation des réseaux sociaux des clubs professionnels ?

Au départ, nous serons sur un modèle de tarification fixe avec tout de même différents montants en fonction du club et de sa communauté. Cependant, nous réfléchissons à proposer de nouvelles tarifications. Mais pour le moment, nous allons démarrer avec un modèle de prix fixe.

Avez-vous également un rôle de conseil auprès de l’annonceur qui souhaite investir dans le sponsoring sportif ?

Sur la nouvelle version de la plateforme qui sortira le 20 août prochain, les annonceurs pourront choisir la composition de leur bouquet de manière très aisée en fonction de leur budget et de leurs objectifs. Des packages seront définis sur l’interface pour guider l’annonceur mais il sera également libre de choisir des offres à la carte pour composer son bouquet. Nous restons sur un processus très simple tout en laissant une certaine autonomie à l’annonceur.

L’annonceur a-t-il une estimation des résultats de sa campagne de sponsoring sportif ?

Bien évidemment. Après la campagne, l’annonceur aura à sa disposition un reporting détaillé lui permettant de connaitre le ROI et l’impact de l’opération. C’est compris dans la prestation délivrée par SponsorLive.

L’accord signé dernièrement entre l’UCPF et Omnicom Media Group menace-t-il le modèle économique de SponsorLive ?

Nous ne considérons pas cet accord comme une menace mais plutôt comme un nouveau concurrent. En tout cas, nous saluons toutes les initiatives qui permettent d’apporter des solutions aux clubs professionnels. De plus, le modèle ressemble au notre : nous pouvons donc nous féliciter de servir de source d’inspiration à des groupes aussi importants qu’Omnicom.

Ensuite, le partenariat conclu entre l’UCPF et Omnicom ne concerne que les annonceurs travaillant déjà avec le groupe. Et ils n’ont accès qu’à des offres packagées, conçues au milieu de plans médias plus globaux. De notre côté, notre plateforme digitale est ouverte à tout annonceur souhaitant investir dans le sponsoring sportif. Ainsi, nous attirons un éventail d’annonceurs bien plus large. Nous concevons des offres permettant à des PME d’investir dans le sponsoring sportif tout en attirant des acteurs nationaux avec des budgets plus importants. De plus, nous signons généralement avec les clubs partenaires une clause d’exclusivité concernant l’utilisation d’une plateforme digitale pour vendre leurs emplacements publicitaires.

Les deux modèles sont proches mais pas similaires en mon sens. Il y a largement de la place pour une cohabitation des deux groupes.

Quelles sont les perspectives de développement de SponsorLive ?

Premièrement, nous cherchons à implanter durablement SponsorLive en France. Ainsi, nous nous ouvrons à de nouveaux sports. J’ai notamment évoqué le rugby en début d’interview. On a également quelques touches avec d’autres fédérations pour pouvoir développer le modèle à de nouveaux sports.

Au niveau développement international, nous portons une attention particulière à l’Afrique. Nous prévoyons notamment une ouverture de la plateforme SponsorLive au Sénégal et en Côte d’Ivoire en 2015.

Enfin, en termes de services, nous travaillons actuellement sur le développement d’un outil de yield management – système de tarification en temps réel – qui nous permettra de nous ouvrir sur le BtoC en diversifiant nos activités sur la billetterie. En réalisant cette diversification vers la billetterie, nous nous positionnons concrètement comme un véritable partenaire des clubs en optimisant leurs différentes sources de revenus.

Pourquoi les revenus de sponsoring de Ligue 2 stagnent-ils autour de 50 M€ au cours des dernières saisons ?

Il y a plusieurs explications mais c’est toujours difficile de pouvoir identifier la raison essentielle à cause de la multiplicité des situations. Cependant, il est évident que la crise économique a joué un rôle prépondérant dans cette stagnation des revenus de sponsoring. Beaucoup d’acteurs de l’économie ne considèrent pas forcément que la crise soit derrière nous, ce qui limite évidemment les investissements. De plus, en temps de crise, les PME sont plus sévèrement touchés que les grands groupes. Et ce sont souvent ces PME qui constituent les entreprises partenaires des clubs de Ligue 2.

montants revenus sponsoring ligue 2

Cependant, la crise économique ne peut pas expliquer à elle seule cette stagnation des revenus. Le championnat de Ligue 2 est confronté à d’autres problématiques qui limitent la croissance des revenus de sponsoring. On peut prendre par exemple la vétusté des stades du championnat. Les partenaires commerciaux sont plus enclins à soutenir financièrement une formation qui possède des installations modernes et qui remplit son stade. Il s’agit d’un facteur essentiel. En Allemagne et en Angleterre, où les stades sont modernes et pleins, ils n’ont pas de problème à signer des partenariats commerciaux importants. Récemment, j’ai lu une étude qui indiquait le fléchissement des taux de remplissage de Ligue 2 et Ligue 1 entre 2008 et 2013 pour atteindre désormais 41% en L2 et 53% en L1. Ainsi, on se rend bien compte de l’écart qui nous sépare de nos voisins allemands et anglais.

Il est important de répondre à cette problématique de billetterie qui permettrait aussi de relancer les revenus de sponsoring. Il faut désormais limiter la chute d’affluence qu’enregistre le championnat de Ligue 2 depuis désormais un peu plus de deux ans. Une raison qui explique cette baisse est notamment l’horaire de programmation des matchs du championnat. La LFP a privilégié la manne financière apportée par les diffuseurs, qui ont pu imposer leur programmation, au détriment des taux de remplissage. Cette nouvelle programmation est donc à l’origine de la baisse des revenus de billetterie.

Outre les changements des cases horaires, il y a plusieurs pistes à exploiter pour relancer les revenus de billetterie du championnat. Tout d’abord, il est nécessaire d’accélérer le processus de modernisation des enceintes. Il y a aussi la dématérialisation de l’activité de billetterie, rendue possible depuis la loi de 2007, qui offre de nouvelles possibilités en simplifiant des processus d’achats et en permettant l’introduction de  nouveaux outils comme le yield management qui doivent permettre d’optimiser les revenus des clubs. Le yield management, appliqué déjà à de nombreux secteurs d’activités comme le tourisme, donne aujourd’hui de très bons résultats dans l’univers du sport aux Etats-Unis. Chez SponsorLive, nous prévoyons de proposer ce service aux clubs lors de la sortie de notre V2.

Après, plus généralement, la Ligue 2 a également besoin d’un nouveau souffle avec l’arrivée de nouveaux investisseurs lui permettant de se développer. Cela permettrait au championnat d’être plus attractif en attirant des joueurs de qualité supérieure.

Pour l’avenir, je pense qu’il y a une marge de progression très importante concernant le développement des revenus de sponsoring de Ligue 2. L’évolution du paysage médiatique sportif français – avec notamment l’arrivée de BeIN Sports ou encore le rachat d’Eurosport par Discovery Channel – devrait être tout de même être favorable à long terme.

Les clubs de Ligue 2 consacrent-ils suffisamment de ressources au développement de leurs revenus de sponsoring ?

Les clubs de Ligue 2 ont des circonstances atténuantes. La réalisation de la prospection commerciale est une activité couteuse pour ces clubs. Ils n’ont pas forcément des moyens financiers importants à consacrer à cette activité.

Après, à l’image de nombreux clubs de Ligue 1, les directions de Ligue 2 sont surtout sensibles à l’évolution de la manne des droits TV. Et effectivement, au sein des clubs de Ligue 2, il y a peut-être aujourd’hui un déficit de force commerciale pour dénicher de nouveaux partenaires. Dans le cadre de nos activités avec SponsorLive, on se rend compte que les formations de Ligue 2 ne possèdent généralement qu’un seul commercial. Dans ces conditions, c’est évidemment difficile de générer des gros revenus.

Justement, SponsorLive répond à cette problématique du sous-effectif des équipes commerciales des formations de Ligue 2. Pour des clubs qui ne possèdent qu’un seul ou deux commerciaux dans leurs effectifs, SponsorLive peut leur permettre de dénicher des nouveaux annonceurs sans accroître leur force commerciale.

Les directions de Ligue 2 n’ont-ils pas un intérêt à long terme à diminuer leurs budgets consacrés au secteur sportif pour les investir dans le développement des revenus de sponsoring ou de billetterie ?

Oui, je le pense. Et je pense aussi que les clubs de Ligue 2 n’ont plus le choix. Aujourd’hui, la situation financière du football français, et particulièrement de la Ligue 2 est très préoccupante et il est indispensable de réaliser des reconfigurations des structures de coûts des clubs. Beaucoup de clubs vivent toujours au-dessus de leurs moyens aujourd’hui en investissant trop dans le secteur sportif.

J’aime beaucoup l’exemple du président Jean-Michel Aulas à Lyon. Il aurait pu avoir cette tentation d’une gestion court-termiste en dépensant à tout va dans les transferts et la masse salariale du club. Au lieu de cela, il a mené une réflexion au sujet d’une stratégie à long terme à l’image d’un vrai chef d’entreprise. Malheureusement, aujourd’hui, les directions ne gèrent pas forcément leur club comme une véritable entreprise. Et c’est pour cette raison qu’il y a encore aujourd’hui tant de dérapages financiers.

Dernièrement, sur Twitter, vous aviez indiqué que les revenus de sponsoring de Ligue 2 devraient dépasser 60 M€ pour l’exercice 2014-15, notamment grâce à l’activité de SponsorLive. Quel sera le niveau de contribution de votre société dans cette croissance des revenus ?

Personnellement, je n’aime pas me lancer dans ce genre de chiffres car il y a trop d’éléments, notamment liés à la conjoncture, qui influencent l’évolution. Par exemple, si la crise économique devait perdurer lors des prochaines années, les revenus de sponsoring continueraient à plonger. C’est une réalité.

Après, concernant la contribution de SponsorLive, je pense effectivement que nous pouvons être un acteur majeur de la croissance des revenus de sponsoring de Ligue 1 et également de Ligue 2. Ainsi, nous pouvons faire en sorte d’augmenter les revenus de sponsoring des clubs qui s’engagent avec nous de l’ordre de 10 à 15%. C’est un objectif très raisonnable et prudent.

Cette croissance sera notamment portée par la monétisation de nouveaux espaces pour les clubs comme par exemple les médias et réseaux sociaux. Il y un vrai potentiel à ce niveau. Et puis SponsorLive représente un excellent outil de démarchage de partenaires pour les clubs. Nous allons capter des annonceurs que les clubs n’auraient pu démarcher facilement sans notre plateforme digitale. Voilà les deux principaux axes sur lesquels SponsorLive peut influer directement pour obtenir une croissance de 10 à 15% des revenus de sponsoring.

Après, comme vous l’avez compris, SponsorLive interviendra sur d’autres sources de revenus dans les mois à venir et notamment la billetterie. Ainsi, nous ne serons plus cantonnés uniquement au développement des revenus de sponsoring mais nous aspirons à aider de manière plus globale les clubs qui s’engagent avec nous.

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